Selon des estimations publiées en 2012, la pénétration d’Internet en Afrique atteint 15,6% de la population. Bien que le nombre réel de personnes influencées par l’utilisation d’Internet soit sans doute beaucoup plus élevé, cette statistique démontre une importante disparité infrastructurelle entre l’Afrique et d’autres continents. Actuellement, cet écart de connectivité est comblé par d’autres médias, si l’on en croit l’étonnant taux de croissance du marché « mobile » en Afrique. Il y a en outre, sur le continent, l’importante présence de la radio et de la télévision. En comparaison avec Internet, ces anciens médias semblent plutôt simplistes ; la radio reste néanmoins l’un des médias les moins coûteux, il est le plus polyvalent et le plus répandu parmi les moyens de communication de masse. La radio reste également un puissant outil pour les éducateurs africains, en dépit de l’absence manifeste d’interactivité. Mais peut-être existe-t-il une manière de combiner l’omniprésence de la radio au pouvoir croissant d’Internet ?
Par Alasdair MacKinnon
Un récent article de Mawuna Remarque Koutonin, rédacteur en chef de Silicon Africa, est allé jusqu’à proposer d’« oublier Internet ; l’éducation par le biais de la radio est plus importante et plus abordable ! » Il y détaille un argument convaincant en faveur de la radio comme solution partielle aux récurrents problèmes d’infrastructures sur le continent où les réseaux de diffusion déjà existants offrent pour sûr une méthode essentielle pour la transmission des informations, tout du moins jusqu’à ce que le support Internet ait rattrapé son retard actuel. Car lorsque nous parlons de diffusion, nous parlons d’infrastructures souvent déjà en place et qui, contrairement aux câbles permettant l’accès à Internet, couvrent simultanément de vastes zones. Pour tirer parti des avantages liés à ce constat, des entreprises américaines ont commencé à expérimenter dès 2007 l’utilisation d’ondes radio en vue d’améliorer l’accès à Internet, plus précisément en exploitant le potentiel sur des fréquences inutilisées, habituellement réservées à la télévision.
Les fréquences sur lesquelles télévision et radio sont diffusées sont soigneusement réparties, dans la plupart des pays, de manière à éviter les interférences entre les divers canaux. Ceci induit la présence d’«espaces blancs», de fréquences uniquement utilisées comme des « tampons » entre les différentes stations. Attendu que les services de télévision passent progressivement au numérique, les zones tampons en très hautes fréquences (300-3000 MHz) ne sont plus nécessaires, de larges portions sont ainsi libérées et permettent d’autres utilisations, tel des services à haut débit sans fil. Grâce à la technologie de la radiodiffusion, il est possible de fournir une telle connexion Internet.
Le principal avantage infrastructurel des espaces blancs est que les ondes sont propagées de la même manière que celles de la télévision. Les signaux d’une station peuvent ainsi parcourir jusqu’à dix kilomètres dans toutes les directions, couvrant une superficie de plus de 300 kilomètres carrés. Les ondes ne sont entravées ni par les murs ni par les obstacles. Transmises et relancées sur de longues distances, elles sont en mesure de couvrir d’immenses étendues pour un prix dérisoire (comparé à celui qu’impliquerait une pose de câbles spéciaux). Qui plus est les relais hertziens qui diffusent les signaux n’ont besoin que de simple énergie solaire pour fonctionner, tandis que les utilisateurs finaux n’ont même pas besoin de raccordement direct au réseau.
Microsoft a entamé, en février dernier, des essais en vue de tester la viabilité des espaces blancs en Afrique. Les premiers bénéficiaires en furent les écoles, les centres de soins et les bibliothèques situées près de la petite ville de Nanyuki, de même que dans le village kenyan de Kalema, dans la vallée du Rift. Les élèves de l’université de Dar-es-Salam, en Tanzanie, ont par la suite été connectés. Plus récemment, fin juillet 2013, Microsoft a jeté son dévolu, dans le cadre de sa troisième tentative, sur la province de Limpopo, l’une des régions les plus pauvres d’Afrique du Sud. Microsoft fut soutenu dans ce cadre par l’Université de Limpopo, afin d’assurer un accès à haut débit aux écoles les plus éloignées de la région, fournissant également ordinateurs portables et panneaux solaires dans les régions dans lesquelles l’électricité fait défaut.
Ces essais ont prouvé la grande polyvalence dans l’utilisation des « espaces blancs ». Leur succès démontre que le développement rural ne doit pas relever de la simple connexion électrique et Internet en Afrique. Le futur peut, et doit, arriver plus rapidement, attendu que les infrastructures sur le continent se développent au gré de la croissance économique. Et les « espaces blancs » pourraient bien prendre une place non négligeable dans la solution à ces problèmes.