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La prochaine étape pour résoudre les problèmes de l’Afrique : l’eLearning

Par Wycliffe Omanya, conseiller en gestion de l’apprentissage et de la connaissance à Plan International

Avec plus d’un millier de délégués, 68 sessions parallèles, 50 stands d’exposition et des représentants de 18 secteurs, la 13ème conférence d’eLearning Africa à Kigali, au Rwanda, était un endroit qui débordait de connaissance, d’apprentissage et de possibilités de mises en relation.

Humanitarian Leadership Academy Workshop, eLearning Africa 2018

Cette édition d’eLearning Africa, tout comme ses éditions précédentes, a ouvert une multitude de débats thématiques et présenté des technologies de pointe pratiques qui arrivent à point nommé et sont utiles pour les espaces d’éducation et d’apprentissage en Afrique. J’ai eu le privilège de participer à un panel de discussion portant sur les meilleures pratiques d’apprentissage en Afrique orientale, à l’occasion d’un atelier préalable à la conférence animé par la Humanitarian Leadership Academy.

Lors de ma participation à la conférence, j’ai relevé quatre questions cruciales :

 

1) Qu’il soit interne ou externe, l’apprentissage demeurera pertinent.

Les organisations qui s’entourent de talents animés d’un fort engagement augmenteront probablement leur productivité et la satisfaction de leurs employés. De manière similaire, les gouvernements qui mettent l’accent sur l’apprentissage auront davantage tendance à aller vers le progrès technologique et à récolter les fruits de l’économie du savoir. Contre la volonté de plusieurs intérêts et des citoyens, les gouvernements imposent de plus en plus de taxes sur les médias sociaux et numériques. Ceci reflète le besoin critique du gouvernement d’augmenter l’exposition numérique afin de stimuler l’innovation pour l’avenir. Il ne fait aucun doute qu’investir dans l’eLearning doit être considéré comme un engagement sur le long terme.

La jeunesse formant la majorité de la population africaine (50-60%), les gouvernements pourraient faire le choix de solutions rapides pour impliquer les jeunes et essayer de contrer le possible retour de bâton du chômage des jeunes. De nombreux gouvernements africains ont créé des fonds d’appui à l’entrepreneuriat des jeunes destinés à promouvoir l’engagement et l’emploi des jeunes, mais même avec ces entreprises qui visent la génération Y, le gouvernement doit trouver la corde sensible de cette population exposée à la révolution numérique et impatiente sur le plan social et économique. Par conséquent, les investissements dans l’eLearning, s’ils sont alignés sur des visions de développement qui reconnaissent l’importance de la jeunesse et leur penchant pour la technologie, ouvriraient la voie à des innovations fondées sur les besoins, adaptées au contexte et développées au niveau local.

Pour les organisations dans les secteurs privés et non-étatiques, l’eLearning apporte de plus en plus une valeur ajoutée dans l’efficacité à encourager l’adaptabilité aux besoins des consommateurs, l’intégration de nouveaux employés et le développement. Tandis que le taux d’utilisation est inférieur, et cela varie par rapport au taux probable dans la sphère publique, certains gouvernements, comme le gouvernement kényan, adoptent pour leur population un système de prestation de services qui s’appuie sur les technologies (eCitizen). Négliger l’eLearning peut laisser présager un retard dans la capacité d’une organisation à être compétitive au niveau régional ou mondial, et par conséquent ralentir la productivité et la croissance.

 

2) Les crises humanitaires se produisent tout autour de nous et sont de plus en plus fréquentes.

Qu’elles résultent de maladies épidémiques, de conflits, d’inondations, de sécheresses, de tremblements de terre ou de typhons, ces crises affectent des millions de personnes. Il était passionnant de voir que des organisations telles que la Humanitarian Leadership Academy et d’autres sont déjà en train de chercher une manière d’anticiper et prévenir ces crises, et quand c’est impossible, de faire en sorte que les organisations humanitaires soient équipées pour répondre de manière plus efficace et effective afin d’éviter les pertes de vies humaines.

Atish Gonsalves, directeur de l’innovation globale de l’Academy, fait remarquer que l’Academy a introduit une plate-forme globale d’apprentissage en ligne, Kaya, qui cible le secteur humanitaire et s’attache à former la génération future de leaders et d’intervenants humanitaires situés dans les pays vulnérables touchés par une crise.

« Kaya forme un réseau global d’experts qui aide les personnes dans le besoin et intègre l’apprentissage local pour renforcer leur capacité de résistance », dit Atish.

L’Academy a démocratisé l’apprentissage et le savoir au-delà des limites géographiques. Je me suis inscrit au MOOC intitulé « Futurs et veille humanitaires », afin de faire partie de cette masse critique capable de répondre efficacement aux situations humanitaires.

La professeure Susana M. Fernandez, qui enseigne l’intelligence artificielle à l’Université technique de Madrid, en Espagne, ajoute que les crises prennent diverses formes. Elle sous-entend que la culture numérique est en elle-même une crise humanitaire. Le point critique est la façon dont les programmes et la communauté peuvent être mieux préparés pour réagir efficacement et le plus rapidement possible afin de sauver des vies. A cet égard, le rôle de la culture numérique mérite des débats de plus haut niveau. Elle explique que dans cette ère numérique, des personnes aux quatre coins de l’Afrique n’ont jamais même vu ou interagi avec un simple ordinateur et que cela doit changer.  « Combler le fossé numérique est une priorité humanitaire », dit-elle. Cela signifie donc qu’une approche multisectorielle pour aborder les programmes humanitaires immédiats doit être menée par des efforts de coopération qui intègrent les organisations humanitaires, le secteur privé et les gouvernements, dans le but de développer et de mettre en œuvre des politiques adéquates garantissant que nous puissions tous tirer profit de la technologie et apprendre, avec pour objectif une meilleure capacité de résistance.

3) Le rôle de l’intelligence artificielle (IA) dans l’apprentissage

Je suis allé à la rencontre d’experts de l’intelligence artificielle dans le but d’apprendre éventuellement des tactiques de survie au cas où l’IA prendrait le contrôle ! J’ai vite appris que nous craignions probablement moins avec l’IA qu’avec les véhicules sur nos routes, qui tuent près d’1,3 million de personnes chaque année dans le monde. L’une des questions clés de cette session était de savoir pourquoi Google, Twitter, Facebook, Netflix, etc. demeuraient les plus grandes entreprises au monde. Tout le monde s’accordait à dire qu’elles comprenaient la relation entre l’IA et les êtres humains.

L’intelligence artificielle a la capacité d’améliorer l’apprentissage à divers niveaux et notamment dans l’engagement des étudiants, le soutien aux étudiants, la création et curation de contenu et l’évaluation. Au contraire des humains, elle n’a pas de parti pris et elle assure une précision accrue à plus grande ampleur. Intégrer l’IA changera la nature même du travail, ce que nous apprenons, pourquoi nous apprenons et comment nous apprenons. J’ai compris de cette discussion que le monde était à la veille d’une révolution et que plus que jamais, nous devions nous attacher à améliorer l’apprentissage aux différents niveaux en appréciant l’IA à sa juste valeur et en reconnaissant sa valeur ajoutée au niveau des interventions humanitaires.

4) Motiver les étudiants

Une fois que tout ceci a été dit et fait, la prochaine question est de savoir comment assurer que les étudiants soient motivés dans l’ère numérique. Bien que cette question continue de hanter les cadres d’apprentissage classiques, en particulier l’apprentissage organisationnel, il était rafraîchissant de participer à cette conversation. Alors que les gens acquièrent progressivement de nouvelles compétences mais peinent à démontrer leur valeur à un tiers en l’absence de certification, une innovation comble facilement ce vide. HPass a présenté les Open Badges, ou badges ouverts, qui rassemblent numériquement les compétences, réalisations ou encore l’engagement dans une association, et les rendent visibles et partageables en ligne. Ils contiennent également les références professionnelles au format standardisé et des liens sécurisés qui permettent d’expliquer le contexte, le sens, le processus et le résultat d’une activité. Nous reconnaissons que l’apprentissage est un engagement de toute une vie et c’est pourquoi les capacités et compétences acquises par un individu au cours d’une activité professionnelle seront documentées par le biais d’une plate-forme qui est reconnue et constitue une mesure standard valable. Ce sera particulièrement important pour l’apprentissage interne au sein des organisations. Le concept de ces badges ouverts fera sans doute très prochainement l’objet d’un débat, car les organisations comprennent de plus en plus la valeur de l’apprentissage et de la reconnaissance numériques.

Dans l’ensemble, la conférence eLearning Africa était intéressante et solide avec des débats contemporains axés sur la recherche de solutions aux futurs problèmes humanitaires. L’événement a mis l’accent sur l’importance à l’avenir d’adapter l’eLearning à la réalité de la limitation des ressources en Afrique, en particulier dans les zones rurales. Et bien que la technologie était un sujet central, eLearning Africa a habilement illustré pourquoi et comment la technologie facilitait l’apprentissage et en quoi elle pouvait contribuer à des services et programmes humanitaires de qualité.

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