Le secteur des technologies est en plein essor en Afrique. Grâce au crowdsourcing, BongoHive, la start-up de Lusaka, a réussi à établir une carte en ligne des hauts lieux de la technologie en Afrique. À la date du 13 avril 2012, le nombre de pôles d’innovation du continent s’élève à 49 et progresse constamment. Mais quelle réalité cette carte des pôles africains dissimule-t-elle ?
« Il est très difficile de trouver des informations précises sur les pôles d’incubation technologique africains, explique Lukonga Lindunda, cofondateur de BongoHive. Nous avons donc décidé de nous y atteler nous-mêmes ». Pour cela, BongoHive a fait appel à la plate-forme de crowdsourcing d’Ushahidi, un moyen rapide et peu coûteux de rassembler et d’analyser le contenu de milliers de SMS, messages Twitter et e-mails provenant de tout le continent. « Nous avions déjà utilisé la plate-forme d’Ushahidi pour suivre l’élection générale zambienne de novembre 2011 (voir www.bantuwatch.org), indique M. Lukonga, nous connaissions donc bien le logiciel. »
Les pôles technologiques cartographiés par BongoHive sont de formes et de tailles variées : pépinières d’entreprises, hackerspaces et autres pôles technologiques, bref, des lieux où des personnes se rencontrent, collaborent et créent des outils et des technologies destinés à de multiples secteurs de la vie. Lukonga Lindunda espère que la carte établie par BongoHive favorisera l’interaction et l’échange de connaissances entre les différents pôles. Les 49 pôles actuellement recensés sur la carte montrent que, du Sénégal à l’Afrique du Sud, les passionnés de technologie ont dorénavant tendance à mettre leurs ressources et leurs imaginations en commun en créant des pôles d’innovation.
BongoHive est, elle-même, un cas d’espèce : elle a été créée en mai 2011 pour permettre aux entrepreneurs technologiques de se regrouper en réseau, d’échanger des idées et d’organiser des formations. C’est Tony Roberts, fondateur et ancien PDG de Computer Aid International, qui a eu l’idée de dresser une carte des autres pôles technologiques. « Mon propre rôle a été bien modeste, explique Tony Roberts. J’avais envie de savoir si la création, à Lusaka, d’un lieu permettant aux entrepreneurs et aux passionnés de technologie de se retrouver serait porteuse d’innovation. Nous nous sommes ensuite demandés si d’autres initiatives d’innovation technologique existaient en Afrique, d’où l’idée d’utiliser le crowdsourcing pour tenter de répondre à cette question. »
Alors que le coût d’une telle initiative aurait pu s’avérer prohibitif, Lukonga Lindunda explique que : « Les coûts de démarrage ont été minimes. L’Indigo Trust, une organisation caritative du Royaume-Uni, nous a aidés à financer la connexion Internet haut débit, tandis que l’achat des ordinateurs et des téléphones était pris en charge par le Dr Brenda Davies, directrice de l’école Brenda Davies International School of Healing and Spiritual Development. BongoHive a également reçu des fonds de l’Association flamande pour la coopération au développement et l’assistance technique (VVOB), ce qui lui a permis de lancer le projet de cartographie sur Twitter le 13 février 2012.
La réponse a été immédiate. Mais, même si la visibilité de BongoHive augmente parallèlement à celle des pôles qu’elle a cartographiés, de nombreux pôles d’incubation ne figurent pas encore sur la carte. Lukonga Lindunda explique que ceux qui se sont frayé un chemin jusqu’à la carte sont généralement actifs dans les médias sociaux et ont l’habitude de publier des communiqués de presse et de construire leur réputation. Les moyens les plus utilisés pour envoyer des informations de crowdsourcing d’un point A à un point B sont les SMS et les messages Twitter, mais dans son empressement à étoffer la carte des pôles africains, Lukonga Lindunda admet avoir « commencé à envoyer des e-mails aux pôles pour qu’ils puissent inscrire leurs coordonnées à la carte ».
La campagne de diffusion semble avoir porté ses fruits puisque BongoHive a reçu beaucoup de feed-back, notamment en provenance d’Afrique de l’Ouest. Une des réponses est venue de mFriday, un laboratoire Internet mobile basé à Kumasi qui sert de pôle d’incubation aux étudiants de l’Université des sciences et technologies Kwame Nkrumah. mFriday s’est notamment illustré par la création de Farmerline, une application mise au point par Alloysius Attah et Emmanuel Owusu Addai et récompensée par Apps4Africa. Même s’il est ravi de la prolifération des pôles technologiques en Afrique, Bobby Okine, cofondateur de mFriday, estime qu’il peut y avoir un revers à la médaille. « Les universités africaines ne proposent pas suffisamment de formations ICT4D, ce qui a conduit à l’émergence de pôles technologiques qui n’ont pas grand-chose à voir avec le monde universitaire. Il arrive souvent que les membres de ces pôles ne passent pas suffisamment de temps à étudier les problèmes qu’elles prétendent résoudre avec les multiples applications qu’elles développent. »
Lukonga Lindunda convient que les pôles technologiques africains doivent élargir leurs horizons. « Les technophiles ne peuvent pas exister isolément. Ils doivent absolument interagir avec d’autres secteurs et avec d’autres acteurs de l’industrie pour pouvoir exploiter les lacunes du marché et mettre au point des innovations réellement utiles », explique-t-il.
L’engouement serait-il passager ? À l’exception du pôle d’innovation de Pretoria créé en 2002 et du pôle d’innovation du Botswana qui a ouvert en 2006, la plupart des pôles qui figurent sur la carte des pôles africains n’ont pas plus de deux ans d’existence et leur longévité n’a pas encore pu être testée. Mais Lukonga Lindunda explique que l’état d’esprit qui règne actuellement sur le continent favorise le progrès. « Le pôle d’incubation technologique a un rôle essentiel à jouer. Les idées ne manquent pas, mais bien souvent les gens ne savent pas comment les concrétiser et, même lorsqu’ils le savent, ils n’ont pas accès aux ressources ou à l’assistance nécessaires pour passer à l’action. »
La carte des pôles africains se remplit régulièrement et offre, chaque jour, une vision plus claire de l’ampleur du boom technologique en Afrique.
Vous pouvez consulter la carte des pôles africains à l’adresse suivante : https://africahubs.crowdmap.com
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Glossaire
Pépinière d’entreprises — Programme qui aide les start-ups en leur fournissant des conseils sur la création d’entreprise. Les pépinières sont généralement gérées par des organisations à but non lucratif, des institutions universitaires ou des organismes publics.
Hackerspace — Le hackerspace n’est pas le royaume exclusif des hackers, mais un lieu où des personnes partageant un intérêt commun peuvent se réunir pour échanger, assister à des conférences ou simplement se détendre. Les passionnés d’informatique et les aficionados de l’open source sont particulièrement friands de ce genre de lieux.
Crowdsourcing — Imaginons que vous souhaitiez créer la plus grande encyclopédie du monde, mais que vous n’ayez ni l’argent ni les effectifs nécessaires pour concrétiser ce projet. Allez-vous mettre ce beau rêve au placard ? Non. Vous proposez le travail non rémunéré à quiconque aura quelque chose à dire sur le sujet et, si vous êtes Jimmy Wales, vous entrez rapidement dans l’histoire en devenant le fondateur de Wikipédia. C’est ce qu’on appelle le crowdsourcing. Il s’agit d’externaliser une tâche à une quantité infinie de personnes qui soumettront leurs connaissances gratuitement, un concept qui est maintenant utilisé à foison dans notre monde connecté.
Ushahidi
Lors des violences postélectorales qui ont éclaté au Kenya en janvier 2008, près de 45 000 personnes se sont mises à signaler aux autres habitants du pays l’emplacement des points de violence en diffusant des rapports en ligne. Depuis lors, ce site Internet est devenu Ushahidi, un mot qui signifie « témoignage » en swahili. L’entreprise s’appuie sur les données des utilisateurs (SMS, e-mail et messages Twitter) pour créer des cartes interactives et des représentations en couleurs de larges quantités de données. Vous pouvez télécharger un exemplaire gratuit du logiciel ici.
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Bobby Okine, Pierre Brunache Jr, cofondateur de mFriday, et Alloysius Attah seront présents à eLearning Africa 2012. Bobby Okine présentera une publication intitulée « ICTD African Researchers Network » (Réseau des chercheurs africains de l’ICTD), et Alloysius Attah fera une démonstration de son application Farmerline.
Par Brenda Zulu avec un rapport supplémentaire de : Prue Goredema