Sur le terrain

Leçons tirées d’un modèle de Formation des formateurs expérimenté en Afrique

Par le Dr Corinne Brion

Université de Dayton

Il existe peu de formations adéquates en leadership éducatif destinées aux responsables d’établissements en Afrique (Bush et Oduro, 2006). En raison du manque de développement professionnel des capacités de leadership, le recours à un modèle de Formation des formateurs (FDF) semble être un moyen efficace de renforcer les capacités de nombreux responsables d’établissements scolaires. Ces dernières années, le Dr Paula Cordeiro et moi avons mis au point un modèle de FDF expérimenté au Burkina Faso, au Ghana, au Liberia, en Éthiopie et au Rwanda. Nous présentons ci-après les principales leçons tirées de notre expérience en FDF.

Points forts de notre modèle FDF :

Ancrage culturel gage de durabilité

 Les nombreux jours passés dans des écoles avant l’élaboration des supports de formation constituent l’un des points forts de ce modèle FDF. Ainsi, après de diverses visites et plusieurs conversations avec des responsables d’établissements scolaires, des enseignants et des potentiels formateurs locaux, notre équipe a conçu des modules adaptés aux besoins locaux. Sur la base de ces réalités culturelles, le modèle FDF a été peaufiné.

Meilleures approches d’apprentissage par des adultes

 Pour assurer la pertinence des supports pour les participants et renforcer le transfert des connaissances, les matériaux ont été conçus non pas comme supports de cours magistraux, mais pour outils de facilitation de l’apprentissage. Parfois, en Afrique, les connaissances sont dispensées au moyen de cours magistraux ou suivant une approche « unidirectionnelle » où l’enseignant ou le professeur parle et les étudiants écoutent. Les formateurs ayant eux même été majoritairement formés d’après l’approche des cours magistraux, ils ont tendance à enseigner de même. Au début de leur formation avec nous, ils avaient tendance à opter pour l’approche magistrale, posant des questions auxquelles ils répondaient eux-mêmes. La pédagogie active utilisée était étrangère aux apprenants et aux formateurs participants. Nous avons dû expliquer, illustrer et mettre en pratique avec les formateurs et les participants pour qu’ils comprennent les avantages de ces pratiques actives d’apprentissage.

Scénario, retour et suivi

 Nous avons appris qu’il fallait non seulement dévoiler le contenu des supports aux futurs formateurs, mais aussi démontrer comment les dispenser. Par conséquent, nous avons créé des Guides de facilitateur axés sur des scénarios. Les scénarios détaillés présentaient le temps consacré à chaque activité, le numéro de page dans le Guide du participant, l’approche idée par activité et un guide de présentation orale. Des informations supplémentaires telles que des données contextuelles relatives aux concepts particuliers ont été également fournies.

Nous avons proposé aux formateurs un retour régulier. Au terme de chaque jour de formation, nous avons des sessions de débriefing pour parler des contenus, des participants et des performances pédagogiques de chacun. Cette pratique nous a permis à tous de faire une auto-évaluation critique de nos enseignements. Les sessions de débriefing ont également renforcé les relations de travail et la confiance au sein de notre équipe. Il a été essentiel de forger la confiance pour pouvoir donner son avis et recevoir l’opinion des autres. Outre les sessions de débriefing, nous avons rédigé des lettres de retour destinées à tous les formateurs.

Relations et confiance

 Pour travailler en toute efficacité, il est fondamental de nouer des relations solides. Dans notre modèle FDF, nous avons noué de solides relations en tenant compte de réalités culturelles et en nous y adaptant, en observant et en posant des questions ainsi qu’en expliquant nos contenus et notre approche. De même, les formateurs ont eu l’occasion de nouer des relations solides avec nous et avec leurs collègues en enseignant en binôme et en communiquant par SMS ou par Skype. Le recours aux technologies mobiles a été un moyen efficace de rester en contact et de répondre aux questions depuis les États-Unis. Un des formateurs a déclaré : « Je sais que vous êtes des nôtres, alors je sais que je peux vous contacter à tout moment. »

La qualité avant tout

 En général, nous avons formé deux à trois formateurs à la fois, convaincus que cette approche produit des formateurs de qualité. Former deux ou trois formateurs sur une longue période nous a permis de leur faire maîtriser et de les familiariser avec autant les contenus que l’approche. Nous avons ainsi pu nouer des relations solides. Cette approche est certes coûteuse au début, mais nous estimons qu’offrir une formation intensive à une poignée de formateurs est un investissement adapté. En effet, ces formateurs qualifiés formeront d’autres, sans que nous n’ayons besoin d’être sur place.

Pour recruter des formateurs expérimentés, nous avons décidé de bien les rémunérer. Observateurs et formateurs recevront une rémunération. Les observateurs recevront moins que les co-facilitateurs dont c’est la première expérience qui, à leur tour, recevront moins que les formateurs. La plupart de nos formateurs travaillant à temps plein dans d’autres institutions, nous avons veillé à nous enquérir de leur disponibilité bien assez tôt pendant l’année scolaire.

Défi

Je vais citer un seul défi.

Langue

Il existe toujours des subtilités dans la langue. Je suis originaire de France, alors l’anglais est ma langue seconde. Paula est Américaine et parle espagnol. Nos formateurs en Afrique parlent non seulement le français ou l’anglais, mais également une ou plusieurs langues locales et divers dialectes. Nul besoin de préciser que dans le cadre de notre travail, nous avons connu plusieurs moments où la communication, verbale ou non verbale, était difficile !

Nous avons tous appris une langue commune pour pouvoir évoluer. Cette langue commune a été utilisée pour les modules de leadership. Nous avons expérimenté la langue à utiliser pour faire part d’un retour, par exemple. Paula et moi avons dû apprendre des termes, expressions et gestes locaux pour communiquer en toute efficacité. Ici aussi, l’ouverture aux avis et la sensibilité aux réalités culturelles ont été utiles pour nous adapter aux cultures et langues locales utilisées. Les modules de formation ont été traduits en français pour le Burkina Faso et en amharique pour l’Éthiopie. 


Telles sont quelques-unes des leçons tirées. Pour en savoir davantage, veuillez consulter l’article suivant : Brion, C. et Cordeiro, P. A. (2018). Lessons Learned from a Training of Trainers Model in Africa. Journal of Educational Leadership and Policy Studies, 2(1)).

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