Tableaux noirs, stylos et papiers, professeurs jonchés sur leur estrade, l’ère de l’éducation traditionnelle constitue-t-elle encore la norme ? Ou au contraire, laisse-t-elle la place à un nouveau mode de transmission des savoirs plus interactif ? Pour répondre à cette interrogation, l’équipe d’eLearning Africa s’est attachée à décrypter et cerner la tendance du Social Learning.
Par Grégory Vespasien
Dans les années 70, le psychologue canadien Albert Bandura dévoilait une théorie de l’apprentissage social fondée sur les interactions réciproques entre les individus. Le Social Learning que l’on connait actuellement s’inspire donc directement de ces travaux et constitue même un prolongement voire un dépassement de l’eLearning. En effet, bien qu’efficace, l’eLearning se caractérise avant tout par une augmentation du volume des contenus transmis grâce à l’utilisation des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Dans le Social Learning, en effet, il y a une utilisation du pouvoir interactif des réseaux sociaux au service des apprenants. Cela rappelle que le Social Learning s’inscrit pleinement dans la tendance aujourd’hui mainstream du réseautage social. En effet, dès lors que l’on partage des photos, des vidéos, des souvenirs avec ses amis, pourquoi ne pas en faire de même avec les connaissances ?
Notons également que le Social Learning peut apporter une réponse aux problèmes de formation des jeunes africains. En effet, selon l’UNESCO, 2/3 de la population de l’Afrique sub-saharienne a moins de 25 ans[i] et, d’après la Brookings Institution, 30 millions de jeunes africains n’étaient pas scolarisés en 2010. Ils seront 34 millions à l’orée 2020[ii] si rien n’est effectué pour réformer les systèmes éducatifs du continent. En des termes alarmistes mais teintés d’optimisme, Maurice Nkusi, de l’Ecole Polytechnique de Namibie et intervenant à la Conférence eLearning Africa 2013 résume ainsi la situation et renvoie également à l’existence d’un groupe marginalisé à prendre en considération, les NEET : « À la rue sans compétences, au chômage et inaptes au travail, des millions de jeunes africains condamnés à la pauvreté et à la violence peuvent trouver dans le Mobile Learning et le Social Networking une source de valeur car ce sont des outils précieux qui permettent de prendre part à un programme académique pour le développement de leurs compétences. Ils peuvent ainsi interagir avec les communautés via le partage d’expériences et la collaboration ».
Reste donc à savoir dans quelle mesure le Social Learning soutient-il concrètement la jeunesse africaine ? La réponse vient du Cameroun où deux jeunes entrepreneurs, Leslie Tita et Horace Fonkwe, conçurent la première plate-forme de Social Learning africaine destinée aux universités : usePulse. Afin de pallier l’absence de points de contact entre l’administration, les professeurs et les étudiants, ils ont imaginé un réseau social qui connecte les universités et les étudiants africains. Ces derniers, via un profil, reçoivent des notifications sur les cours suivis et communiquent également avec leurs camarades de classe.
Pour Leslie Tita, avec usePulse « les étudiants sont capables de consulter n’importe quelle ressource, que ce soit le calendrier, les résultats des tests ou les cours » [iii] ; et ceci depuis un ordinateur, une tablette ou encore un téléphone mobile via un système de notifications. UsePulse incarne une tentative de mettre en relation les universités africaines avec les quelques 5 millions d’étudiants désireux de multiplier les interactions entre eux et avec le corps professoral afin d’acquérir davantage de compétences qui maximisent les chances d’intégrer le marché du travail.
Si usePulse représente l’exemple le plus éclatant d’une « Afrique du Social Learning », n’en n’oublions pas d’autres initiatives telles que Bookneto, un autre réseau social éducatif, créé par un emblème de la Creative class, le Nigérian Iyinoluwa Aboyeji, concernant cette fois-ci le marché canadien. Sur cette plate-forme, les étudiants communiquent entre eux sur la page de leur institution scolaire au sujet de leurs cours ou de l’actualité des professeurs. Pierre Arys, Chief Operating Officer de Bookneto, souligne que « Les étudiants sont souvent limités au contenu du professeur et maintenant nous élargissons leurs perspectives en leur donnant accès à un forum qui leur permette de véritablement interagir avec leurs camarades d’horizons divers »[iv].
Face à « une jeune génération frustrée par l’inadéquation chronique entre les qualifications et l’emploi »[v], le Social Learning apporte une réponse pertinente qui peut fluidifier les échanges dans le monde de l’enseignement supérieur africain. Il rapproche en effet les étudiants des enseignants et donne accès à des contenus qui renvoient par ailleurs à la discussion sur les MOOC. Le Social Learning plaide enfin pour que l’Afrique devienne un continent mobile où chaque apprenant étudie à tout moment et surtout en tout lieu grâce aux Smartphones.
La question du Social Learning ouvre la voie à des réflexions complémentaires mais non moins capitales. Sur le rôle des enseignants tout d’abord : comment doivent-ils s’adapter face à la montée en puissance de plates-formes et outils qui révolutionnent leur métier ? Doit-on craindre que ces plates-formes sociales et éducatives se convertissent en des outils de divertissement contre-productifs ? Peut-on les généraliser à l’ensemble des institutions scolaires, de l’école primaire à l’Université ? Enfin, si l’on admet que se former va au-delà des institutions scolaires, qu’en est-il des projets de Social Learning dans les entreprises africaines qui souhaitent former leurs salariés tout au long de leur carrière ?
Il est certain que le débat sur le Social Learning tiendra une place à part entière lors de la Conférence eLearning Africa 2013 à Windhoek en Namibie où « L’utilisation effective des média sociaux » et « La Révolution du Mobile Learning » seront des thèmes cruciaux abordés lors de sessions dédiées.
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Sources