L’échéance de 2015 pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) approchant à grands pas, gouvernements et organisations du monde entier se concentrent d’ores et déjà sur l’étape suivante. L’introspection est une phase nécessaire dans ce processus, alors que les succès et échecs de l’agenda initial des OMD sont en cours d’évaluation et d’analyse et fournissent, d’un côté comme de l’autre, des résultats captivants. Le service presse d’eLearning Africa a suivi et analysé ces développements.
Par Alicia Mitchell
Les secteurs ayant naturellement attiré notre attention sont l’éducation et les infrastructures au service des TIC. Alors que d’impressionnantes statistiques relatives aux réalisations dans le cadre de l’OMD2 (assurer l’éducation primaire universelle) abondent, les débats font rage sur la signification réelle des chiffres fournis. En Afrique, la disparité des progrès entre les nations est frappante. De nombreux pays ont fourni des résultats substantiels. La Tanzanie a, depuis 1999, doublé son taux net de scolarisation, ayant fait passer celui-ci à 99,6% en 2008 – plus de la moitié des enfants non-scolarisés en primaire et en âge de l’être vivent en Afrique subsaharienne[1]. Seuls 19 des 212 pays sont susceptibles de ne pas atteindre l’objectif de l’éducation primaire universelle d’ici à 2015 ; cependant, comme Amanda Beatty et Lant Pritchett soulignent dans leur rapport intitulé : From Schooling Goals to Learning Goals: how fast can student learning improve? (D’un objectif de scolarisation à un objectif d’apprentissage : à quelle vitesse peut être amélioré l’apprentissage des élèves?), cette augmentation des scolarisations et ces accomplissements ne conduisent pas automatiquement à de meilleurs résultats concernant l’apprentissage.
Pritchett et Beatty soulignent que, même si les objectifs d’inscription fixés dans le cadre de l’OMD2 ont déjà été dépassés dans de nombreux pays, très peu d’élèves desdits pays satisfont aux normes minimales en matière d’alphabétisation et en sciences[2]. En outre, l’Overseas Development Institute (ODI) a constaté que plus de la moitié de la population souffrant d’extrême pauvreté vit dans un ménage dont la personne de référence a, en réalité, un certain niveau d’éducation[3] ; ce qui signifie que la seule éducation en soi ne peut être considérée comme une voie garantissant l’enraiement de la pauvreté.
Il est inquiétant de remarquer que de nombreux pays ont consciencieusement investi moyens et ressources dans des systèmes éducatifs n’ayant pas été en mesure de prodiguer d’améliorations substantielles dans la vie de leurs citoyens. L’éducation est potentiellement un outil de masse en mesure d’accroître l’égalité et l’accès à l’économie-et aux prises de décision en relevant-, à la seule condition toutefois que celle-ci entraînent des résultats d’apprentissage. L’éducation n’est en définitive qu’un simple outil grâce auquel l’apprentissage est initié, et non une fin en soi.
La tâche de l’agenda post-2015 est de fixer des objectifs axés prioritairement sur la qualité de l’apprentissage, et non pas uniquement sur la quantité. L’ODI constate par ailleurs un signe encourageant : lorsque la personne de référence du ménage détient un certain niveau d’enseignement (secondaire), le nombre de foyers en situation d’extrême pauvreté ne dépasse pas les dix pour cent. Ce qui sous-tend que les objectifs à venir de l’éducation devraient être élargis au secondaire, voire même, comme suggéré dans un rapport spécial conjointement publié par le Centre for International Governance Innovation (CIGI) et le Korea Development Institute (KDI), aux niveaux tertiaire et pré-primaire[4].
En l’an 2000, les TIC n’ont été traités qu’en tant que cinquième et dernière cible du huitième objectif parmi les Objectifs du Millénaire pour le Développement (Mettre en place un partenariat mondial pour le développement). Il va sans dire que les bouleversements technologiques de ces treize dernières années expliquent aisément pourquoi ce qui, à l’époque, pouvait sembler n’être qu’un objectif secondaire, doit aujourd’hui être placé en tête de nos priorités.
Dans un article écrit pour le Center for Global Development, définissant de ce qu’il estimait être le contenu essentiel d’un programme post-2015, Charles Kenny a clairement rabaissé l’accès à Internet à un rôle subsidiaire et lui a refusé par là-même ses « pleins droits »[5]. Quoiqu’il en soit, une démarche ne parvenant pas à reconnaître le rôle essentiel que les TIC sont en mesure de jouer, aussi bien dans la croissance économique que l’épanouissement personnel, est totalement improductive.
En 2010, le taux mondial d’utilisateurs d’Internet a atteint la barre des 30%, ce qui correspond au niveau que les pays développés avaient déjà atteint en 2001. Dans les pays où le haut débit peine à se développer, le coût d’une connexion à Internet peut équivaloir à 100% du revenu national brut par habitant, contre à peine 2,5% dans les nations les plus idéalement connectées[6].
Avec l’émergence d’une économie numérique mondiale, les nouvelles technologies ont introduit un autre domaine dans lequel la pauvreté peut être éradiquée. En 2011, le Groupe de la Banque mondiale (GBM) a évalué les progrès réalisés dans les domaines de la connexion à Internet et des TIC, indiquant que celles-ci peuvent potentiellement «accroître, et non réduire, les inégalités existantes ».
Dans cet esprit, il est essentiel, dans le cadre d’un accord post-2015, de placer les TIC au cœur du développement. Les recommandations formulées en vue de sortir du rapport GBM sont motivées non seulement par la poursuite des efforts tendant à élargir l’accès à Internet, mais également en vue de renforcer le soutien à la formation aux TIC, attendu que le manque de formations simultanées restreint fortement la portée des nouvelles technologies dans les pays en développement[7].
Ces points nous ramènent à la question première de l’éducation. Avec, en ligne de mire, un avenir susceptible de continuer à se décliner au gré des technologies en ligne, mobiles et numériques, il est essentiel, aux côtés de l’alphabétisation et de l’enseignement du calcul traditionnels, de voir les compétences en TIC efficacement enseignées. Tout un chacun devrait pouvoir tirer parti des opportunités offertes par les TIC. Dans le cas contraire, la fameuse «fracture numérique» ne cessera de s’élargir.
Une posture dédaigneuse telle que celle prise par Kenny ne servira qu’à maintenir obsolète la notion de modèles de développement linéaire, condamnant à perpétuité les pays en développement à traîner dans l’ombre de leurs voisins développés. Grâce à l’investissement dans les infrastructures et l’utilisation innovante des TIC, les pays en développement pourraient avoir l’occasion de tracer leurs propres chemins.
[1] Goal 2: Achieve Universal Education Fact Sheet. UN Department of Information. 2012. p.1. http://www.un.org/millenniumgoals/pdf/MDG_FS_2_EN.pdf
[2] Millennium Development Goal Report 2012. United Nations. 2012. p.17. http://mdgs.un.org/unsd/mdg/Resources/Static/Products/Progress2012/English2012.pdf
[3] Post-2015: the road ahead. Claire Melamed. October 2012. p. 8. http://www.odi.org.uk/sites/odi.org.uk/files/odi-assets/publications-opinion-files/7873.pdf
[4] Post-2015 Development Agenda: goals, targets and indicators. Nicole Bates-Eamer, Barry Carin, Min Ha Lee and Wonhyuk Lim with Mukesh Kapila. October 2012. p.14. http://www.cigionline.org/sites/default/files/MDG_Post_2015v3.pdf
[6] Post-2015 Development Agenda: goals, targets and indicators. P. 21.