Sur le terrain

Innovation des jeunes à Apps4Africa

Eric Mutta, Tanzanie

« L’innovation fonctionne bien pour les grandes entreprises, mais il n’est pas aussi simple pour un entrepreneur isolé d’obtenir de la reconnaissance », déclare Eric Mutta, un développeur de logiciels dont la dernière application lui a permis de remporter le concours Défi Climat organisé par Apps4Africa. Mais c’est au travers de l’innovation des jeunes que l’Afrique trouvera des solutions aux problèmes à long terme.

 

Les communautés de familles rurales et celles dont la subsistance est directement impactée par les caprices du changement climatique peuvent grandement bénéficier d’une meilleure utilisation des TIC afin d’alléger la pauvreté et de trouver des méthodes d’agriculture durables. Pour ne pas laisser les étrangers prendre le pas en matière d’innovation, les développeurs et entrepreneurs de tout le continent ont travaillé sur des systèmes mobiles et Web s’attaquant au changement climatique de manière créative. Cette créativité a été récompensée par le département d’État américain en charge des affaires africaines à l’occasion du concours Défi Climat d’App4Africa. Les lauréats d’Afrique de l’Est ont été annoncés le 14 janvier 2012 lors d’une cérémonie haute en couleurs à Masindi, Ouganda.

Les lauréats

La première place est revenue au tanzanien Eric Mutta, 29 ans, pour son application « The GrainyBunch » qui a de larges implications en faveur de la sécurité alimentaire et économique de tout le pays. Il s’agit d’un système de gestion de l’approvisionnement du secteur céréalier qui surveille l’achat, le stockage, la distribution et la consommation de céréales sur l’ensemble du territoire. Eric s’est lancé dans la programmation il y a treize ans et a travaillé sans relâche sur des projets toujours plus ambitieux : depuis un service de rencontres par sms qui, à l’apogée de son succès en 2010, comptait 10 000 membres, jusqu’à son application primée GrainyBunch. « J’ai appris que l’innovation fonctionne bien pour les grandes entreprises mais qu’il n’est pas aussi simple pour un entrepreneur isolé d’obtenir de la reconnaissance. Dans le passé, j’ai dû consacrer beaucoup de temps à convaincre les gens et à leur expliquer la portée de mes applications. Comme ils disent, « nul n’est prophète en son pays, mais ma défiance a payé. » Avec les 15 000 dollars US qu’il a remportés, il prévoie d’embaucher un programmeur et de continuer à développer des applications destinées à résoudre les problèmes de société. « Maintenant, je dois trouver comment transformer 15 000 USD en 15 milliards USD en quinze ans », dit-il d’un ton amusé.

La deuxième place pour l’Afrique de l’Est a été attribuée à MkulimaCalculator, du Kenya, une application visant à aider les agriculteurs à déterminer la date de plantation ainsi que le choix des cultures les mieux adaptées en fonction des données climatiques et météorologiques observées. L’application se concentre sur les cultures les plus courantes dans le pays : haricots, maïs, pommes de terre, riz et blé, à l’aide des données nationales publiées par la FAO. Les données climatiques sont issues des données du centre météorologique de Nairobi enregistrées entre 1940 et 2008.

Dans un entretien avec eLearningAfrica, Jonathan Gosier, directeur produits pour SwiftRiver sur Ushahidi et fondateur d’AppAfrica, a déclaré qu’il était impressionné par le niveau des participations au concours. « Le concours dure encore deux mois pour les personnes d’Afrique australe, mais nous avons reçu plus de deux cents applications pour les secteurs Afrique de l’Ouest/Centrale et Afrique de l’Est du concours. » Et il semble que ceux qui sont entrés en lice n’étaient pas des imposteurs. « Le niveau était vraiment très élevé ! » dit Jonathan Gosier. « Environ la moitié des candidatures étaient plus que de simples idées ; il s’agissait en fait d’applications développées par les participants, mais nous acceptions également les idées. »

Ce fut le cas avec le troisième prix, remporté par l’Ouganda pour le projet Agro Universe. Cette application mobile et Web sert de place de marché pour les récoltes en mettant en contact les communautés dans le besoin et celles qui ont des produits à leur offrir. L’équipe de dix personnes n’a pas encore développé l’application, mais avec les 3 000 USD remportés, il sera plus facile de transformer l’idée en réalité.

L’impulsion en faveur de solutions internes

Il est important que les solutions et stratégies d’atténuation relatives au changement climatique soient formulées par les Africains eux-mêmes. Pour Jonathan Gosier, « chaque pays du monde doit trouver le meilleur moyen d’avancer en période de changement et de tension. Les pays d’Afrique ne sont pas différents : ils ont leur mot à dire concernant leur avenir. Les Africains doivent eux-mêmes proposer ces solutions, car elles doivent tenir compte de l’impact à long terme sur la société ainsi que des gains à court terme. Elles doivent également être durables car malheureusement, nombreuses sont les solutions proposées par les ONG étrangères qui, faute de tenir compte du concept de développement durable, n’ont qu’un impact à court terme. »

Sélection des gagnants

Il n’a pas été facile pour le jury de décider quelles TIC étaient porteuses d’espoir. Jonathan Gosier explique que le comité était constitué d’experts techniques, de spécialistes du climat, d’entrepreneurs sociaux et d’éco-activistes du monde entier. Les critères pris en compte par les juges pour sélectionner les gagnants étaient, entre autres, le potentiel d’évolution du projet au-delà du pays où il a été développé, la focalisation sur le thème du changement climatique et l’adaptation à ce changement, et l’impact que le développeur de l’application a cherché à créer. En plus d’incarner ces idéaux, les applications gagnantes montrent de quelle manière les jeunes développeurs Africains exploitent les TIC pour créer des solutions durables aux défis environnementaux actuels.

 

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*