Une utilisation fructueuse des TIC dans le champ administratif peut contribuer à combler le fossé entre les citoyens et les États en favorisant la transparence et en rapprochant ces derniers des habitants. Lorsqu’il est pensé avec efficacité, l’eGouvernement peut servir de catalyseur au développement durable et aider à construire et stabiliser les économies. Toutefois, la technologie ne constitue pas une solution en soi et les gouvernements doivent réfléchir plus exactement à la manière dont ils peuvent employer les TIC afin d’améliorer le dialogue entre la population et les dirigeants.
Par Claire Adamson
Selon une enquête des Nations Unies 2012, l’Afrique accuse un retard par rapport au reste du monde dans le domaine des initiatives d’eGouvernement. Aucun pays africain n’est représenté dans les 20 premiers du classement ; ce dernier étant composé majoritairement de pays européens et nord-américains. Les problèmes de connectivité et le faible taux d’alphabétisation ont été cités comme obstacles majeurs à la mise en œuvre de stratégies d’eGouvernement en Afrique. Mais avec la croissance des économies et l’amélioration des infrastructures, il devient impératif pour les gouvernements d’établir des méthodes de communication innovantes et de s’associer avec le secteur privé pour explorer de nouveaux moyens d’atteindre et d’impliquer les citoyens.
Les récentes élections au Kenya ont fourni une étude de cas intéressante concernant l’utilisation – réussie ou non – de la technologie par l’administration. Un système biométrique d’enregistrement des électeurs, importé du Canada, fut adopté à grands frais et dans la précipitation. Le gouvernement n’a donc pas eu le temps nécessaire pour le tester à grande échelle. Ce système causa d’importants retards dans le décompte des voix et le gouvernement dut avoir recours à des procédés de comptage manuel. L’emploi du biométrique au Kenya, qui s’est soldé par un échec, rappelle que la technologie ne peut régler miraculeusement les problèmes des administrations. La technologie en soi ne garantit pas directement la transparence – elle peut représenter un outil essentiel mais exige une analyse détaillée des contextes locaux, une planification systématique et une attitude adéquate de la part de tous les acteurs concernés en vue d’un bon fonctionnement.
Cependant, certains succès technologiques furent également remportés lors des élections kenyanes. Les médias sociaux contribuèrent fortement à rassurer la population au cours de la période d’enregistrement et de vote ; et ceci malgré une atmosphère tendue et la menace sous-jacente de violences et de troubles civils qui marquèrent notamment les élections de 2007. La plate-forme open source kenyane Ushahidi favorisait la transparence et la participation en permettant aux citoyens de rapporter les incidents se déroulant durant les votes. Twitter servit également d’importante source d’informations au Kenya et probablement de facteur de démocratisation : les indices de démocratie des pays africains se sont avérés correspondre approximativement au nombre de tweets par habitant dans ces mêmes pays. On note par ailleurs que les Kenyans comptent parmi les plus grands adeptes de Twitter sur le continent.
Le Printemps Arabe de 2011 a prouvé que les médias sociaux, en dépit de leur impact sur le processus démocratique, constituent un intermédiaire extrêmement instable : les révolutions en Afrique du Nord inspirent désormais les politiques de nombreux États dans le domaine digital et des réseaux sociaux – et les politiques du Kenya, au vu des récents événements, ne sont pas en reste. L’élément particulièrement préoccupant fut la quantité de discours à caractère violent prononcés dans le cadre de la cyber-guerre féroce opposant les partisans d’Uhuru Kenyatta, désormais président, et ceux de son rival Raila Odinga. D’après la recherche menée par Umati, le projet de surveillance des discours dangereux situé à Nairobi, les appels à l’expulsion, au vol ou au massacre de membres d’autres tribus sont devenus monnaie courante sur la Toile. Ces menaces furent prises au sérieux par le gouvernement qui, à l’approche des élections, a adopté de nombreuses mesures pour endiguer la montée de tweets incendiaires. Il a notamment interdit aux organes de presse de relayer dans leur intégralité ces discours belliqueux tout en engageant dans le même temps des poursuites judiciaires contre leurs auteurs. Toutefois, la pertinence de telles actions ne semblent pas véritablement visibles. Le psychologue Patrick Obel, de la Pan Africa Christian University à Nairobi, suggérait que les médias sociaux, loin d’aggraver les tensions existantes, fournirent finalement aux individus un moyen plus sûr d’exprimer leurs doléances. Il se pourrait que les attaques au vitriol diffusées sur Twitter aient permis de désamorcer les troubles civils potentiels et que la possibilité d’exprimer n’importe quelle opinion en ligne, aussi odieuse soit-elle, ait agi comme un moyen de substitution plus inoffensif que la violence physique réelle.
Les services Cloud, les médias sociaux et la biométrie incarnent de nouvelles méthodes pertinentes de communication à travers le continent. De plus, la technologie mobile représente déjà un outil essentiel pour les gouvernements africains. Vu que l’utilisation des téléphones mobiles dépasse largement le nombre de PC en service, les gouvernements examinent différentes possibilités pour assurer les services de santé, les initiatives éducatives et les autres prestations administratives via téléphone portable. Avec la baisse du prix des appareils et l’accroissement du nombre de sociétés privées qui s’associent aux gouvernements pour fournir des services innovants aux citoyens, le téléphone portable est susceptible de devenir le meilleur moyen d’instaurer un véritable dialogue entre le gouvernement et le peuple offrant alors la possibilité aux citoyens de collaborer davantage avec leur gouvernement. Cela aide ainsi les législateurs à saisir les besoins réels des populations.
L’initiative Botswana Speaks emploie les technologies mobiles pour établir un lien entre les réunions tribales locales et le gouvernement national ; elle vise en effet à donner aux chefs de tribus locales l’occasion de faire entendre leurs préoccupations et leurs besoins locaux au niveau national. Cela s’avère particulièrement utile dans un pays où les Smartphones et le haut débit mobile sont plus répandus que les ordinateurs et l’accès à Internet, et où les communautés rurales sont géographiquement isolées du gouvernement central. Le procédé allie tradition et innovation et illustre parfaitement une situation dans laquelle la technologie s’accorde pleinement avec le gouvernement et la citoyenneté, octroyant donc des avantages aux deux parties.
Les profondes tendances plébiscitant l’eGouvernement en Afrique semblent s’orienter vers des projets dans le domaine mobile et des stratégies axées sur les médias sociaux. Les gouvernements doivent maintenant prendre garde à ne pas succomber à la tentation d’utiliser la technologie par plaisir – en appliquant des programmes qui n’atteignent aucun objectif pratique ou ne sont pas destinés aux personnes qui en font usage. Il est également important pour les décideurs de penser l’eGouvernement à un niveau plus capital – en ajustant la législation et la stratégie de façon à incorporer les développements technologiques et à accueillir de nouvelles idées, de nouveaux moyens d’entrer en relation avec les citoyens.
eLearning Africa 2013 examinera de son côté les opportunités offertes par les stratégies existantes en matière d’eGouvernement tout en prenant en compte les solutions les plus viables pour les pays africains.
Retrouvez davantage d’informations sur ce sujet mais aussi les dernières actualités de la conférence sur www.elearning-africa.com.