Sur le terrain

De l’autonomie des personnes handicapées via l’eLearning

DSC_4050-MR-BrailleL’histoire remarquable de Gladys Rotich est motif d’inspiration pour les élèves handicapés en Afrique. Aveugle depuis l’âge de quatre ans suite à une maladie grave, son chemin universitaire fut semé d’embuches qu’elle dut surmonter. Aujourd’hui, à l’âge de 28 ans, Rotich est professeure et administratrice du campus Eldoret de l’Université Mount Kenya, tout en travaillant parallèlement à l’obtention de son doctorat. Mais, comme Gladys l’a déclaré dans le Star, les choses étaient loin d’être simples pour une étudiante aveugle. Les enseignants donnaient régulièrement des exercices à faire dans des manuels scolaires ordinaires, sans prendre en considération ses besoins spécifiques d’apprentissage. Et aucune machines de gaufrage de braille n’était disponible ; « La seule machine disponible ne l’était que dans le cadre des examens finaux », se souvient Gladys. Ce qui signifie qu’elle dut embaucher à ses propres frais une personne en mesure de convertir les textes en braille. Mais cette dépense supplémentaire a indubitablement porté ses fruits.

Handicap et pauvreté sont, selon les termes même de la Banque mondiale, «étroitement liés et réciproques». Beaucoup de personnes handicapées luttent chaque jour pour leur survie, dans le sillage des conflits et des guerres qui augmentent plus encore leur nombre. Ces situations aggravent la prestation de services de base au profit des personnes handicapées, et plus particulièrement aux femmes. Stigmatisation et exclusion du système éducatif sont souvent la règle. Le simple accès au droit fondamental qu’est l’éducation devient fragile.

L’éducation d’un enfant connaissant des difficultés d’apprentissage est néanmoins un excellent investissement à long terme. Non seulement l’éducation est en mesure de réduire les charges sociales et la dépendance directe aux autres membres de la famille, elle minimise qui plus est la discrimination et réduit la pauvreté.

Selon les estimations du Rapport mondial de suivi sur l’Éducation pour tous (EPT) 2007, la plupart des enfants handicapés en Afrique ne vont pas à l’école. À l’heure actuelle, plus de 72 millions d’enfants en âge d’aller à l’école primaire dans le monde ne sont pas scolarisés. Et parmi ceux-ci, un tiers souffre de handicaps.

Compte tenu de ces données, la réalisation, d’ici 2015, des buts de l’EPT et des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), s’avèrent impossibles tant que l’accès à un enseignement de qualité n’est pas amélioré ; et l’eLearning pourrait bien être la solution à ce problème. L’apprentissage en ligne doit devenir plus facile d’accès pour les personnes handicapées et prendre en compte leurs besoins individuels, que ce soit en laissant plus de temps aux personnes aveugles pour s’habituer à l’utilisation des technologies d’assistance ou bien en s’assurant que les fichiers audio pour les malentendants soient accompagnés de transcriptions et de sous-titres.

Les technologies d’assistance éducative peuvent aller de simples installations, tels que les pupitres standards de lecture, jusqu’aux technologies informatiques bien plus onéreuses, tels les afficheurs braille. Bien que les logiciels de dictée et de synthèse vocale aient considérablement amélioré l’accès des personnes handicapées aux technologies de l’information et de la communication, le vrai défi est la mise à disposition de matériel complet comprenant haut-parleurs, clavier en braille et logiciel de lecture d’écran en mesure de convertir un texte complet, rédigé sur écran, en piste audio. Des programmes similaires peuvent également transcrire des contenus sur des afficheurs braille dynamiques.

Toutes ces technologies d’assistance ont toutefois un prix. Le coût moyen de toutes ces technologies combinées s’élève en moyenne à 9 000 euros. De fait et malgré un soutien potentiel du gouvernement, rentrer dans ses frais n’est pas un mince exploit pour toute personne -handicapée ou non- ne disposant pour vivre que d’un salaire moyen. Plusieurs projets sont, par chance, en cours de réalisation en vue de trouver des solutions abordables.

La question qui se pose donc est de savoir où en sont aujourd’hui les institutions éducatives en Afrique.

Un programme de recherche de trois ans piloté en 2007 par l’Université Kenyatta a ciblé, via le projet Dolphin Pen, 200 élèves de l’enseignement secondaire et supérieur. Conceptualisé par l’organisation caritative internationale Sightsavers, ce Dolphin Pen est un lecteur USB léger contenant un logiciel de lecture d’écran et d’agrandissement, disponible à prix coûtant pour les organisations œuvrant avec les aveugles en Afrique et en Inde.

Mais les gouvernements ne sont pas en reste et participent également à ces améliorations. L’an dernier, le Malawi, pays où plus de la moitié des jeunes de 15 à 29 ans ayant une déficience ne sont jamais allés à l’école, et parmi lesquels seuls 28% trouvent du travail, a adopté une loi sur le handicap garantissant la non-discrimination à l’éducation et l’emploi. L’impact de cette loi reste toutefois à démontrer.

En juin de cette année, l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle a annoncé des négociations en vue d’un traité international sur les droits d’auteur afin d’améliorer l’accès aux livres pour les aveugles. Jens Bammel, secrétaire général de l’IPA (International Publishers Association), a récemment déclaré : «Accompagnés de bibliothèques destinées aux malvoyants, de librairies en ligne, de fournisseurs de Smartphones et livres électroniques, les éditeurs produisent de plus en plus de livres aux formats dont les personnes malvoyantes ont besoin ».

Par le biais de telles initiatives, les opportunités acquises par Gladys grâce à un combat de longue haleine sont enfin mises à la portée du plus grand nombre.

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