Tendances

Ce qui compte, c’est la politique gouvernementale sur la création de ressources éducatives locales libres

Les ressources éducatives libres (REL) sont perçues comme une solution aux déficiences en matière d’accès à une éducation de qualité dans le monde, et plus spécialement en Afrique. L’activité entourant les licences libres et le libre accès aux contenus éducatifs a augmenté de manière exponentielle depuis que le terme REL a été inventé en 2001, catalysé par les fervents défenseurs du partage des ressources libres, notamment en Afrique. Néanmoins, un certain nombre de questions restent en suspens. Quelle est la pertinence des REL qui n’ont pas été contextualisées localement ? Les REL résolvent-elles le problème de l’accès aux ressources pour les personnes vivant dans des zones reculées et peu connectées ? L’accès aux REL peut-il réellement contribuer à la qualité de l’apprentissage ? Et comment les gouvernements doivent-ils développer des politiques dédiées ?

Par Claire Adamson

En 2012, le Commonwealth of learning et l’UNESCO ont lancé un programme visant à introduire le débat sur les REL dans le cadre de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement en 2015. Leur sondage mondial révélait que seuls 25% des répondants des pays africains ont mis en place une politique nationale alors que plus de 50% des pays européens, nord-américains et d’Asie Pacifique en établirent une. En effet, bien que de nombreux pays africains déclarent disposer d’une telle politique, seule l’Afrique du Sud a implémenté une politique de REL spécifique tandis que les autres pays en sont encore au stade du développement. Selon l’enquête, le Malawi et le Lesotho sont en pleine élaboration de stratégies de REL et le Burkina Faso fournit aux écoles élémentaires un accès libre à tous les manuels et les ressources pédagogiques nécessaires à une éducation de base.

S’exprimant lors du Forum des Politiques Régionales Africaines en février 2012, Firoz Patel, du South African Department of Higher Education and Training (DHET) a présenté la politique Sud-Africaine qui se focalise sur la création et le développement de ressources éducatives locales telles que les REL. Le DHET s’est d’ailleurs engagé à investir plus largement dans la conception et le développement de ressources éducatives avec pour but d’améliorer la qualité de l’offre à l’échelle nationale.

Les partisans des licences libres se rendent compte qu’afin d’intégrer les REL aux systèmes éducatifs globaux, les gouvernements devront d’être proactifs. Alors que l’accès aux écoles primaires s’est amélioré en Afrique, celui à l’enseignement secondaire demeure un défi à relever. L’Afrique subsaharienne a un taux de scolarisation dans l’enseignement de secondaire de 40% contre 70% pour la moyenne mondiale. Selon le plus récent rapport de l’UNESCO, Education Pour Tous (EPT) Global Monitoring, la baisse des adolescents déscolarisés stagne depuis 2007, et ce plus particulièrement sur le continent africain.

Idéalement, mettre en place une politique gouvernementale locale donnera au mouvement des REL une légitimité et aidera à faciliter un dialogue entre les gouvernements, les éducateurs et les praticiens. Il est particulièrement important de s’assurer que les besoins des systèmes éducatifs locaux soient satisfaits. De nombreux sondés croient en effet que la création de politiques gouvernementales adéquates sur les REL aiderait à rompre la dépendance à l’égard des documents sous licence des pays développés tout en favorisant l’innovation et l’appropriation locales ainsi que la collaboration au sein du secteur éducatif.

Les participants au Forum des Politiques Régionales Africaines notaient par ailleurs que la confiance était une condition du succès et que les gouvernements devaient soutenir universitaires et chercheurs à partager leurs travaux. En outre, il fut suggéré que les communautés nationales soient bâties autour des REL afin d’encourager la discussion et l’innovation et de contribuer à l’émergence d’une communauté des REL.

S’exprimant lors du forum pour le compte des REL en Afrique, Catherine Ngugi suggéra que le gouvernement devait jouer un rôle de « pionnier » des REL afin d’éviter les problèmes de faibles connaissances et assimilations auprès des enseignants et éducateurs qui hésitent à adopter une pédagogie « axée sur l’apprenant ». L’utilisation de matériaux libres d’accès encourage la focalisation sur l’étudiant et l’autonomie d’apprentissage. Par ailleurs, les participants au forum reconnaissaient le besoin de soutenir l’utilisation des REL pour le public déterminant à savoir celui des étudiants.

Mettre en place de telles structures est fondamental et pas seulement pour faire connaitre auprès du grand public mais aussi afin de surveiller et contrôler la qualité des ressources disponibles. Et ceci est encore plus vrai en Afrique où le recours aux ressources des pays développés d’Europe et d’Amérique du Nord peut avoir un effet potentiellement préjudiciable sur l’économie du savoir du continent africain. Universitaires,  journalistes et leaders d’opinion soutenaient qu’il était essentiel que les pays africains fassent valoir leurs droits de producteurs de connaissances et non de consommateurs de connaissances afin de s’assurer qu’ils peuvent non seulement accompagner le développement et l’économie mondiale, mais aussi le mener et le façonner.

L’enquête montrait que l’un des obstacles les plus importants pour l’Afrique en matière de REL était la connectivité et l’accessibilité. Cela rappelle les conclusions de L’Enquête eLearning Africa 2012 où la majorité des sondés citaient le manque de bande passante comme l’un des plus grands défis à relever.    La plupart des pays africains qui ont participé à l’enquête  du Commonwealth of learning et de l’UNESCO sur les politiques gouvernementales des REL faisaient remarquer que le triptyque « ressources limitées, manques d’infrastructures et analphabétisme numérique » représentait une barrière à la généralisation de l’utilisation des REL. Il est vital que les gouvernements résolvent ce problème en coopérant avec les parties prenantes du secteur privé et de la société civile.

Nombreuses sont les institutions africaines ayant adopté le mouvement REL et il y a d’ores et déjà une multitude de ressources disponibles. REL  Africa, un portail Web développé par le South African Institute for Distance Education (SAIDE), est un répertoire en ligne dédié aux contenus REL pour enseignants et éducateurs.  Les buts de « REL Africa » incluent l’élaboration et l’adaptation des contenus REL aux pays africains mais également le renforcement de l’innovation et de la collaboration entre éducateurs et praticiens. L’un des principes de base de la mission de l’organisation est d’intégrer les REL créées an Afrique dans le cadre du réseau mondiale de REL.

L’Université Virtuelle Africaine (UVA) met à disposition un répertoire en ligne de manuels et de modules en anglais, français et portugais. Un autre projet, OER@AVU, encourage les débats académiques et fournit une plateforme aux chercheurs et universitaires africains souhaitant partager et diffuser leurs propres contenus. Entre janvier 2011 et janvier 2012, le portail enregistrait plus d’un million de visiteurs venus de 193 pays.

Le congrès mondial des REL se tenant à Paris en juin 2012 fit part de ses observations à partir des données recueillies dans le cadre de l’enquête mondiale et des Forums sur la politique régionale, lors d’un événement qui dura 2 jours.  Le but du congrès était d’œuvrer à l’élaboration d’une déclaration encourageant les gouvernements à s’impliquer dans les REL. Ladite déclaration fut adoptée à l’unanimité par les Etats membres de l’UNESCO ; elle contenait des recommandations en vue de faciliter les améliorations des TIC en fournissant des informations sur les licences ouvertes tout en mettant à disposition les REL dans des langages et contextes culturels variés.

La Déclaration de Paris ne constitue toutefois pas un texte contraignant et il y a encore beaucoup de travail à effectuer de la part des gouvernements et des praticiens afin que les REL soient pleinement intégrées au système éducatif. La Conférence eLearning Africa examinera les implications profondes des REL en Afrique, le potentiel de ce mouvement à contribuer à l’aboutissement des Objectifs du Millénaire pour le Développement, et au-delà, mais elle cherchera également à déterminer dans quelle mesure les REL peuvent être utilisées pour améliorer l’accès équitable à une éducation de qualité, droit humain fondamental.

 

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