Lors de la mise en œuvre d’initiatives d’elearning, même les projets les mieux ficelés peuvent parfois mal tourner. Fiona Wallace est la dirigeante de CoZa Cares, le pôle en charge des investissements sociaux (CSI – Corporate Social Investment) d’UniForum SA, l’entreprise à but non lucratif qui administre l’espace de domaine .co.za. Elle évoque auprès du Service Presse d’eLearning Africa la nécessité d’un plan d’action durable pour la promotion de l’utilisation de l’informatique dans les écoles sud-africaines.
En quelques mots, qu’est-ce que CoZa Cares?
Il y a environ 15 ans, UniForum SA a décidé de consacrer l’ensemble de ses fonds excédentaires à des missions de développement social. Etant donné que tous les administrateurs du fonds étaient issus du secteur informatique et que l’enseignement constituait une réelle priorité en Afrique du Sud, il semblait judicieux de consacrer ces fonds à l’informatique dans les écoles. C’est ainsi qu’a vu le jour le projet « School of the Month » [L’école du mois]. Chaque mois, une école sud-africaine était choisie et se voyait attribuer un laboratoire informatique Open Source entièrement rénové. Parallèlement, il est apparu évident que les enseignants avaient également besoin de formations informatiques ; un partenariat avec l’Association des prestataires de services Internet (Internet Services Providers’ Association, ISPA) a alors été créé, les deux organisations affectant des fonds à l’initiative « Train the Teacher » [Former les professeurs]. Au cours de cette phase initiale, le troisième volet des parrainages menés par CoZa Cares était consacré au développement de contenus numériques et vidéo (publiés dans le cadre d’une licence Creative Commons) en vue de soutenir la formation informatique des professeurs des écoles secondaires.
Vous facilitez l’apprentissage des autres. Mais qu’avez-vous appris, vous-mêmes, dans le cadre de vos missions CSI ?
Pour l’essentiel, nos activités de sensibilisation se sont concentrées sur un centre informatique fixe, le développement de contenu et la formation des professeurs ; à ce jour, les investissements réalisés s’élèvent à 40 millions de rands (près de 3,8 millions d’euros). Expériences, échecs et réussites ont été de riches enseignements en Afrique du Sud, sur le continent africain et au niveau international, comme la « famille » eLearning Africa l’expliquera. Le caractère durable de ce type de projets a permis d’établir une distinction nette entre, d’une part, des interventions efficaces, et d’autre part, l’approche court-termiste du « construire-un-labo-couper-le-ruban-et-fuir », qui caractérise trop souvent les actions CSI dans les écoles. C’est ce que beaucoup qualifient d’« e-dumping » : une solution totalement insoutenable qui constitue surtout un manque de respect pour les écoles et leurs communautés.
En quoi la réponse de CoZa Cares a-t-elle été différente ?
La durabilité est notre crédo. Or, cela n’est possible que dans la mesure où la priorité est accordée, non pas au matériel, mais plutôt à la construction des capacités, à la fourniture de contenus et au leadership de l’école. Nous prenons le temps d’identifier les écoles présentant un fort leadership, puis nous travaillons avec les directeurs d’écoles et les promoteurs des TIC, afin de bien comprendre les atouts d’un environnement TIC pour ces établissements. Les cibles restent naturellement les communautés vivant dans des zones rurales et périurbaines déshéritées, mais la vision ultime est celle d’un environnement TIC intégré que l’école sera en mesure de gérer elle-même avec succès. Dispenser des formations de base en informatique reste un élément important pour de nombreux enseignants, mais une approche à plusieurs niveaux du développement des compétences nous permet de capitaliser sur cet apprentissage de base, avec l’intégration des TIC dans les salles de classe et des cours de support technique. Nous apportons des fonds aux enseignants afin qu’ils puissent assister à des conférences utiles pour consolider leurs connaissances, leur donner confiance, et encourager le partage des bonnes pratiques avec des spécialistes. Le concours annuel SuperTeacher de l’ISPA marque l’un des temps forts de notre année.
L’Afrique du Sud est un pays immense. Existe-t-il certaines régions dans lesquelles vous n’êtes pas encore intervenus ?
Bien que CoZa Cares voie sa famille s’agrandir de deux écoles chaque mois, et qu’elle soit par ailleurs engagée dans le développement de centres de formation innovants destinés à plusieurs écoles, sa présence reste limitée. Il existe au total 250 « écoles CoZa Cares » (avec des niveaux d’intervention variés) dans sept des neuf provinces d’Afrique du Sud. Nous portons actuellement notre attention sur des groupes d’écoles dans les provinces du Limpopo et du Nord-Ouest, dans lesquelles l’engagement des départements provinciaux d’éducation a été le plus fort.
Le modèle de durabilité de CoZa Cares, basé en l’état actuel sur l’établissement de relations avec les écoles, ne se prête pas aisément à des déploiements rapides à grande échelle. En effet, c’est la volonté de « généralisation » qui s’est, trop souvent, avérée improductive pour de nombreux projets TIC dans les écoles. C’est une problématique centrale pour beaucoup de ceux qui sont engagés dans ce type de missions, et c’est une question avec laquelle CoZa Cares est aux prises. Il se peut très bien que nous décidions de ne plus poursuivre les installations mensuelles, et que nous nous limitions à nos écoles actuelles en nous concentrant sur un soutien et un développement continu de ces dernières.
Quel est le défi principal auquel vous êtes confrontés dans la réalisation de vos missions ?
Il est certain qu’une connexion Internet médiocre et les prix élevés du haut débit constituent autant d’obstacles sérieux à la réussite de nos missions, notamment dans les écoles situées dans les zones rurales ou les townships. Tant que l’Afrique du Sud n’aura pas pris conscience de la nécessité de l’Internet pour tous, la fracture numérique entre nantis et démunis ira en s’accentuant de plus en plus. La création de bibliothèques dans toutes les écoles est certes un projet louable, mais il est totalement inabordable d’un point de vue financier. La façon la plus efficace et la moins onéreuse d’apporter aux écoles les compétences du monde actuel, passe par l’Internet – et le plus tôt sera le mieux.
CoZa Cares a noué des partenariats sur d’autres projets importants, notamment avec l’association Netday, Mindset, ISPA et Edunova. Avec autant d’acteurs différents, comment parvenez-vous à dégager une seule et même vision pour le développement des compétences informatiques dans le pays ?
Chaque organisation reste un partenaire ou un prestataire de service indépendant. Toutefois, lorsqu’elle participe aux projets CoZa Cares, elle s’engage à permettre la création d’environnements TIC durables dans les écoles ayant peu de moyens. Les partenariats collaboratifs sont essentiels pour garantir le succès de cette opération.
Le gouvernement joue-t-il encore un rôle dans l’équipement des écoles en matériel informatique ?
Oui, il existe plusieurs initiatives de qualité au niveau national et des provinces, et il est essentiel que les organisations telles que la nôtre s’assurent que leur travail s’inscrit dans les objectifs stratégiques fixés par l’Etat.
Vous avez récemment parrainé le développement et la distribution de matériels elearning pour les enseignants en informatique de la dernière année de lycée (Grade 12 en Afrique du Sud) au travers du projet « Mindset Learn ». A l’instar des mathématiques, l’informatique est l’une des matières où le taux de réussite au baccalauréat (« matriculation ») est en baisse. Disposez-vous de mécanismes pour savoir dans quelle mesure les enseignants et les écoles tirent le meilleur parti des outils que vous leur fournissez ?
Toute intervention dans les écoles impose que l’on puisse mesurer et suivre les réussites et les échecs. CoZa Cares s’est engagée cette année à publier les résultats de ses propres recherches. Des fonds ont également été alloués à des recherches sur l’état général actuel du paysage des TIC à l’école en Afrique du Sud. Ces études visent à identifier les meilleures pratiques et les possibilités de développement des « communautés de partage des bonnes pratiques », ainsi qu’à fournir au débat national et à l’état actuel des connaissances, des informations et des données sérieuses sur les modèles qui ont réussi.
Quelle est la prochaine étape pour CoZa Cares ?
L’évolution la plus excitante prévue en 2012 est sans doute notre transformation de pôle CSI d’UniForum SA en une organisation indépendante d’utilité publique : la Fondation CoZa Cares. A suivre !