par Isaac Kasana, Directeur général du Réseau de Recherche et d’Education en Ouganda
Introduction
Pendant de nombreuses années, la principale raison d’être de l’eLearning a été de compléter ou d’améliorer les besoins d’enseignement à distance, pour rendre celui-ci plus abordable et plus accessible aux apprenants et aussi pour améliorer le rendement des éducateurs. Le développement des technologies depuis 12 ans permet dorénavant à l’eLearning d’être un mode d’enseignement à part entière, capable de répondre à un nombre croissant de besoins éducatifs et de combler de nombreuses lacunes éducatives.
Quels besoins ?
Les besoins récurrents de l’Ouganda en matière d’éducation et de recherche sont l’accessibilité, le caractère abordable des prix, l’équité, la qualité/pertinence et la collaboration. L’adoption et l’intégration rapides de techniques d’eLearning, ainsi que les tendances émergentes présentées ci-dessous, pourraient permettre de satisfaire aux demandes éducatives qui résultent de ces besoins :
- Une amélioration massive de l’accessibilité est nécessaire (en nombre de personnes et en couverture géographique), afin de garantir la qualité de l’éducation et l’engagement en faveur de la recherche. Cela signifie un accès accru en nombre et en couverture. En Ouganda, au vu de la démographie actuelle et sachant que 70 % de la population a moins de 35 ans et que le taux de chômage est très élevé, l’amélioration de l’accès est impérative.
- En raison de la saturation croissante des centres urbains, la réponse à ce besoin d’accès doit englober la demande croissante d’accès à la formation à tout moment et en tout lieu.
- Nécessité de prendre en compte les personnes qui sont temporairement au chômage (mères allaitantes, personnes licenciées en raison d’évolutions technologiques ou de crises économiques, réfugiés, prisonniers, etc.).
- L’accès à l’eLearning est également crucial si l’on considère le nombre croissant de personnes qui présentent des difficultés d’apprentissage. Il s’agit notamment des handicapés, des réfugiés, des déplacés internes et des personnes qui souffrent d’une interdiction d’accès à l’éducation en raison de leur genre. En ce qui concerne les actions liées à ce dernier groupe, il s’agirait notamment de permettre aux filles de ne pas manquer l’école lorsqu’elles sont indisposées ou aux jeunes mères d’avoir accès à la formation continue ou à une mise à niveau de leurs qualifications lorsque leurs enfants sont encore jeunes.
Lacunes et autres cas d’utilisation
L’eLearning pourrait combler les lacunes récurrentes de l’enseignement des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM) :
- le rendement médiocre des diplômés avec de bons résultats, qui n’ont pas pour autant les compétences leur permettant d’intégrer rapidement le marché du travail, par exemple la capacité de résoudre les problèmes de manière innovante ou un potentiel de déploiement flexible.
- le besoin croissant d’opportunités de recherche et de travail interdisciplinaires, particulièrement avec la spécialisation croissante des formations (l’informatique, à elle seule, est devenue une profession autonome vers 1978).
- Le nombre élevé d’étudiants qui vivent dans des régions très éloignées des grands centres urbains et qui n’ont donc pas la possibilité d’accéder à une éducation de qualité. Une fois le problème de la bande passante résolu grâce aux efforts conjugués de multiples acteurs, l’eLearning pourrait être utilisé pour résoudre ces inégalités d’accès.
L’eLearning permet de combler les lacunes récurrentes mentionnées ci-dessus (ainsi que d’autres) en favorisant l’innovation pédagogique et la disponibilité des cours en dehors des horaires traditionnels, mais aussi en améliorant la capacité à illustrer des concepts complexes grâce à des outils de modélisation et de simulation informatiques.
Les besoins et les lacunes exprimés jusque-là nécessitent l’adoption rapide de techniques d’eLearning afin d’offrir aux éducateurs davantage d’outils pour améliorer leur pédagogie, particulièrement pour les cours de STEM. L’utilisation de l’eLearning permettrait également aux prestataires de solutions éducatives de prendre en charge des situations extérieures à la salle de classe et d’offrir des horaires de formation flexibles en fonction de la situation des apprenants. Certains travailleurs ont également besoin d’acquérir des compétences en cours d’emploi, particulièrement les professionnels qui ne peuvent pas prendre de congés de longue durée pour entreprendre des études supérieures. Une fois adopté, l’eLearning pourrait aider à concrétiser le concept d’éducation à tout moment et en tout lieu.
Nécessité de partager les ressources
Pour rendre l’éducation plus abordable au plus grand nombre, il est important de mettre à la disposition de tous des ressources rares ou onéreuses. L’eLearning est le moyen le plus sûr de partager des ressources éducatives telles que des livres numériques onéreux, d’autres ressources bibliothécaires en ligne, des données et des publications scientifiques, des e-laboratoires, sans compter les éducateurs spécialisés et le mentorat professionnel. Ces éléments peuvent aider à pallier les inégalités croissantes d’accès à une éducation de qualité entre les grands centres urbains et les communautés rurales ou isolées.
Difficultés
Un certain nombre de difficultés continuent à freiner le recours à l’eLearning dans l’environnement éducatif ougandais, notamment :
- le coût encore relativement élevé du dernier kilomètre de raccordement, particulièrement pour les établissements isolés
- l’accès à l’électricité et son coût élevé
- une maîtrise limitée de l’eLearning chez les éducateurs et les étudiants, d’où un besoin massif de renforcement des capacités
- la préparation inadéquate de nombreux établissements d’enseignement supérieur à l’intégration de l’eLearning dans leurs prestations éducatives, associée à une réticence à collaborer pour résoudre ce problème
- le coût personnel relativement élevé de la bande passante commerciale pour l’accès hors campus.
Quelques réflexions pour conclure
- Grâce à l’initiative des Objectifs du millénaire qui vise à fournir à tous une éducation primaire et secondaire, des progrès ont été réalisés dans le domaine de l’élargissement de l’accès à l’éducation. Des problèmes de qualité et d’égalité perdurent toutefois. L’adoption plus rapide de l’eLearning en tant que voie émergente pour améliorer l’accès à une éducation de qualité permettrait de lutter contre ces problèmes.
- Il faudrait aider quelques établissements parmi ceux raisonnablement prêts à utiliser l’eLearning, afin qu’ils testent son adoption en tant que moyen d’offrir une éducation de qualité.
- Des installations partagées pourraient être hébergées sur le réseau de recherche et d’enseignement national (NREN) qui couvre dorénavant pratiquement l’ensemble du pays.
- Il serait possible de créer, puis de lancer un programme intensif de renforcement des capacités, en commençant par la formation des formateurs combinée à la formation du personnel des premiers établissements ciblés. Ce programme pourrait ensuite être élargi à un plus grand nombre d’éducateurs jusqu’à ce que de nombreux établissements soient aptes à intégrer l’eLearning.
- La formation à l’eLearning pourrait être intégrée dans le cursus de formation des enseignants.
Il serait également bénéfique d’intégrer au processus une stratégie d’évaluation des impacts.