Un cadre réglementaire effectif est essentiel pour tous pays cherchant à profiter des technologies, rapporte Ken Lohento, Coordinateur de Programme ICT4D au Centre Technique de Coopération Agricole et Rurale (CTA). Spécialiste de la conception et la mise en œuvre des projets TIC visant à renforcer l’utilisation des TIC pour le développement agricole et rural, Lohento partage des leçons de son pays natal, le Bénin.
Quel va être l’apport de la conférence eLearning Africa 2012 au Bénin en tant que pays hôte cette année?
Le Bénin va bénéficier grandement de l’accueil de eLearning Africa tant pour ses perspectives de développement dans le domaine de l’éducation et des TIC, que pour son tourisme. eLearning Africa est la plus grande conférence internationale sur les TIC, l’éducation et la formation en Afrique. Avec plus de 1700 participants, dont entre autres des experts internationaux, des spécialistes du développement et des chercheurs, cette conférence offre une occasion unique au Bénin de lier de nouveaux contacts, d’acquérir des connaissances, de s’informer sur les récentes innovations de ce secteur, mais également de montrer les enjeux et les progrès propres au pays. L’éducation est la fondation de l’émergence socio-économique d’un pays en développement tel que le Bénin et les applications des TIC se doivent d’être au cœur des stratégies d’un pays qui se veut devenir le « quartier numérique » de l’Afrique et d’une économie basée entièrement sur les services. C’est pourquoi il est essentiel pour le Bénin de saisir toutes les opportunités de rayonnement international telles que eLearning Africa. Ayant moi-même assisté à la conférence dans différents pays, je suis aujourd’hui très heureux que les organisateurs aient choisi le Bénin et que le Gouvernement soit prêt à apporter tout son soutien au succès d’un tel évènement.
Le thème de eLA 2012 est ‘le eLearning et le développement durable’. Quels sont les défis auxquels le Bénin doit faire face dans la mise en place de la déclaration de politique sectorielle sur laquelle toute la politique des TIC du pays est fondée?
Dans la lettre de politique sectorielle adoptée en 2008, le Bénin a mis l’accent sur deux points essentiels, à savoir : le e-gouvernement et le e-business. De nouveaux projets sont mis en œuvre, tels que le projet e-Bénin et le projet e-business qui sont l’un et l’autre d’excellentes initiatives. Ce qui m’apparaît comme le plus grand défi est de développer et maintenir l’engagement collectif de toutes les parties prenantes dans la mise en place de ces initiatives afin d’œuvrer au maximum pour la réalisation des objectifs de ces projets. La clef est bien entendu l’engagement effectif des institutions gouvernementales. Le e-gouvernement ne peut en aucune façon devenir une réalité si par exemple le site principal du gouvernement reste vieillot et si les fonctionnaires d’Etat continuent d’utiliser des adresses emails yahoo et hotmail pour leurs correspondances officielles (ce qui n’est pas le cas du Sénégal et d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest). Depuis des années nous avons entrepris de nombreux projets mais sans grand succès. Le cadre juridique général régissant le milieu des affaires – et qui n’a rien à voir directement avec les TIC – doit lui-même subir des modifications allant vers un meilleur encadrement. Une régulation améliorée des TIC qui soit indépendante à la fois des géants du marché et de l’Etat est nécessaire. Il est aussi dommage que depuis des années nous ayons eu une connectivité mauvaise et très chère, mêmes’il faut admettre que les choses ont malgré tout évolué. C’est un cauchemar par exemple que de tenter de télécharger des fichiers audio ou vidéo d’un cybercafé ou de la plupart des foyers au Bénin. Nous avons connu à plusieurs reprises des pannes totales de connectivité liées à la fibre optique qui ont touché tout le pays pendant plusieurs jours. Un tel cas s’est produit dernièrement lorsque du 6 au 12 janvier 2012 il n’y a eu aucun accès possible à internet dans tout le Bénin et ce, supposément parce qu’un incendie est survenu exactement là où les équipements techniques de la fibre optique étaient installés. A terme, tout cela incombe à des problèmes de gestion et d’entretien qui depuis des années privent les citoyens et les entreprises de tirer adéquatement profit des TIC, et ce quels que soient les projets et politiques adoptés dans ce domaine.
Quel rôle pourraient jouer les TIC afin d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement en 2015?
Les TIC sont au centre de toutes les activités humaines aujourd’hui. Au Bénin, par exemple nous avons aujourd’hui environ 90% de taux de pénétration au sein de la téléphonie mobile et ceci génère des opportunités dans tous les secteurs. Les applications des TIC sont des moteurs de progrès dans les secteurs tels que l’éducation et la santé, elles sont donc désormais indispensables pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement, que ces objectifs soient atteignables en 2015 ou pas.
Comme nous commençons à peine une nouvelle année, quelles « résolution(s) » voudriez-vous voir adoptée(s) sur le Continent en termes de développement durable?
Les innovations en matière de TIC dans les secteurs clés que sont l’éducation, la santé et l’agriculture devraient être davantage promues et soutenues. La régulation des TIC devrait être plus professionnelle et non-exclusive, surtout plus indépendante des géants du marché et de l’Etat, donnant enfin la parole à toutes les parties prenantes du secteur et en particulier à la société civile. Les fonds d’accès universel doivent être utilisés et gérés plus efficacement afin d’offrir un accès abordable aux zones rurales. La société civile s’intéressant aux TIC doit apprendre à s’organiser mieux elle-même et contribuer à l’élaboration des politiques encadrant les TIC, au Bénin en particulier, mais généralement dans toute l’Afrique.