Mark Kaigwa est digital strategist, consultant, conférencier, écrivain et « fervent réseauteur » auto-proclamé. Installé à Nairobi, Mark se donne pour mission d’être continuellement au fait des derniers développements dans les secteurs de la technologie et des communications et utilise son expertise pour aider des entreprises, start-ups et associations à but non lucratif à se lancer dans l’univers captivant de l’entrepreneuriat africain. En amont de son discours inaugural à la Conférence eLearning Africa 2013, il a pu nous octroyer quelques moments dans son emploi du temps chargé pour nous permettre de glaner quelques conseils au cœur même d’une scène technologique kenyane en plein essor.
Par Alicia Mitchell
Comment se fait-il que, plus que nulle part ailleurs, l’Afrique fait le buzz ? Pour Kaigwa, la réponse ne fait aucun doute
« L’élément central autour duquel gravite tout le reste, c’est le téléphone portable. » Actuellement au nombre de 750 000 000, les abonnements au réseau mobile en Afrique sont en passe d’atteindre un milliard d’ici 2015.[i] « Le rôle joué par le téléphone portable dans l’accélération ou la transformation du quotidien des individus est la partie centrale de l’équation… Le taux de pénétration du téléphone portable est l’un des aspects fondamentaux de ce marché. »
Dans ce domaine, ces dernières années, l’un des succès africains les plus célèbres à travers le monde est incontestablement celui de M-pesa, le service de micro financement et de transfert d’argent via téléphone mobile, proposé par Safaricom. Kaigwa lui-même a beaucoup parlé de la révolution déclenchée par M-pesa via lequel les Kenyans ont transféré une moyenne de 1,4 milliard de dollars US par mois en 2012.[ii] M-pesa est une réponse innovante à une situation africaine particulière et une belle « success story » de la technologie kenyane. Quelle est la prochaine grande étape ?
Nairobi s’est fait un nom sur la scène internationale en tant que lieu de référence des initiatives disruptives, telles qu’iHub, m:lab et Nailab. D’après Mark, cela indique la direction que le continent est en train de suivre. « [M-pesa] appartient à une vaste organisation… Donc ce n’est pas le meilleur exemple pour illustrer l’innovation. Cette dernière n’a pas toujours lieu dans les couloirs ou les salles de conférence d’entreprises telles que Safaricom : nous devrions nous attendre et anticiper de nouvelles innovations de la part des centres d’affaires et autres laboratoires. »
Même s’il existe de nombreux projets fantastiques sur place, Mark insiste sur le fait que le véritable intérêt réside dans l’atmosphère de changement qui règne au sein d’un contexte africain singulier. « Depuis la création de M-pesa, il y a 7 ans, nous avons assisté à une transformation qui a débouché sur l’apport de talents incroyables et l’intégration d’une conception axée sur l’utilisateur. Maintenant, les individus n’arrivent pas avec des idées préconçues et des plans made in Boston ou San Francisco. »
« Nous avons des centaines, voire des milliers de projets pilotes dans les secteurs de la santé, de la production, de l’impression en 3D, de l’éducation, pour n’en nommer que quelques-uns. Certains durent un an, d’autres deux ou trois, et d’autres encore ont dépassé le stade de la démonstration et affirment que « oui, nous pouvons y parvenir à plus grande échelle » Plus cette tendance se renforce, plus la probabilité d’obtenir autre chose que M-pesa augmente, quelque chose de plus grande ampleur dans un domaine ou secteur qui en a vraiment besoin. »
Mark rend compte des deux aspects d’un paysage technologique kenyan réputé qui contribuent à établir un profil de premier plan. « Il y a le côté organique mais aussi une dimension de plus haut niveau. La scène technologique kenyane, considérée comme la ‘future Silicon Savannah’ d’Afrique, est un marché prometteur, mais nous avons d’autres cartes en main. »
La construction de la Konza Techno City, la focalisation du gouvernement kenyan sur les TIC, le contenu local ainsi que les efforts effectués pour accroître le soutien et encourager les grosses entreprises et les sociétés de premier ordre à s’installer dans le pays ne représentent que la partie émergée de l’iceberg [Plus d’informations sur la politique du Kenya en matière de TIC ici].
« L’autre aspect est davantage organique avec des centres d’affaires et des laboratoires qui investissent dans les entrepreneurs et les premiers stades de développement des start-ups. Cela crée une atmosphère favorisant l’éclosion et l’épanouissement de talents remarquables. De plus, des idées brillantes et des problèmes majeurs se transforment en opportunités commerciales. Les investisseurs sont par ailleurs en train de découvrir quelles sont les conditions requises pour s’impliquer dans un pays africain. »
« Les gens partent du principe que c’est au haut niveau que se joue le changement. Cependant, je crois vraiment que c’est plutôt le côté organique, initié en marge par la communauté, qui s’avère déterminant. C’est toutefois un aspect qui ne figurait probablement pas parmi les préoccupations du gouvernement auparavant. Voilà ce qui va véritablement métamorphoser notre pays, le reste de l’Afrique de l’Est et probablement l’ensemble du continent. »
Dans le courant de ce mois-ci, Kaigwa prononcera un discours sur l’autonomie de l’Afrique durant le deuxième Future Forum à Berlin, organisé par le BMZ (le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement).
Quel rôle envisage-t-il pour les gouvernements et les investisseurs internationaux ?
« Il y a de la place pour tout le monde et une multitude de problèmes et de défis devront être abordés par des personnes ingénieuses. »
« Nous nous trouvons dans un endroit unique, mais il ne faut jamais cesser d’apprendre, surtout vu le chemin qu’il nous reste à parcourir. Des expériences conjointes, dans les deux sens, servent de base aux partages d’idées et aux partenariats potentiels. Nous pouvons découvrir quels sont nos points communs et nos différences ; cela pourrait me permettre de réaliser ce que Berlin peut m’apprendre, tandis que Nairobi pourrait sans doute enseigner une ou deux choses à Berlin également. »
« Cependant, j’ai parfois l’impression que traiter avec les gouvernements se passe à un niveau autrement plus élevé : beaucoup de mains à serrer, des échanges de drapeaux et de livres, c’est magnifique. Mais qu’est-ce que cela apporte à l’écosystème ? Pour un entrepreneur kenyan, quels sont les atouts que représente une collaboration avec un développeur basé à Berlin ? Est-ce avantageux de travailler ensemble et d’établir des partenariats ? Quelles sont les initiatives adoptées par le gouvernement pour simplifier ces activités ? »
Et enfin, quel est le secret qui se cache derrière le succès personnel prolifique de Mark ?
« J’ai assimilé quelques éléments essentiels d’une bonne communication, d’une stratégie de marque et j’ai utilisé certains de ces concepts pour les implémenter dans ma propre marque en tissant de véritables liens avec des entrepreneurs (jeunes et moins jeunes) ainsi qu’avec des investisseurs. Je cherche enfin à rencontrer des gens et à acquérir une réputation. »
« La partie médiatique est une expérience permanente. Rien n’est gravé dans le marbre. L’Histoire est en cours d’écriture, il n’appartient qu’à vous d’y figurer. Si vous partez avec cet état d’esprit, vous ne vous préoccuperez pas tant des erreurs. La peur de l’échec et du refus est atténuée par le fait que personne n’a défini des objectifs que vous n’arriveriez peut-être pas à atteindre. Vous déterminez vous-même quelles sont vos attentes. »
Mark Kaigwa prononcera un discours d’ouverture lors de la session plénière du mercredi soir à la Conférence eLearning Africa 2013. Vous trouverez de plus amples informations sur la conférence à l’adresse suivante : www.elearning-africa.com
Mark Kaigwa sur Twitter : twitter.com/mkaigwa
www.mark.co.ke