Grâce à « un peu de chance, un bon timing et beaucoup de travail », l’entrepreneur kényan Tonee Ndungu a réussi à attirer l’attention des responsables locaux et étrangers sur sa solution innovante, qui rend le contenu éducatif abordable et accessible aux familles à revenus faibles ou moyens.
L’idée a germé en 2012 quand le père de Tonee Ndungu, directeur d’une école locale, lui a posé le problème suivant : « Je peux leur construire une école, je peux payer les enseignants, mais je ne peux pas leur acheter de livres ».
C’est à partir de là qu’ils ont imaginé le concept de Kytabu, une application d’abonnement pour tablette solaire bon marché qui permet aux utilisateurs de louer des livres (entiers ou par pages ou chapitres) en utilisant de l’argent mobile. L’application dispose également d’un système de cryptage pour protéger le contenu des éditeurs. D’après Tonee Ndungu, ce modèle peut réduire le coût d’acquisition des livres de 72 %.
« Je lui ai immédiatement répondu : ‘et si nous essayions de trouver une solution viable, basée sur les économies d’échelle. Et si nous faisions de cet achat de manuels en gros un système de micropaiement. Voyons si cela peut fonctionner.’ »
À l’époque, Tonee Ndungu estimait que la concrétisation de son idée était « lointaine, mais logique ». Or, deux ans plus tard, Kytabu a été essayée et testée avec succès, a attiré de multiples partenaires et des investisseurs du monde entier et a même reçu les éloges de John Kerry, secrétaire d’État des États-Unis, qui a eu ces mots à son sujet : « Le génie de cette application, c’est qu’elle permet de micro-payer pour du contenu de taille limitée, uniquement quand cela est nécessaire. »
Kytabu, qui est également accessible sur ordinateur de bureau, permet aux élèves kényans d’accéder à tous les manuels du cursus de l’éducation nationale sous forme numérique sans avoir à les télécharger sur un réseau à haut débit. Sachant que tous les livres sont préinstallés sur la tablette subventionnée, les élèves peuvent les louer directement sur l’appareil, sans avoir à passer par un portail de réseau mobile.
Lui-même dyslexique et ayant donc utilisé les livres audio comme principal outil d’apprentissage, Tonee Ndungu à faire en sorte que Kytabu soit également dotée d’une bibliothèque de livres audio qui « permet de faire entrer les histoires dans la salle de classe dans environ 18 langues locales, afin de créer une expérience plus personnalisée ». L’outil est également équipé de jeux éducatifs. Parmi les autres fonctions téléchargeables, on trouve une classe virtuelle, qui est « le WhatsApp de la salle de classe », des annales d’examens et de tests, ainsi que du contenu externe, par exemple des documents de la Khan Academy et du National Geographic.
Sachant que 74 % des élèves d’une classe kényane type ne disposent pas des manuels requis, l’objectif est d’atteindre 200 000 utilisateurs lorsque le produit sera lancé en mai 2015, puis au moins la moitié des élèves du pays (soit environ 7,5 millions dans les écoles officielles et 7,2 millions dans des environnements d’apprentissage informels) dans un délai de cinq ans.
Malgré le succès de Kytabu, Tonee Ndungu admet que lancer une start-up au Kenya n’a pas été chose facile. « Nous avons été confrontés à de nombreux obstacles. Par exemple, en matière de technologie, nous ne pouvions pas nous procurer le matériel nécessaire au Kenya, mais nous avons fini par y arriver quand même. Il a également été plus dur que prévu de trouver des investisseurs appropriés. Pour de nombreuses start-up, le problème n’est pas tant l’argent en lui-même que le type d’argent », explique-t-il.
Tonee Ndungu est un ardent défenseur des entrepreneurs locaux, à qui il apporte des conseils et de l’aide via son organisation Nailab, un accélérateur de start-up qui propose un programme d’entreprenariat axé sur le développement d’idées innovantes basées sur la technologie. Le problème actuellement, explique-t-il, c’est qu’il faut se battre contre l’« afflux d’expatriés, particulièrement ceux du type Ivy League », qui viennent au Kenya pour profiter des opportunités d’investissement. « Ils ont été formés à Harvard, donc ils savent ce qu’ils font et ils peuvent obtenir tous les investissements nécessaires. Ils prennent toute la place et il devient alors très difficile pour les Kenyans de résister et d’affirmer qu’ils peuvent faire aussi bien. C’est presque une nouvelle Silicon Valley, mais animée par un mouvement mondial et non par la volonté des Kenyans de résoudre leurs problèmes, ce qui énerve beaucoup de Kenyans. »
Il espère que l’histoire de Kytabu inspirera ses compatriotes entrepreneurs car, comme il l’indique sur son site Internet : « La beauté de l’Afrique et sa plus grande richesse, c’est que ses habitants sont toujours avides de faire mieux ».
Tonee Ndungu s’exprimera lors de la conférence eLearning Africa qui aura lieu du 20 au 22 mai 2015 à Addis-Abeba, Éthiopie