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Pourquoi l’accès à Internet sponsorisé par Facebook serait-il nocif ?

Image by Birgerking
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Un accès limité à Internet est-il préférable à pas d’accès du tout ? Cette question est posée par John Naughton, auteur et enseignant en compréhension de la technologie par le grand public à l’Open University, dans une récente diatribe du Guardian à l’encontre d’une application Facebook qui propose la connectivité gratuite aux pays en développement. John Naughton estime que la réponse est « non ».

Par Mark Calder

Il s’agit, en effet, pour lui, d’un « moyen pernicieux de formuler l’argument » contre lequel il faut lutter. Il préférerait se battre pour un accès accru à Internet dans sa globalité, sans réduire cet accès à une « alcôve contrôlée par une entreprise ».

Mais quelle solution pratique propose-t-il ? Il est facile d’exiger la connectivité universelle pour quelqu’un qui peut se l’offrir, mais cette exigence est totalement irréaliste.

Au cours des 20 prochaines années, 2 milliards de personnes supplémentaires vont avoir accès à Internet, principalement via des appareils mobiles. Or quelqu’un devra bien payer pour le plan de données qui permettra à ces nouveaux utilisateurs de se connecter à Internet. Et si les utilisateurs eux-mêmes ne peuvent pas le faire, alors il sera peut-être nécessaire de parvenir à un compromis avec les entreprises.

Ce compromis n’est toutefois pas la prison dont parle John Naughton. Dans son résumé, il explique que « lorsqu’une nouvelle utilisatrice en Somalie, en Inde ou en Birmanie allume son tout nouveau smartphone bon marché, ce qu’elle voit, c’est une application Facebook qui lui offre la connectivité gratuite à ‘Internet’, tandis que d’autres applications récupèrent les frais qui ont été convenus dans le plan de données signé avec l’opérateur mobile ». Cette vision d’une institution démoniaque renforçant son pouvoir aux dépens des populations pauvres est trompeuse.

En effet, l’application fait partie de l’initiative ‘Internet.org’ (que John Naughton oublie de mentionner) qui comprend sept partenaires fondateurs, dont Samsung et Nokia. Elle a pour ambition de permettre aux « populations de naviguer gratuitement sur certains sites choisis liés à la santé, à l’emploi et aux informations locales ». L’application est actuellement à la disposition des clients d’Airtel au Ghana, au Kenya et en Zambie, et des clients de Tigo en Colombie et en Tanzanie.

Cette application offre donc un accès nettement plus large que celui indiqué par John Naughton. Parmi ces ressources gratuites, on trouve Wikipédia (incontestablement une des plus grandes bases de connaissances du monde), des sites de recherche d’emploi nationaux, AccuWeather (application cruciale pour les agriculteurs) et diverses organisations médicales telles que ‘Facts for Life’ et ‘MAMA’ (Mobile Alliance for Maternal Action) qui offrent toutes les deux des informations de santé essentielles pour les femmes, par exemple des conseils sur la grossesse, la naissance, les maladies infantiles et les soins à prodiguer aux enfants.

Autre ressource gratuite de l’application zambienne, l’application WRAPP (Women’s Rights App) « informe les habitants du pays sur les droits des femmes, la législation associée et les mesures à prendre en cas d’infraction à cette législation ». Josh Constine, rédacteur pour TechCrunch, explique qu’« une femme pourrait, par exemple, découvrir qu’elle a les mêmes droits à l’éducation que les hommes en vertu de la loi sur l’Éducation de 2011 [Cap 1, Section 22] et contacter la The National Legal Aid Clinic For Women si ces droits ne sont pas respectés ».

Comme l’indique Melanne Verveer, ambassadrice itinérante des États-Unis chargée de la condition de la femme, « grâce à Internet.org, les femmes qui vivent en Zambie vont avoir accès à des informations vitales et à des services essentiels pour améliorer leur vie et celle de leurs enfants ».

Et l’application Facebook elle-même n’est pas tout à fait aussi nocive que John Naughton voudrait nous le faire croire. Abdirashid Hashi, directeur adjoint de l’Heritage Institute for Policy Studies, vante les mérites de l’utilisation de Facebook en Somalie d’une manière beaucoup plus largement applicable. Les liens que l’application favorise entre la diaspora et les citoyens du pays vont continuer à se développer car les « Somaliens éduqués, au fait des nouvelles technologies et socialement responsables sont de plus en plus nombreux à s’unir pour lutter sur des questions d’intérêt public ».

Une étude récente sur les habitudes médiatiques des jeunes Swazis, commanditée par le Media Institute of Southern Africa (MISA) et l’UNESCO, montre bien la place centrale qu’occupent les réseaux sociaux. En effet, 42 % des jeunes interrogés considèrent les médias sociaux comme leur moyen de communication privilégié (contre 24 % pour la télévision, 22 % pour les journaux et 12 % pour la radio), et 69 % utilisent les médias sociaux comme principale source d’information. La conclusion de l’étude insiste sur le potentiel de Facebook en tant qu’‘outil d’apprentissage’ et en tant que moyen d’expression pour des individus qui resteraient autrement marginalisés.

Tout cela montre que Facebook n’est pas une alcôve, mais un outil puissant, qui peut permettre aux populations des pays en développement de créer leurs propres réseaux, au-delà des moyens de communication traditionnels.

En outre, des initiatives comme Internet.org peuvent servir de tremplin à une utilisation plus globale d’Internet. Comme l’a indiqué Mark Zuckerberg lors de l’édition 2014 du Congrès mondial de la téléphonie mobile en citant l’exemple du réseau philippin Globe : « Ce que nous voyons chez les utilisateurs de Globe, c’est que le nombre de personnes qui utilisent Internet (les données) a doublé et que le nombre d’abonnés à Globe a augmenté de 25 % ». L’application gratuite conduit à une prise en main d’Internet par tous. Un résultat qui ne doit pas être condamné, mais célébré.

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