Les lauréats 2014 du concours photo annuel d’eLearning Africa, « À travers votre objectif », ont retenu l’attention du public avec des images fortes axées sur le rôle des outils de communication et des technologies de l’information en faveur de l’intégration, de l’inclusion et de la diversité.
Kwesi Brako a interviewé les lauréats pour en savoir plus sur les expériences qu’ils ont tirées de leurs voyages à travers l’Afrique et sur leurs sources d’inspiration.
Aaron Parsons – 1e place
Que connaissez-vous de l’Afrique ?
Je ne pense pas connaître suffisamment l’Afrique, j’aimerais tout savoir de la planète sur laquelle nous vivons, mais je pense que j’ai encore beaucoup à apprendre. Lorsqu’on vit au Royaume-Uni, on a une vision stéréotypée du continent et de sa population. Que ce soit dans l’actualité ou dans les films, l’image qui est donnée de l’Afrique est souvent perturbante et désespérée. Il suffit pourtant de creuser un peu plus profond pour prendre conscience des choses qui font de l’Afrique ce qu’elle est vraiment : un continent coloré, animé, passionné, d’une diversité incroyable, qui associe de vastes plaines et des villes dont l’âme et la richesse culturelle ne se démentent jamais. Pendant mes études de photographie, la meilleure note que j’ai reçue concernait un devoir sur l’apartheid en Afrique – je n’avais jamais eu une aussi bonne note de toute ma scolarité. Le sujet était une photographie prise pendant cette période qui a dû éveiller en moi une passion telle que j’ai produit là ma meilleure dissertation, ce qui en dit long sur ce que représente l’Afrique.
Où êtes-vous allé en Afrique et combien de fois ?
Je ne suis allé qu’au Maroc et je veux y retourner. Il y a toujours quelque chose à photographier, c’est tellement différent du Royaume-Uni et de tous les autres endroits où je suis allé – les couleurs, la culture, les odeurs, les animaux, les gens, l’architecture et les paysages. Il y a tant de choses à voir et tant de choses à saisir. J’adorerais visiter d’autres pays d’Afrique, mais je dois admettre que je ne saurais pas par où commencer. De nombreuses personnes m’ont dit beaucoup de bien de l’Afrique du Sud. J’adore aussi photographier la faune sauvage et la nature, donc faire un safari, même si ce n’est pas très original, serait une expérience passionnante pour moi, auquel cas, j’imagine que le mieux serait de commencer par Botswana, le Kenya ou la Zambie.
Qu’est-ce qui vous a incité à vous rendre dans les pays où vous êtes déjà allé ?
J’ai eu la chance d’être envoyé en mission au Maroc pour faire un reportage photographique et cinématographique sur les vacances et la culture des surfeurs, sauf que j’ai fini par filmer et photographier aussi tout le reste !
Pouvez-vous nous parler de ce que vous avez appris et observé lors de vos voyages ?
Comme tant d’autres, j’ai appris que la vie peut être très différente même si elle n’est qu’à quatre heures d’avion de chez vous. Cela a été un choc pour moi, une expérience à la fois enthousiasmante et parfois triste. J’adore les animaux et j’ai parfois eu du mal à voir tous les chiens errants malheureux et solitaires qui peuplent le Maroc. Mais j’ai aussi rencontré quelques chiens très heureux de leur vie sauvage ! J’ai été confronté à quelques réalités difficiles mais aussi à des choses merveilleuses. J’admire l’attitude des Marocains face à la vie : ils trouvent toujours le temps de se parler et ils prennent la vie calmement (sauf quand ils sont au volant, bien sûr).
Ebrahim El Moly – 2e place
Que pouvez-vous dire aux lecteurs sur vous-même, votre enfance et l’endroit d’où vous venez ?
Je m’appelle Ebrahim El Moly, j’ai 20 ans, je suis apprenti photographe freelance, je suis né et j’ai grandi à Alexandrie en Égypte. Ma vie a changé du tout au tout en 2011 quand, après 30 ans de règne, le président Hosni Moubarak a été éjecté du pouvoir par la révolution du peuple.
L’odyssée qui a suivi a probablement été la révolution la mieux documentée de tous les temps, une révolution qui a failli, par moments, tourner à la guerre civile. Les photographies publiées dans les médias ont fait le tour du monde et modifié la perception qu’ont les gens de l’Égypte : la terre des pyramides est devenue un pays de citoyens civilisés qui n’accepteront plus l’injustice.
Ces changements et l’instabilité politique qui en a résulté ont détruit et continuent à mettre en péril l’industrie touristique égyptienne, qui est l’un des principaux employeurs de notre pays.
Dès le départ, j’ai décidé de mettre sur le papier ma vision de la révolution et de montrer la réalité qui est la mienne au quotidien. J’étais dans les rues et j’ai assisté à la plupart des affrontements pour montrer le courage, la peur et la naïveté des combattants.
Que signifie l’Afrique pour vous ?
Si vous m’aviez posé cette question il y a quelques années, je vous aurais répondu que l’Afrique est synonyme de guerre civile et de noirs s’entretuant pour l’argent de l’or et des diamants. Je pense, d’ailleurs, que les Américains ont une vision similaire de l’Égypte, ils vous diraient que nous nous déplaçons à dos de chameau et que nous vivons dans des pyramides ! Le plus gros problème vient de l’utilisation qui est faite des médias : ils ne montrent que les côtés négatifs de l’Afrique au lieu de la présenter dans sa globalité avec ses points forts et ses points faibles.
Êtes-vous allé dans d’autres pays africains et, si c’est le cas, où et pourquoi ?
Je n’ai jamais eu l’opportunité de voyager en Afrique, mais ce sera la première chose que je ferai dès que j’aurai un peu d’argent pour me payer le voyage. Je suis très motivé et prêt à aider et à me porter volontaire dans n’importe quelle organisation susceptible d’agir en faveur du développement et d’avoir un impact positif sur la destinée de l’humanité ou de me donner la possibilité de le photographier.
En ce qui concerne le lieu, je suis prêt à aller n’importe où. Mais, étant encore étudiant, j’aurais besoin que mon hébergement et peut-être mes déplacements soient pris en charge.
James Odong – 3e place
Que pouvez-vous dire aux lecteurs sur vous-même, votre enfance et l’endroit d’où vous venez ?
Je suis journaliste de profession depuis plus de 10 ans et je travaille pour la radio et pour la presse écrite. Je suis né dans une grande famille du village d’Agurut dans le sous-comté de Nyero, district de Kumi à l’est de l’Ouganda. J’ai grandi et étudié dans un environnement rural. Mon père, Mathias Ojakol, est mort en 1987 alors que j’étais encore très jeune et c’est donc ma mère, Dinah Atiang (toujours en vie malgré un cancer du sein), une paysanne sans aucun moyen pour payer mes frais de scolarité, qui a dû m’élever. Elle a travaillé très dur pour que je puisse terminer mes études et rejoindre une école de journalisme. J’achève en ce moment une licence en relations publiques et gestion des médias à l’université Cavendish en Ouganda. J’ai toujours vécu et travaillé dans un environnement rural et je suis maintenant installé dans la ville de Soroti, une région (sous-région de Teso à l’est de l’Ouganda) qui est en conflit depuis plus de 30 ans. Je suis passionné par le journalisme et je suis prêt à apprendre et à partager mon expérience.
Que signifie l’Afrique pour vous ?
Pour moi, l’Afrique est la terre des noirs, des conflits, de la pauvreté et des maladies.
Êtes-vous allé dans d’autres pays africains et, si c’est le cas, où et pourquoi ?
Je ne me suis jamais rendu dans un autre pays d’Afrique.
Nseabasi Akpan – Vote du public
Que pouvez-vous dire aux lecteurs sur vous-même, votre enfance et l’endroit d’où vous venez ?
Je m’appelle Nseabasi Akpan, je suis né dans l’ancienne ville d’Ibadan, dans l’État d’Oyo au Nigeria. En 1999, j’ai obtenu mon diplôme national d’études financières au collège technique de l’État d’Osun. J’ai appris la photographie sur le terrain avant de devenir photographe freelance. Je suis passionné par le reportage et par le documentaire expérimental et je travaille dans les domaines du football, de la politique, de l’environnement, de la religion et de la culture et du patrimoine africains.
En 2004, après avoir acheté mon apprentissage dans un studio photographique d’Ibadan, j’ai dû quitter le Nigéria pour m’installer à Accra au Ghana. J’y suis resté pendant plusieurs mois pour échapper à mes parents qui ne voulaient pas que je devienne photographe. Ils voulaient que je sois banquier car ils considéraient la photographie comme un métier de marginal. Mais moi, Nseabasi Akpan, je considère la photographie comme un outil qui peut servir à montrer les problèmes de la société. Enfant, j’ai toujours rêvé d’être photographe.
Mes travaux ont été publiés dans des journaux, des magazines et des sites Internet nationaux et internationaux tels que BBC Focus on Africa Magazine, Jeune Afrique, Insidetrack Abuja, Derive et The Platform.
Je vis et je travaille à Ibadan.
Que signifie l’Afrique pour vous ?
La civilisation et le développement technologique sont nés en Afrique, comme on peut le constater en Égypte et en Éthiopie pour ne citer que quelques exemples. Continent le plus béni du monde, l’Afrique a été menée à la ruine, à la corruption, aux troubles incessants et à une extrême pauvreté malgré l’abondance de ses ressources humaines et minérales. Nous, Africains, ne pouvons plus continuer à accuser l’Occident de tous nos maux, car cela ne mène à rien. Ce qui s’est passé s’est passé ! Nous ne pouvons rien y changer, mais l’Afrique doit regarder vers l’avenir et faire bouger les choses. Nous ne devons pas infantiliser les Africains en leur faisant croire qu’ils ont besoin des Occidentaux pour résoudre tous leurs problèmes.
Êtes-vous allé dans d’autres pays africains et, si c’est le cas, où et pourquoi ?
Je suis allé au Ghana, en République du Bénin, au Togo, en Namibie, en Tanzanie et en Éthiopie pour mon travail, pour des raisons personnelles et pour participer à des séminaires et à des expositions photographiques.