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L’éducation et la technologie sont en train de transformer l’Afrique : compétences pour l’ère numérique et pour tous

Par Sheila Jagannathan, spécialiste de l’apprentissage, Banque Mondiale

Les progrès enregistrés par le Rwanda qui, après une guerre civile dévastatrice, est devenu un des pays africains les plus prospères, témoignent d’une réussite remarquable en matière de développement. Il y a 24 ans, le pays était déchiré par la guerre civile et par un des pires génocides de l’histoire de l’humanité, qui a conduit à la mort de plus d’un million de personnes en trois mois seulement. Aujourd’hui, après des années de croissance économique durable (environ 6,5 % cette année), le pays est en bonne voie pour atteindre la majeure partie des objectifs de développement ambitieux de la « Vision 2020 » du gouvernement rwandais. Cette vision cherche à faire passer le pays d’une économie à faible revenu basée sur l’agriculture, à une économie de la connaissance axée sur les services, afin de permettre au Rwanda d’obtenir, à court terme, le statut de pays à revenu moyen.

© ICWE GmbH, Photographer Dominik Tryba

J’ai eu un bref aperçu de la réussite du Rwanda pendant les quelques jours que j’ai passés dans le pays la semaine dernière à l’occasion de la conférence eLearning Africa 2018, qui se déroulait dans le Centre des congrès flambant neuf de Kigali. eLearning Africa, la plus grande conférence africaine sur les TIC pour l’éducation et la formation, avait parfaitement sa place au Rwanda, un pays qui a mis le renforcement de l’éducation et des compétences au cœur de sa stratégie de développement. Le choix de Kigali pour abriter l’édition 2018 de la conférence souligne donc à la fois la détermination dont les Rwandais ont fait preuve pour transformer leur pays en mettant l’accent sur le développement du capital humain et le rôle de modèle que peut jouer le pays vis-à-vis du reste de l’Afrique (Paul Kagamé, président du Rwanda, assure, cette année, la présidence de l’Union africaine).

Sous le thème « Unir l’Afrique », une bonne partie des discussions organisées pendant la conférence ont porté sur les possibilités qui existent de surmonter les obstacles et d’améliorer la coopération afin d’aider les pays africains à réaliser les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. Le nombre de jeunes devrait doubler en Afrique d’ici à 2050 pour atteindre près d’un milliard d’individus, contrairement au reste du monde qui est confronté à un déclin. Un des principaux enjeux politiques consiste donc à trouver le moyen de renforcer les compétences de ces jeunes à moindre coût, afin de leur permettre d’accéder aux emplois de la quatrième révolution industrielle. Cette évolution est indispensable si l’Union africaine veut parvenir à concrétiser sa vision d’un « continent transformé », telle qu’elle figure dans l’Agenda 2063. Les thèmes de la conférence ont notamment porté sur le rôle que l’éducation numérique peut jouer dans la résolution des problèmes de développement spécifiques à l’Afrique, afin d’accélérer la croissance et de réduire la pauvreté. De nombreux pays africains ne disposent toujours pas des compétences de base nécessaires pour permettre l’accès à des emplois dans les secteurs modernes de l’industrie et des services, alors qu’ils font déjà l’objet d’investissements massifs dans l’extraction de ressources, le développement des infrastructures et d’autres activités lucratives. Parallèlement aux systèmes éducatifs nationaux qui sont bien placés pour améliorer la qualité de l’instruction par le biais de l’accès numérique, les entrepreneurs numériques de demain pourraient se nourrir des nombreux excellents produits d’apprentissage en ligne disponibles en accès ouvert ou sur des plates-formes virtuelles telles que Edx, Coursera, FutureLearn ou Open Learning Campus de la Banque Mondiale avec l’agrément d’universités parmi les plus réputées au monde.

Point positif, l’Internet mobile devrait être disponible dans pratiquement toutes les régions du continent d’ici à quelques années. L’institut McKinsey Global Institute prévoit que la pénétration d’Internet aura atteint 50 % (600 millions d’utilisateurs) d’ici à 2025 et que le nombre de smartphones aura été multiplié par six. Cette évolution permettra alors à tous les Africains d’accéder à une éducation et à des formations de qualité. La conférence était donc le lieu idéal pour prendre le pouls de la situation actuelle et voir le rôle que les TIC et l’éducation peuvent jouer pour rendre l’Afrique de demain véritablement inclusive, afin que chaque citoyen ait un rôle à jouer dans l’avenir du continent le plus prometteur de la planète.

Margot Brown, directrice de la gestion des connaissances à la Banque Mondiale, a évoqué plusieurs grandes initiatives entreprises et appuyées par le GBM dans le domaine de la connaissance et de l’apprentissage en Afrique. J’ai également parlé de notre expérience dans la création de MOOC (cours en ligne ouverts et massifs) qui ont attiré un nombre considérable de jeunes Africains désireux de trouver leur place sur le marché du travail. Le feed-back que nous avons reçu montre que les participants sont très intéressés et prêts à collaborer avec le Groupe de la Banque Mondiale pour promouvoir l’eLearning comme un moyen essentiel d’« Unir l’Afrique ».

En ce qui me concerne, depuis la première édition de la conférence eLearning Africa, je constate que la diffusion de nouvelles formes d’apprentissage assisté par les technologies, associée à des pédagogies innovantes, fait une réelle différence dans la vie de nombreux Africains ordinaires. Dans le secteur agricole, par exemple, où les femmes forment plus de 70 % de la main-d’œuvre, les téléphones portables ont largement contribué à la diffusion de formations et d’informations sur l’amélioration de la gestion des cultures et de l’élevage, entraînant une hausse significative des rendements dans de nombreuses régions du continent. D’autres formes de communication plus traditionnelles, comme la radio, ont également eu beaucoup de succès. Farm Radio International travaille, par exemple, en collaboration avec 650 partenaires de radio dans 40 pays d’Afrique subsaharienne pour proposer des émissions de qualité écoutées par des millions de petits agriculteurs africains, qui utilisent les connaissances acquises pour améliorer leurs pratiques agricoles. Nouvellement lancé, le programme « Her Farm Radio » apporte son soutien aux émissions de radio locales et cible les femmes en leur apportant l’aide dont elles ont besoin pour améliorer la productivité de leur exploitation et donc leurs revenus.

 

Nelson Mandela a dit un jour que l’éducation est « la clé de tout ». Non seulement les participants à la conférence sont entièrement d’accord avec Madiba, mais ils s’efforcent également de trouver les moyens, grâce à l’apprentissage numérique, d’accélérer les efforts mis en œuvre par l’Afrique pour éradiquer la pauvreté et partager la prospérité.

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