Opinions @fr

L’éducation des femmes et des jeunes filles est-elle la solution pour atteindre les objectifs du Millénaire ?

Les Objectifs du Millénaire pour le développement se sont retrouvés sous le feu des critiques du fait que les enjeux sociaux y sont abordés de manière purement statistique. Les cibles et indicateurs utilisés en vue de mesurer les progrès réalisés relèvent ainsi principalement du quantitatif et non du qualitatif, ne permettant pas de prendre en considération les histoires, situations complexes et expériences se cachant derrière les chiffres- et tout particulièrement concernant la prédominance persistante des inégalités hommes-femmes. La Conférence eLearning Africa offrira aux participants la possibilité de prendre part à ces débats, et plus particulièrement sur celui concernant les dommages causés à l’éducation en Afrique par les inégalités entre les sexes.

 Par Claire Adamson

 Bien que la promotion de l’égalité des genres soit spécifiquement l’objet du troisième Objectif du Millénaire, les questions de genre, en particulier la discrimination envers les femmes et les jeunes filles, sont un dénominateur commun aux huit Objectifs. L’éducation universelle et la santé des enfants sont étroitement liées au statut de la femme. Les objectifs spécifiquement concernés par l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes sont cependant ceux qui semblent le plus éloignés d’une concrétisation prochaine. Gouvernements et institutions doivent entamer une sérieuse remise en question des attitudes existantes et endiguer une certaine complaisance vis-à-vis  du leadership qui contribue à entretenir l’inégalité des genres, au lieu de se contenter de travailler à l’amélioration des statistiques. Lors de la Conférence eLearning Africa 2013, l’accent sera mis sur le changement, la tradition et l’innovation, et la portée des technologies autorisant ce changement sera un sujet d’actualité particulièrement brûlant.

L’Atlas mondial de l’égalité des genres dans l’éducation de l’UNESCO, publié en 2012, offre une vision mondiale de l’accès à l’éducation en fonction du genre. Le rapport fournit un aperçu des multiples facettes de l’inégalité des sexes de même que les zones dans lesquelles ces inégalités sont les plus ancrées. Il a certes été démontré que de nombreux progrès dans les domaines de l’éducation et de l’égalité des genres avaient été accomplis, d’un point de vue statistique, néanmoins, les luttes à mener, aussi bien dans l’optique d’une amélioration de la qualité de vie des femmes et des jeunes filles dans l’éducation que d’une évolution vers l’égalité des chances, demeurent homériques. C’est en Afrique subsaharienne que les disparités sont les plus visibles, tant au niveau de l’accès à l’éducation qu’à l’égalité des chances, et ce à tous les niveaux.

Bien que de nombreux pays semblent être en passe d’atteindre les objectifs d’accès universel à l’éducation élémentaire et à la parité des genres, et ce même dans le secteur primaire, cette situation ne concerne que l’ensemble des inscriptions et ne prend pas en compte les taux de redoublement, de réussite ou encore d’accomplissements concrets.

L’accès à l’éducation est nécessairement lié à la question du genre : les pays affichant les taux d’éducation féminine les plus élevés ont tendance à être, et de loin, plus développés. Les femmes  et jeunes filles, avec de plus amples connaissances dans le domaine de la santé, ont une espérance de vie plus élevée et sont moins exposées au virus du Sida dans les zones où l’accès à l’éducation leur est accordé. Cependant, du fait de la répartition traditionnelle des genres et des craintes entourant leur intégrité physique, l’accès à l’éducation est un grand défi pour les femmes et jeunes filles vivant dans les pays  en développement. Les jeunes filles restent fréquemment au foyer afin d’aider leur famille dans les tâches domestiques et l’éducation des enfants. Les longues distances à parcourir entre école et domicile multiplient les risques d’harcèlements et de violences et dissuadent par là-même les jeunes filles. En outre, lorsque les écoles ne sont pas pourvues en équipements sanitaires, l’hygiène et son absence peuvent représenter un véritable problème. Le fait que les jeunes filles aient souvent à faire face au sexisme et à la discrimination en milieu scolaire est un problème urgent que nul ne peut ignorer.

Les femmes ayant un meilleur accès à l’instruction montrent de plus grandes aptitudes à prendre des décisions au sein de leur famille, telle que celle d’envoyer leurs enfants à l’école, offrant aux garçons et filles les mêmes opportunités. Un égal accès à l’éducation est par ailleurs important à des niveaux supérieurs, mais la parité tend à s’estomper dans le secondaire et le tertiaire, tout particulièrement en Afrique subsaharienne. Ce qui signifie que les aspirations des femmes sont, du fait d’un système inéquitable,  passées sous silence sur l’ensemble du continent.

Bien que le premier des Objectifs du Millénaire, réduire l’extrême pauvreté et la faim, soit également lié à l’inégalité des genres, les cibles derrière cet Objectif ignorent en grande partie le genre en tant que facteur de changement. Les données fournies masquent les dynamiques relevant du genre dans la pauvreté, et cette prise de conscience doit être plus largement acceptée afin d’accélérer les progrès. Dans les pays où les femmes sont confrontées à des difficultés d’accès à la propriété foncière et aux ressources, on constate une plus importante malnutrition infantile et des niveaux élevés de pauvreté. Cette relation entre autonomisation des femmes et pauvreté a largement été ignorée dans les cibles des Objectifs du Millénaire pour le développement. Lors des préparatifs pour l’agenda de développement post-2015, cette erreur ne devra surtout pas être reproduite.

L’inégalité des genres est également présente dans le quatrième Objectif, qui traite de la santé de l’enfant. Les taux de mortalité infantile sont particulièrement élevés en Afrique subsaharienne et les cibles mentionnées dans l’Objectif sont une nouvelle fois traitées quantitativement, empêchant par là-même d’aborder efficacement les changements d’attitude nécessaires à l’accomplissement de cet objectif. Dès lors que les femmes au foyer ne disposent pas des informations nécessaires, le bien-être de leurs enfants peut en pâtir. En plus de l’autonomisation des femmes au foyer, il est essentiel de sensibiliser les hommes à la santé et au bien-être de leurs enfants. Le confinement dans les rôles traditionnels a des répercussions négatives sur tous, la femme tout autant que l’homme. Dans les pays affichant des taux de mortalité infantile élevés, il est nécessaire de bousculer les idées désuètes afin de participer à la réalisation des Objectifs du Millénaire.

La réalisation de ces derniers à l’orée 2015 paraît de moins en moins probable, du fait notamment que les cibles et indicateurs ne prennent en compte ni la complexité des dynamiques de genre, ni les constructions sociales et la manière dont ces points sont étroitement liés au développement global. Les comportements vis-à-vis des rôles traditionnels chez l’homme et la femme doivent impérativement être abordés par les gouvernements et les institutions. C’est en effet la condition sine qua non afin de dépasser des cibles restreintes concernant la parité et de contribuer à l’avancée vers une véritable égalité, avec tous les bénéfices que celle-ci est en mesure d’apporter.

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*