Alors que la 8ème édition eLearning Africa touchait à sa fin le vendredi soir, les délégués se sont retrouvés une dernière fois pour un événement animé, synonyme d’intelligence, de finesse d’esprit et de gymnastique intellectuelle, pendant que les experts se mesuraient les uns aux autres lors du débat eLearning Africa.
Par Alicia Mitchell
La motion provocatrice du débat de cette année fut la suivante : « Cette assemblée pense que la durabilité est plus importante que l’innovation pour l’éducation en Afrique » et, pour lancer les premiers coups en faveur de cette déclaration, le Dr Maggy Beukes-Amiss, Chef de département et maître de conférence du département des études sur l’information et la communication de l’Université de Namibie et Donald Clark, un bloggeur et écrivain décapant venu du Royaume-Uni. Face à eux, l’opposition était constituée du Dr Adele Botha, chercheur en chef au CSIR Meraka et Angelo Gitonga, Vice-Président de l’unité TIC pour l’éducation du Ministère kenyan de l’éducation.
Depuis ses débuts en 2009, plus de 4000 personnes ont participé aux débats annuels eLearning Africa. Cette année, chaque intervenant a eu l’opportunité de prendre la parole et d’exposer, de manière persuasive, à défaut de toujours être sincères, ses arguments sous l’œil attentif du Ministre adjoint de l’éducation namibien, Silvia Makgone et le Dr Harold Elletson, initiateur et ancien Président de la série de débats eLearning Africa. Dans la bonne humeur générale de l’événement, de très sérieux arguments ont été présentés par les deux camps et le public a eu droit à une large gamme d’opinions sur cette déclaration, qui ont reflété les différentes discussions et présentations qui se sont déroulées pendant la conférence.
Prenant la main, Donald Clark a ouvert le feu, en comparant l’innovation à un moustique « ennuyant et passager », tout en choisissant une tortue beaucoup plus agréable et détendue comme représentant la durabilité. Malgré quelques huées qui semblaient émaner des opposants, Clark a continué, en soulignant les incohérences de certains arguments largement salués de l’innovation. Il a ensuite mis en lumière les dangers des coûts élevés et du faible retour sur investissement, du moins pour les bénéficiaires cibles, qui peuvent souvent entacher de tels projets aguicheurs.
Imperturbable lors de sa prestation, Angelo Gitonga est monté sur scène et s’est assuré de ne laisser aucun doute dans l’esprit du public quant à la réelle signification de l’innovation. « Les innovations sont des processus que nous entreprenons pour résoudre des problèmes rencontrés dans le quotidien », a-t-il déclaré, ajoutant que « les innovations ne sont pas des inventions ». La technologie en elle-même n’est pas une innovation comme l’a expliqué Gitonga. Prenant le micro comme exemple clé de sa démonstration, il a expliqué que ce dernier est une invention mais que l’utiliser pour être entendu par un vaste public dans un vaste espace, était une véritable innovation.
Le troisième intervenant à monter sur la scène fut Maggy Beukes-Amiss, qui a refusé de diluer l’argument de la durabilité, se comparant avec son équipier à un whisky single malt qu’il faut savoir savourer seul, sans le mélanger.
Enfin le dernier expert à relever le défi fut Adele Botha, qui décida de descendre de la scène pour venir se mêler au public et les encourager à la soutenir dans une attaque contre l’équipe adverse. Suscitant l’enthousiasme général, Botha a parlé au nom de ses concitoyens africains et de leur penchant inhérent pour l’innovation, déclarant à la foule : « On nait innovateur, on ne le devient pas ! » Elle a continué en insistant sur le fait que l’innovation se ferait « à notre façon : par les Africains, pour les Africains » et de conclure par le coup de grâce en informant aimablement Clark et Beukes-Amiss, que lorsqu’elle et ses concitoyens auront développé les meilleures pratiques pour l’Afrique, ils partageront ces connaissances avec eux, « une fois la chose faite ».
Les présentations furent suivies par une séance de questions en faveur et contre la déclaration, questions parfois sérieuses et parfois légères. Enfin, les deux Présidents ont annoncé l’heure du vote et annoncé les vainqueurs. Bien que le résultat du vote se soit avéré serré, le parlement n’a pas réussi à faire adopter sa motion et le moustique de l’innovation a terminé la course devant la tortue de la durabilité.