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Laila Macharia, oratrice principale : libérer le potentiel humain de l’Afrique grâce à l’éducation et à la technologie

« Vas-y, obtiens ton diplôme et reviens. »  C’est la consigne figurant sur le formulaire de demande d’admission aux études supérieures rempli au nom de Laila Macharia, alors qu’elle avait tout juste 18 ans. « Il m’avait été notifié que je quitterai le pays dans quelques semaines », a indiqué la femme d’affaires d’origine kenyane.

« Aînée de deux premiers-nés », ses parents avaient un sens poussé de l’édification de la nation, au même titre que la génération ayant assumé cette responsabilité à l’aube de l’indépendance du Kenya. Le père de Macharia avait été le premier directeur du département de l’Éducation des adultes au Kenya et sa mère, la première directrice des opérations de change à la Banque centrale. « Ils nous ont inculqué cette idée réelle que l’Afrique pourrait être grandiose, à condition que nous jouions tous notre partition, indépendamment de nos professions. La démarche n’était pas si « activiste », mais prônait l’excellence et l’intégrité comme moyens de faire évoluer le continent ».

Arrivée à l’Université de l’Oregon, Macharia a vite réalisé que son intérêt pour l’informatique n’était pas le meilleur choix, et entrepris une réorientation en planification et politiques publiques. Au moment d’envisager des études de second cycle, elle a opté pour la Cornell Law School, non pas pour devenir avocate plaidante, mais pour consolider sa formation en politiques publiques. « J’étais mue par la volonté d’aider mes semblables. J’ai toujours eu cet objectif à l’égard du développement de l’Afrique », dit-elle, se remémorant la philosophie de son père axée sur le « retour ». 

Aujourd’hui, celle qui se considère comme entrepreneure en série s’attèle à décupler le potentiel humain et à fournir aux gens des outils d’autodétermination. Macharia réalise une grande partie de ce travail grâce à l’investissement providentiel. C’est ainsi qu’elle lance l’Africa Digital Media Institute (ADMI), une institution de formation aux médias créatifs et aux technologies basée à Nairobi. « Le fondateur m’a invitée à intégrer l’équipe et nous nous appelons désormais cofondateurs. » « Comment donner des options aux Africains ? Je pense désormais contribuer à créer de la richesse dans les ménages. À cet égard, je peux faire montre de tant de liberté et de créativité. »

En se concentrant sur les questions de compétences et d’investissement, Macharia a apporté des contributions significatives à cet idéal d’autodétermination. En une décennie d’existence, le bilan officiel de l’ADMI fait état de 3 500 étudiants inscrits et diplômés, et de 10 000 à 15 000 vies supplémentaires touchées. « Au Kenya, d’après les statistiques, les diplômés recherchent du travail en moyenne pendant cinq ans avant de pouvoir vraiment décrocher un premier emploi. Grâce à l’ADMI, plus de 60 % ont un emploi le jour de l’obtention de leur diplôme et six mois plus tard, plus de 90 % ont un emploi rémunéré. Environ 71 % disent avoir trouvé un premier emploi grâce à notre communauté ; en effet, nous créons des emplois et assurons en outre une mise en relation. »

Dans l’optique d’assurer un « héritage générationnel », Macharia relève que doter les gens d’« une compétence pratique, très étroitement liée au marché » et sortir des familles de la pauvreté nécessite une approche délibérée. Elle est la première à admettre qu’une telle mission n’est pas facile. « Nous avons effectué de nombreuses recherches en ligne, mais avons également discuté avec de nombreuses personnes. Pourquoi tous les PDG déclarent-ils peiner à trouver des talents, tandis que tous ces jeunes disent ne pas pouvoir trouver un emploi ? Quel est donc le problème ? » La conclusion : une « inadéquation des compétences ».

« Les jeunes doivent avoir des compétences numériques, non pas une maîtrise de WhatsApp ou TikTok, mais des compétences numériques applicables à un emploi. Ils ont besoin d’une formation pratique, et non pas théorique. Mais leur plus grande préoccupation est liée aux compétences non techniques, à savoir leur personnalité ».

L’Initiative pour l’Afrique de l’Institut Aspen est une autre plateforme où Macharia peut contribuer à libérer le potentiel humain et à forger la personnalité. En tant que directrice fondatrice et présidente, Macharia pilote des initiatives visant à donner à certains des dirigeants les plus influents du continent un espace de réflexion et d’innovation. « Nous souhaitons aider les dirigeants à s’évaluer davantage, à acquérir une culture de l’introspection et à devenir plus critiques. »

L’Institut cible certains groupes dits conventionnels, car visant la formation dédiée aux secteurs jugés transformateurs pour l’Afrique, comme le changement climatique. L’intérêt est également porté sur des groupes non conventionnels, à l’instar d’influenceurs en ligne et d’athlètes, à qui deux bourses à venir seront destinées respectivement. « Il s’agit de personnes dont les propos sont parfois perçus comme vérités d’évangile, mais qui ne se voient pas comme des leaders au même titre qu’un président. Nous essayons donc de travailler avec eux pour les aider à penser de manière plus critique et à mieux réfléchir à leurs parcours. Il existe de nombreuses initiatives se concentrant sur les leaders de demain, mais nous postulons que les leaders d’aujourd’hui, jusqu’au président, ont vraiment besoin de conseils et de réconfort. »

« Tout le monde dit que l’Occident ne dispose pas d’une main-d’œuvre suffisante, tandis que l’Afrique n’a pas assez d’emplois. Alors, quelles actions collectives pouvons-nous engager, de concert avec des décideurs, des entreprises privées et des éducateurs ?  Le projet phare de l’initiative pour l’Afrique de l’Institut Aspen vise à résoudre ce problème. Que devons-nous faire pour préparer l’Afrique ? »

La solution réside en partie dans l’instauration de la confiance. Macharia cite le dernier rapport de l’Edelman Trust Barometer et fait observer que chaque année, les gens font plus confiance aux entreprises qu’aux médias et au gouvernement. Pourtant, cette année, pour la première fois, le public déclare ne pas savoir s’il fait confiance aux entreprises et cela est lié à cette histoire d’intelligence artificielle. « Nous ne sommes pas sûrs qu’ils la déploient de manière responsable. Nous ne savons pas s’ils essaient simplement de supprimer nos emplois. »

Trente pour cent des personnes interrogées dans le rapport Edelman adoptent l’intelligence artificielle, tandis que 35 % la rejettent. Partisane des technologies, Macharia dit être agnostique dans de nombreux cas, mais appelle à canaliser et à réglementer l’IA pour la rendre « accessible, pour qu’elle ne se contente pas d’exacerber les écarts existants ». 

Titulaire d’un doctorat en droit de la Stanford Law School, elle soutient que la réglementation technologique doit être « intégrée à tous les principes qui nous sont chers en tant qu’humains. La Déclaration universelle des droits de l’homme donne une idée de ce que nous pensons être important. Malgré tous ses défauts, nous voulons que nos enfants soient protégés. Je suis inquiète à l’idée que, si nous ne nous dépêchons pas, ces technologies laisseront chez le public un goût vraiment amer. Une fois que le sentiment anti-technologies se serait généralisé, il deviendrait beaucoup plus difficile de déployer des innovations qui profiteraient pourtant aux mêmes personnes qui les rejettent. »

Il n’est donc pas surprenant qu’en échangeant avec les acteurs de l’industrie, Macharia note plus de préoccupations liées à l’état d’esprit qu’aux compétences techniques : « Ils disent que la plus grande difficulté n’est pas liée aux aptitudes, mais plutôt aux attitudes. Il faut que les gens le comprennent. » Lors de la prochaine conférence eLearning Africa, Macharia se fera un plaisir d’aborder les moyens de combler cet écart. Le but étant d’« aider les gens à réduire leur détresse » en améliorant leurs compétences, mais aussi en les encadrant en matière de « résilience et de lutte contre la fragilité ».

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