Sur le terrain

Une source d’espoir ou comment « Kachile » crée des opportunités numériques en Côte d’Ivoire

 

 

Donner le goût d’entreprendre et de développer une économie durable et responsable, c’est l’ambition de Kachile, une jeune entreprise sociale créée en Côte d’Ivoire. Une gageure pour ce pays fragilisé, dans une période post-conflit, où la confiance est à reconstruire à de multiples niveaux. Kachile développe des projets pilotes pour exploiter tous les potentiels et veut utiliser les TIC comme un outil d’ouverture et de formation. L’entreprise s’est vivement distinguée lors du dernier concours photo de eLearning Africa. Nous nous sommes entretenus avec le créateur de Kachile, Ulf Richter, enseignant, chercheur et entrepreneur.

 

 

Par Christine Cayré
Ulf Richter est arrivé en Côte d’Ivoire à l’Université Internationale de Grand Bassam il y a deux ans pour enseigner la responsabilité et l’éthique des entreprises. Il a rencontré un pays encore déstabilisé, où la notion même d’entreprendre ou de développer un business se heurte à de nombreux freins. Les relations sont difficiles à établir avec les investisseurs, l’accès aux marchés compliqué et les institutions pas toujours opérantes. La formation est souvent insuffisante, l’énergie créatrice inhibée par un manque de confiance en l’avenir. Paradoxalement pour Ulf Richter, cette situation compliquée fait de la Côte d’Ivoire un pays de tous les possibles.

S’il manie bien les concepts – il est titulaire d’un doctorat en sciences économiques de l’Université de Lausanne, Suisse – le professeur dit aussi être quelqu’un de pragmatique. De l’enseignement au passage à l’acte il n’y avait qu’un pas et Kachile a vu le jour.

Kachile signifie « changement » dans la langue locale Baoulé

[callout title=e-commerce et artisanat local]Kachile a créé une plateforme de e-commerce pour l’art contemporain et l’artisanat traditionnel africain qui permette aux artistes d’être connectés avec le monde numérique. L’offre est rassemblée dans un catalogue : masques, batiks, peintures et autres sculptures, pour un commerce équitable version artistique. Le projet entend contribuer aux enjeux du développement durable et mettre en place une chaîne de valeur respectueuse des individus, de la culture locale et de l’environnement.[/callout]

Un nom éloquent pour une entreprise sociale qui se définit comme une créatrice d’opportunités, un incubateur de projets et un promoteur de la culture africaine. Vaste programme que son créateur a choisi de segmenter en trois axes majeurs. Le développement du commerce électronique comme une passerelle vers de nouveaux marchés pour l’artisanat de l’Afrique de l’Ouest ; la création d’une collection de vêtements destinée à l’Europe et aux Etats-Unis et enfin la mise en place de centres de formation aux nouvelles technologies qui s’appuient entre autre sur l’apprentissage à distance.

Il ne s’agissait pas de créer une nouvelle ONG. Selon Ulf Richter le fonctionnement de Kachile s’intègre dans une dynamique de marché, s’appuie sur une culture du résultat et veut s’éloigner des modèles de charité et de philanthropie pure. Le changement, c’est aussi cela. Une stratégie qui empêche Kachile de bénéficier de certains financements strictement réservés à des projets non commerciaux… Qu’à cela ne tienne, Ulf Richter investit parfois ses propres deniers. Il dit bien investir, pas donner.

Mais en attendant que d’autres investisseurs le rejoignent ou que les projets s’autofinancent, il s’entoure de volontaires pour instiller le mouvement. Ce sont des étudiants étrangers et autres passionnés par le développement de l’économie africaine. En ce moment à Grand Bassam, ils sont une quinzaine à porter les projets.

Transmettre des compétences grâce aux TIC

Si les projets de e commerce pour l’artisanat et la création d’une ligne de vêtements sont les porte-drapeaux de Kachile, son ambition repose plus largement sur le transfert de compétences et l’accompagnement des PME locales.

La population ivoirienne est jeune mais sa formation souvent incomplète et notamment en ce qui concerne les TIC. Selon Ulf Richter, les jeunes vont dans les cyber-cafés pour utiliser les réseaux sociaux, mais ils ne maîtrisent pas les outils informatiques. L’infrastructure est en place dans un certain nombre de villes, Kachile entend bien l’exploiter à travers de partenariats avec des cyber-cafés justement, mais aussi dans les lycées déjà équipés.

Projet pilote dans l’enseignement secondaire

Un projet pilote va démarrer dans un lycée à Grand Bassam : un test pour les investisseurs et bailleurs de fonds potentiels. Le temps de formation sera partagé entre les entrepreneurs et les étudiants Parmi ces derniers, Kachile veut identifier des jeunes qui pourront ensuite devenir eux-mêmes des vecteurs de l’apprentissage.

Le contenu des cours devrait être construit à partir de ceux que dispense déjà Ulf Richter et enrichi de l’apport de collègues universitaires du monde entier.

Des Universités comme celle de Plymouth en Angleterre sont également sur les rangs pour dispenser de la formation à distance. Les jeunes de 18 à 30 ans sont les destinataires de cet enseignement qui prendra en compte les besoins spécifiques d’une période post-conflit. Il est prévu que ces formations ou ces conseils soient payants, même pour des sommes modiques, gage selon Ulf Richter de sérieux et d’engagement. Démarrage du projet pilote à Grand Bassam prévu pour fin 2010.

[callout title=La Côte d’Ivoire]
… » est un pays jeune avec population en forte croissance, estimée à 20 millions de personnes (FMI, 2009). Le pays est le premier exportateur mondial de cacao, un 6 millions de personnes vivent directement du cacao (la Banque mondiale et la Société financière internationale, 2008). La Côte d’Ivoire, considérée autrefois comme le joyau de l’Afrique occidentale, a du mal à se relever après le coup d’État manqué de 2002 et le conflit qui s’en est suivi. Les premières élections post-conflit ont été reportées à plusieurs reprises et n’ont pas encore eu lieu. Le pays est confronté à d’énormes problèmes sociaux et environnementaux. Pour autant, il existe des raisons d’espérer : le pays est maintenant globalement pacifique, il vient de négocier un accord d’allégement de la dette avec le FMI, et a été relativement peu affecté par la crise financière mondiale. Les investisseurs étrangers reviennent peu à peu et la prise de conscience de la nécessité du changement augmente. «

In: Kachile – Concepts, Tools & Strategies for a Post-Conflict Environment par Ulf Richter[/callout]

 

www.kachile.com

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