Le 25 février 2011, l’UNICEF publiait son nouveau rapport phare : « L’Adolescence : l’âge de tous les possibles », qui suggère que les Technologies de l’Information et de la Communication peuvent aider les jeunes à ne pas « rester en marge de la mondialisation. » Ce même jour, des agitateurs égyptiens utilisaient les e-mails, Twitter et Facebook pour réunir des dizaines de milliers de jeunes manifestants sur la place Tahrir pour une manifestation synchronisée avec des drapeaux égyptiens et tunisiens. Le rapport de l’UNESCO démontre que l’Afrique du Nord souffre du taux de chômage des jeunes le plus élevé au monde. Mais il prédit également « vingt ans » d’opportunités pour les jeunes âgés actuellement de 10 à 19 ans dans les pays à bas revenus.
Ce rapport touche au thème central de la prochaine édition de la conférence eLearning Africa sur la Jeunesse, les Compétences et l’Employabilité ; Andrea Marshall décrit donc les principales conclusions des chercheurs sur l’Afrique, le eLearning et les TIC.
Les chercheurs de l’UNICEF ont confirmé que le chômage des jeunes était maintenant un phénomène mondial touchant les pays riches comme les pays pauvres.
Bien que les jeunes des pays industrialisés aient une vie plus facile que ceux des pays en développement, les deux groupes connaissent actuellement des difficultés à trouver du travail. En Grande-Bretagne, les statistiques du gouvernement ont révélé que 938 000 jeunes, soit 15,6 pour cent des 16-24 ans, n’avaient actuellement ni emploi, ni scolarisation, ni formation.
Tendances mondiales du chômage des jeunes
Un contingent de jeunes au chômage plus important que jamais
Le rapport de l’UNICEF indique qu’après une période de stabilisation au niveau mondial, les choses se sont dégradées : « La crise économique a créé le plus grand contingent de l’histoire de jeunes au chômage, estimé en 2009 à environ 81 millions dans le monde. »
Les auteurs décrivent le chômage et le sous-emploi comme « un gaspillage affligeant de l’énergie et des talents des jeunes, » et expliquent que pour des millions d’adolescents, la première expérience de travail génère désillusion et rejet et les enferme dans la pauvreté. Ce phénomène peut entraîner une fracture sociale et des protestations politiques.
Un déficit de compétences mondial
Outre le manque notoire d’opportunités d’emploi et les difficultés régionales et culturelles spécifiques, la lutte contre le chômage des jeunes se heurte également au déficit de compétences, que l’UNICEF considère comme un problème mondial.
Des millions de jeunes dans le monde entier ne disposent pas des compétences et du savoir de base, sans parler des compétences de haut niveau requises par les économies mondialisées. La meilleure fondation reste l’éducation de base, mais cette éducation doit également « apprendre aux étudiants à réfléchir et à résoudre les problèmes de façon créative, plutôt que leur transmettre simplement des connaissances. La formation technique et professionnelle doit également être améliorée. »
Selon le rapport, les compétences cruciales incluent les capacités de recherche, d’écriture, de communication, de pensée critique et de flexibilité.
Afrique subsaharienne : 38 % des adolescents hors du système scolaire
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« L’enseignement secondaire contribue à accroître la participation civique et à lutter contre la violence des jeunes, le harcèlement sexuel et la traite d’êtres humains. »
« Il se traduit par une série de bienfaits pour la santé à long terme, y compris un taux de mortalité infantile plus faible, des mariages à un âge plus avancé, une baisse de la violence familiale, des taux de fécondité moins élevés et une meilleure nutrition des enfants. »
« Il fonctionne en outre comme une défense à long terme contre le VIH et le SIDA et contribue à réduire la pauvreté et à favoriser l’autonomisation sociale. »
UNICEF, « L’adolescence – l’âge de tous les possibles »[/callout]
Selon l’UNICEF, l’éducation secondaire est essentielle pour l’autonomie, le développement et la protection des adolescents, bien que 70 millions d’entre eux ne soient pas actuellement scolarisés. Malgré des avancées majeures dans l’éducation primaire et secondaire, l’Afrique subsaharienne connaît toujours la pire des situation.
Selon un récent rapport de l’UNESCO sur « La crise cachée : les conflits armés et l’éducation, » au cours des dix dernières années, si la scolarisation dans le primaire a augmenté de près d’un tiers dans la région, en parallèle avecun accroissement important de la population en âge scolaire, elle reste quand même la plus faible du monde.
Au niveau secondaire, l’UNICEF indique que 38 pour cent des adolescents ne sont pas scolarisés. Là aussi, l’augmentation importante de la scolarisation depuis 1999 est mesure à l’aune de la croissance de la population en Afrique subsaharienne, ce qui signifie qu’aucun progrès réel n’a été accompli. De nombreux élèves actuellement inscrits n’achèvent pas un cursus scolaire complet. Les adolescentes prennent du retard, car la différence entre les sexes dans l’éducation secondaire est la plus forte en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud.
L’UNICEF met en lumière l’exemple positif du Ghana, où l’éducation de base dure maintenant 11 ans : deux ans d’école maternelle, six ans d’école primaire et trois ans de collège. Le Cameroun, le Kenya, le Lesotho, le Malawi, l’Ouganda, la Tanzanie et la Zambie sont félicités pour avoir aboli les frais d’inscription à l’école, ce qui a conduit à une augmentation spectaculaire de la scolarisation.
Des barrières différentes pour les filles et les garçons en Afrique
La scolarisation dans le secondaire en Afrique, en particulier au sud du Sahara, est limitée par la pauvreté, la localisation et le sexe. L’importance des coûts d’inscription, les longues distances à parcourir jusqu’à l’école, le manque de places dans les écoles et la nécessité de générer un revenu pour soutenir la famille constituent des barrières à l’éducation secondaire. La malnutrition et les problèmes de santé sont d’autres barrières, puisque des adolescents en mauvaise santé ne peuvent pas apprendre.
Dans les zones rurales, les filles ne peuvent pas aller à l’école car elles ont une forte charge de travail à la maison : cuisine, collecte du bois et de l’eau, soin des enfants. En Zambie, les filles doivent arrêter l’école pour s’occuper des membres de la famille malades.
Selon l’UNICEF, les filles sont également confrontées aux mariages adolescents (particulièrement au Tchad et au Niger), aux violences sexuelles et physiques, à l’exclusion ethnique ou sociale et aux grossesses adolescentes (fréquentes en Namibie). Des programmes de lutte contre les violences domestiques et les mutilations génitales féminines existent en Ouganda, au Sénégal et en Éthiopie.
Les garçons peuvent être contraints à la guerre en tant qu’enfants-soldats, ou au travail, le travail des enfants étant très répandu en Afrique subsaharienne. En Côte d’Ivoire, l’un des plus grands pays producteurs de cacao, les garçons sont durement exploités dans les plantations.
Pour l’UNICEF, « les adolescents accomplissant un nombre d’heures de travail excessif ou travaillant dans des conditions dangereuses sont peu susceptibles de terminer leurs études. » Les enfants handicapés ou ceux souffrant du VIH/SIDA sont fréquemment exclus de l’école.
La nécessité d’une éducation informelle et d’une plus grande responsabilisation
L’UNICEF reconnaît que l’amélioration de la scolarisation informelle offrira d’immenses avantages, et souligne l’importance de l’éducation flexible et informelle : « Les adolescents les plus vulnérables – par exemple, ceux qui connaissent la pauvreté, le VIH et le SIDA, l’utilisation de drogues, un handicap ou un désavantage ethnique – ont peu de chances de se reconnaître dans le programme « standard » de l’enseignement secondaire. »
Le rapport ne mentionne pas explicitement l’influence de l’entreprise privée sur le développement des compétences des adolescents, mais met en lumière plusieurs initiatives africaines pour l’amélioration des compétences professionnelles et de l’entreprenariat des jeunes. Par exemple, le projet libérien EPAG offre des formations à des activités rémunératrices, combinées à une assistance à la recherche d’emploi, et facilite le développement d’entreprises en lien avec le microcrédit pour les jeunes entrepreneuses.
La responsabilisation constitue un autre facteur essentiel du développement des jeunes. Le rapport indique que partout où les adolescents sont impliqués dans la prise de décision par les familles, les communautés et les sociétés, ils sortent de la passivité, développent des compétences et créent des connaissances plutôt que de seulement les recevoir.
« Les TIC peuvent accélérer l’acquisition de compétences et de connaissances »
Internet, le eLearning, les réseaux sociaux et les technologies associées peuvent jouer un rôle fondamental en accroissant la responsabilisation et en fournissant des formes plus flexibles d’éducation et de formation.
Le rapport de l’UNICEF reconnaît clairement que les TIC « offrent la possibilité de lever les barrières qui freinent l’éducation et l’alphabétisation, et donnent aux adolescents une clef pour accéder aux nombreux avantages de l’économie du savoir moderne, pour ne pas rester en marge de la mondialisation. »
Le rapport montre clairement qu’outre un accès de base à l’information, les jeunes ont besoin d’un niveau d’instruction suffisant pour identifier les informations partiales ou peu fiables et faire face aux problèmes de « sécurité numérique. »
Bien que le rapport souligne l’importance de la fracture numérique entre le monde industrialisé et les pays en développement, ainsi qu’entre riches et pauvres dans tous les pays, des éléments encourageants sont mentionnés.
Dans les bidonvilles du Cap en Afrique du Sud, des adolescents membres de gangs peuvent désormais changer leur vie à l’aide du chat mobile, de Facebook et des SMS. Le Portail sud-africain sur les drogues propose aujourd’hui aux jeunes un accès mobile 24 h/24 à des informations et de l’aide. À Kibera, dans Nairobi, le plus grand bidonville d’Afrique, des adolescents kenyans très pauvres procèdent à la localisation des risques et des vulnérabilités dans leur communauté à l’aide d’appareils de positionnement mondial (GPS).
Le temps est venu d’investir dans les compétences des jeunes
L’UNICEF explique que « le ralentissement des taux de fécondité dans le monde constitue une occasion démographique pour de nombreux pays en développement. En effet, un grand nombre de ces pays, notamment les pays à bas revenus, sont sur le point d’entrer dans une période – depuis longtemps révolue dans les pays industrialisés et même dans certains pays à revenus moyens – durant laquelle la baisse du taux de natalité et la population record de jeunes et d’adolescents se traduiront par une très forte proportion de la population active dans la population totale.
Une période d’au moins vingt ans s’annonce, qui offre un grand potentiel de développement économique, et de nombreux pays en développement sont sur le point d’y entrer. »
L’Afrique doit en profiter.
Lectures complémentaires
UNESCO (1er mars 2011), La crise cachée : les conflits armés et l’éducation www.unesco.org/new/fr/education/themes/leading-the-international-agenda/efareport/reports/2011-conflict
UNICEF (25 février 2011), La situation des enfants dans le monde 2011. L’adolescence : L’âge de tous les possibles. http://www.unicef.org/french/sowc2011
Education for All – Fast Track Initiative (8 mars 2011), Fast Tracking Girls’ Education. www.educationfasttrack.org/girls-education-report
Pearson, Lizz (4 mars 2011), Tanzanian girls risking rape for an education. BBC News Africa. www.bbc.co.uk/news/world-africa-12640342
Shepherd, Jessica (24 février 2011), Record number of young people not in education, work or training. The Guardian. (www.guardian.co.uk/education/2011/feb/24/young-people-neets-record-high)