Les femmes qui vendent des fruits, des produits d’artisanat, du lait ou des œufs ont un point commun : elles étaient jusqu’alors dans l’incapacité d’accéder à des marchés autres que celui de leur lieu de travail ou d’habitation.
Par Petra Zlatevska
Ces femmes sont au cœur de l’avenir du Kenya. Sur une population de 38 millions d’habitants, environ 17 millions de personnes vivent au niveau ou en dessous du seuil de pauvreté, principalement des femmes et des enfants. Au cours des deux dernières décennies, plusieurs initiatives ont été lancées en Afrique pour tenter de résoudre ce problème par le biais de l’autonomisation économique des femmes. Une de ces initiatives est le Fonds Uwezo au Kenya.
Partie intégrante du cadre de la Vision 2030 du gouvernement kenyan (un projet de charte destiné à améliorer la croissance économique en ligne avec les Objectifs du Millénaire pour le développement), le Fonds Uwezo a été appliqué dans les 290 districts du pays. Des subventions de 15 à 27 millions de KES, provenant du ministère de la Décentralisation, sont ainsi versées à des femmes, des jeunes et des handicapés pour promouvoir la création d’entreprise (produits ou services).
Uwezo a toutefois découvert que l’accès au financement n’est pas le principal problème de ces personnes. La raison pour laquelle les femmes n’osent pas créer leurs propres entreprises, c’est qu’elles ne savent pas comment utiliser les fonds et quoi faire avec. La Fondation Uwezo s’est donc associée avec l’institut kenyan chargé de l’élaboration des programmes éducatifs pour créer une plate-forme d’eLearning permettant aux bénéficiaires des fonds d’élaborer des business plans, de gérer leurs subventions et d’acquérir des compétences de base en gestion des entreprises.
« L’e-plateforme d’Uwezo est inspirée d’un programme d’e-formation que nous avions conçu pour les enseignants des écoles kenyanes dans le cadre d’un exercice de renforcement des capacités. Nous avions ainsi appris à quelques 250 000 enseignants à utiliser du matériel pédagogique en ligne pour enseigner les programmes de l’éducation nationale. Un des éléments clés de cette plate-forme d’eLearning est l’échange qui est mis en place entre les enseignants et leurs mentors à l’étranger, qui leur fournissent coaching et assistance. Nous avons eu l’idée d’appliquer cette expérience réussie aux femmes qui souhaitaient monter de petites entreprises », explique Esther Gacicio, directrice adjointe et spécialiste des programmes à l’institut kenyan chargé de l’élaboration des programmes éducatifs.
Les femmes kenyanes sont mises en relation avec des mentors commerciaux et financiers internationaux qui, par le biais de la plate-forme, leur apportent des conseils et de l’aide pour gérer leur entreprise, en abordant des questions telles que : comment faire la promotion de leur entreprise ? Comment prendre des décisions commerciales avisées ? Comment budgéter leurs revenus et minimiser les pertes ?
La plate-forme fonctionne sous la forme d’une communauté en ligne, au sein de laquelle les membres peuvent interagir, partager leurs expériences et apprendre les uns des autres, mais aussi comme un marché en ligne qui leur permet de vendre leurs produits. Outre les conseils économiques qu’elles reçoivent, les femmes acquièrent ainsi des compétences bancaires en ligne, « ce qui leur permettra de gérer leurs finances en toute indépendance une fois que leur entreprise sera sur pied », ajoute Esther Gacicio.
Les connaissances informatiques et leur corollaire, une connexion Internet fiable et suffisamment puissante, restent problématiques et empêchent souvent les utilisateurs d’exploiter tous les avantages de la plate-forme. « Les femmes bénéficient également d’une formation informatique qui leur enseigne des compétences simples, par exemple, comment écrire un e-mail, afin qu’elles puissent participer à des sessions de coaching par e-mail avec leurs mentors », ajoute Esther Gacicio.
Grâce à un partenariat avec Intel, environ 300 femmes ont déjà bénéficié d’une formation de base en informatique.
La plate-forme a également servi à évaluer la réussite et à assurer la gestion du Fonds Uwezo, un projet d’envergure nationale. « Ce portail est le premier de son genre en Afrique. Le ministère de la Décentralisation peut l’utiliser pour suivre les progrès réalisés par les programmes Uwezo, évaluer les éventuels problèmes rencontrés et apporter davantage de conseils d’un clic de souris », explique Esther Gacicio.
Cette initiative extrêmement moderne montre que l’innovation locale a le pouvoir de responsabiliser les femmes et les jeunes tout en réduisant le taux de chômage. Esther Gacicio viendra parler des enseignements tirés de l’e-plateforme Uwezo à l’occasion de la Conférence eLearning Africa, qui aura lieu du 20 au 22 mai 2015 à Addis-Abeba en Éthiopie.