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Création d’emplois et d’entreprises dans le secteur du numérique : une Ivoirienne montre la voie à suivre

Lorsque les historiens feront un retour en arrière sur notre époque et réfléchiront à ce moment crucial dans l’histoire où l’Afrique a fait face à la perspective alléchante, mais réaliste, de devenir ce que l’Union Africaine appelle « un continent transformé », c’est-à-dire un continent sur lequel la prospérité durable s’est enracinée, tandis que la malnutrition et la maladie ont été finalement éliminées, ces historiens pourront en conclure que trois facteurs en particulier ont conduit à ce succès économique : des efforts soutenus pour développer l’économie numérique, une détermination à accueillir l’innovation et un ensemble de mesures visant à soutenir les jeunes entrepreneurs qui se sont lancés dans les affaires.

Linda Nanan Vallée, Conseillère Principale en charge de l’innovation, des nouveaux emplois en TIC et du soutien aux startups au Ministère de la Communication, de l’Economie Numérique et de la Poste de Côte d’Ivoire.

Hormis les hauts dirigeants politiques, il est donné à très peu de personnes, en général, d’avoir la responsabilité de développer des politiques et des initiatives dans des domaines aussi critiques, mais l’Ivoirienne Linda Nanan Vallée est l’une de ces personnes.

Elle est la Conseillère Principale en charge de l’innovation, des nouveaux emplois en TIC et du soutien aux startups au Ministère de la Communication, de l’Economie Numérique et de la Poste de Côte d’Ivoire. Elle est également la Directrice Exécutive de la Fondation Jeunesse Numérique (FJN) créée par le Ministère pour accroitre la sensibilisation et financée par le Ministère ainsi qu’un consortium d’autres parties prenantes.

Linda est une personne très instruite qui a beaucoup voyagé. Elle travaillait dans le secteur privé en Grande Bretagne, en France et aux USA avant d’accepter cette position auprès du Ministère.

« J’ai travaillé pendant près d’une décennie dans différentes compagnies basées dans quatre pays sur trois continents : des équipementiers télécoms, des cabinets conseils, des opérateurs mobiles et des groupes bancaires. Les projets auxquels j’ai participé visaient à améliorer la qualité des services offerts (des solutions de sécurité pour des fournisseurs de services réseaux, l’assurance qualité de logiciels, la sécurité des guichets automatiques (GAB), une meilleure gestion des pare-feux) ainsi que le développement de nouvelles liaisons de raccordement et de services à valeur ajoutée. En 2015, lorsque je suis rentrée en Côte d’Ivoire, j’ai commencé à enseigner dans les écoles et universités privées et publiques. Puis, en 2016, le Ministère de l’Economie Numérique et de la Poste m’a interviewée. Suite à cela, je suis devenue la première femme à rejoindre l’équipe des conseillers principaux du Ministre, dans laquelle je suis responsable de l’innovation, de la formation, de la promotion de nouveaux emplois en TIC et de l’accompagnement des startups dans le secteur de la technologie. Je suis reconnaissante pour la richesse de mon expérience professionnelle. »

Dans son rôle au Ministère, l’attention de Linda s’est portée principalement sur l’accroissement de la sensibilisation, sur l’accès à de nouvelles opportunités d’éducation dans le domaine des TIC pour les jeunes, et sur la promotion au niveau international des startups innovantes et des ingénieurs en technologie de Côte d’Ivoire. Et sa démarche commence déjà à porter ses fruits. Lorsque Partech, la société de capital-risque basée à Paris, a annoncé l’année dernière le lancement d’un fond africain de 70 millions de dollars qui se focalisera sur les startups travaillant dans le domaine de la technologie et de l’économie numérique, Tidjane Deme, l’associé directeur, a mentionné la Côte d’Ivoire comme l’un des pays dans lequel ils cherchaient à investir. Le pays est certainement en train d’attirer l’attention au niveau international. L’année dernière, la startup studio sociale Janngo, basée en Côte d’Ivoire, a levé 1,18 millions de dollars afin de lancer de nouvelles solutions numériques pour les PMEs et d’ouvrir des bureaux à Paris et à Abidjan.

De telles opportunités, bien qu’importantes, ne représentent qu’une fraction de ce que Linda imagine être possible si les jeunes étaient exposés aux TIC à un âge précoce et s’ils étaient encouragés à croire en l’entrepreneuriat et en leur rôle potentiel de créateurs d’emplois plutôt que d’employés. La Fondation Jeunesse Numérique est devenue le centre d’intérêt principal du gouvernement ivoirien dans ses efforts pour accroître la sensibilisation et introduire les jeunes gens aux opportunités de l’économie numérique.

« Les missions principales de la fondation sont d’accroître la sensibilisation à l’entrepreneuriat dans le domaine du numérique, de détecter et de soutenir des projets innovants, et d’améliorer l’écosystème des startups dans le domaine de la technologie en Côte d’Ivoire », dit-elle.

« Depuis notre création, nous avons reçu plus de 1 400 demandes, incubé 260 projets et propulsé environ 50 startups du domaine de la technologie. Le 3ème appel à projets a été lancé en mai 2019… Ici, nous avons l’habitude de dire que “la Fondation transforme ceux qui recherchent un emploi en employeurs”, ce qui est extrêmement puissant, en particulier dans un contexte de chômage élevé parmi les jeunes. »

Parmi les startups que la FJN a identifiées et soutenues, la plupart emploient entre 3 et 6 personnes en moyenne mais certaines emploient maintenant des douzaines de personnes et l’une d’entre elle vient d’embaucher son 100ème employé l’année dernière. Certains des emplois créés sont de types traditionnels – Directeurs des Moyens Généraux ou comptables par exemple -, tandis que d’autres sont plus récents, tels que les gestionnaires de communauté, les analystes de données ou les experts en intelligence artificielle.

« Ces jeunes gens sont talentueux et méritent tellement d’être formés, conseillés, connectés, encadrés et soutenus avec des levées de fonds. Plusieurs de nos startuppers ont gagné des prix nationaux et internationaux, tels que le Prix National Ivoirien de l’Excellence et celui de la meilleure PME de jeunes en technologie du Forum de l’investissement en Afrique lancé par la Banque africaine de développement. »

La FJN offre une variété de services aux jeunes entrepreneurs, y compris un programme original « d’incubation et d’accélération » qui propose du coaching pendant les week-ends et met à disposition des espaces de travail. Il y a également l’opportunité d’être présenté à des partenaires, clients et investisseurs  potentiels, y compris des « investisseurs providentiels » et des sociétés de capital-risque.

« Le modèle même de la Fondation est original et motivant », dit Linda. « La FJN a plusieurs initiatives en cours, dont la Caravane Jeunesse Numérique qui parcourt tout le pays. Nous formons également des jeunes gens à l’entreprenariat, aux finances, au codage ainsi qu’à la robotique. En quelques mois, nous avons travaillé avec environ 2 500 jeunes dans 7 villes de la Côte d’Ivoire, sans compter Abidjan, la capitale économique dans laquelle la caravane arrivera d’ici la fin de 2019. Comme nouvelle initiative, nous travaillons également sur un catalogue de produits et de services offerts par nos startups afin de mieux les promouvoir. »

Linda est convaincue que le succès de la Fondation Jeunesse Numérique pourrait être répliqué dans d’autres pays africains, même s’il ne suffit pas de leur tendre simplement un ensemble uniforme d’instructions.

« Au lieu de donner des leçons, la Fondation est très ouverte à travailler avec tout partenaire afin de partager les bonnes pratiques. L’année dernière, le Ministère des TIC du Bénin a passé du temps avec nous ainsi qu’avec le Directeur de Cabinet Adjoint du Ministère de l’Economie Numérique, le Président du Conseil de la Fondation qui est le PDG du « pôle technique »  et de la zone de libre-échange appelé VITIB, nos startups et toute mon équipe. Ce fut un formidable moment d’échange d’idées et de planification d’actions communes pour le développement de l’Afrique par l’innovation. Le modèle même de la Fondation est original et inspirant. »

Son expérience l’a rendue optimiste concernant les perspectives pour la Côte d’Ivoire et pour l’Afrique toute entière.

« Je suis réaliste mais j’y crois », dit-elle. « Les choses vont énormément s’améliorer si des investissements conséquents sont faits pour atteindre les objectifs clés du soutien à l’entreprenariat numérique et de l’amélioration de l’aptitude à l’emploi par des formations adéquates. »

Elle est convaincue que des investissements dans le domaine des télécommunications sont cruciaux pour le développement. Ils sont aussi critiques pour assurer la diffusion des bénéfices de l’éducation et de la formation sur tout le continent de manière continue.

« Le domaine des télécoms est essentiel pour le développement de l’Afrique. Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, l’Economie numérique contribue pour près de 9% au PIB et le taux de pénétration des services mobiles a dépassé les 130%. En ce qui concerne l’éducation et la formation, plus il y aura d’infrastructures et de services numériques, plus il y aura d’accès à la connaissance dans le monde entier à travers les MOOC, les sites web et les logiciels appropriés. En Côte d’Ivoire, des avancées notables ont pu être réalisées au niveau du cadre juridique, du développement des infrastructures et des e-services, de la formation et du soutien à l’innovation. Cependant, il reste encore beaucoup à faire au niveau de l’accessibilité et du contenu local qui reste à développer. »

Un autre facteur clé de succès pour l’avenir est le développement de compétences recherchées par les employeurs d’aujourd’hui. Ce qui veut dire que les pays africains doivent se focaliser sur la capacité de la jeunesse à acquérir des compétences dites « non techniques », le savoir-être.

« Les compétences non techniques sont capitales pour l’aptitude à l’emploi, en particulier la capacité à communiquer, à s’organiser, à respecter les délais, à travailler en équipe, à s’« auto-enseigner » et à s’adapter. En outre, nos marchés de l’emploi souffrent d’un manque d’adéquation entre les programmes scolaires et les attentes des sociétés. La bonne nouvelle, c’est que nous sommes en train de travailler pour corriger ce problème. »

Linda Nanan Vallée sera une conférencière plénière lors de la conférence eLearning Africa cette année. La conférence sera accompagnée d’une exposition de produits innovants, de services et de formations, et se tiendra à Abidjan en Côte d’Ivoire du 23 au 25 octobre 2019. Pour plus d’informations ou pour réserver votre place, vous pouvez consulter le site web www.elearning-africa.com

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