L’Afrique ne cesse de changer. Depuis la dernière Conférence eLearning Africa en Namibie, en mai dernier, nous scrutons les nouveaux développements sur le continent ; et quels mois nous avons eu l’occasion de vivre ! L’Afrique semble plus dynamique que jamais, avec de nouveaux projets eLearning florissant un peu partout ! L’intérêt international porté à l’Afrique est également en pleine croissance ; les Obama se sont rendus au Sénégal, en Tanzanie et en Afrique du Sud fin juin, la première dame mettant tout particulièrement l’accent, dans ses discours, sur l’importance de l’éducation. La Chine et le Brésil deviennent en outre de plus en plus présents sur la scène africaine. Voici un petit tour d’horizon d’événements ayant eu lieu lors de la période où notre Newsletter n’est pas parue.
Par Alasdair MacKinnon
Innovation et changement
C’est certainement un moment particulièrement excitant pour l’eLearning en Afrique : connaissant la plus forte croissance mondiale dans le marché des technologies mobiles, le continent tire grandement profit de la connectivité et se concentre déjà sur l’avenir en créant de nouveaux projets et initiatives visant à améliorer l’éducation par le biais des supports technologiques.
Le Kenya, à la pointe de la révolution numérique en Afrique, a toujours été un foyer d’idées novatrices dans l’eLearning, mettant récemment en place 18 centres informatiques destinés aux écoles primaires ; le projet est certes encore modeste, mais il donne un aperçu des développements à venir.
Depuis avril, l’African Management Initiative a mis au point ce qu’elle annonce être le premier MOOC conçu par des Africains, pour des Africains. Ce développement est particulièrement important ; en effet, comme le souligne Donald Clark, conférencier à eLearning Africa 2013, l’Afrique doit tout à la fois être « productrice et consommatrice de MOOCs »
Il ne s’agit là que de quelques manifestations de l’optimisme croissant de nombreux pays africains. Au Zimbabwe, le bureau de la littérature a rouvert ses portes, promouvant les langues autochtones et la création de contenus panafricains. En Afrique du Sud, la province de Gauteng a annoncé un programme TIC de grande ampleur au profit de ses 2 200 écoles, leur fournissant Wi-Fi illimité et 88 000 tablettes.
L’infrastructure pose néanmoins toujours de graves problèmes dans l’éducation ; autant qu’auparavant et à différents niveaux. Il ne s’agit pas seulement de la connexion Internet au service de l’accès à l’éducation, il s’agit également de l’ouverture des frontières du commerce africain, de l’échange d’idées et du musèlement des divisions internes ; ces importantes thématiques seront traitées lors de la Conférence eLearning Africa 2014. Les projets de grande envergure tels que les lignes de chemins de fer Mombasa/Kigali et Niger/Côte d’Ivoire ne peuvent qu’avoir un effet bénéfique sur le développement.
Terrorisme et incertitudes
Malgré les immenses progrès dans l’éducation, des situations plus troublantes ont émergé au cours des derniers mois dans le Sahel. Cette bande de terres agricoles semi-aride est sous la menace constante de la sécheresse et de la désertification, elle est également devenue dans de nombreux endroits un bastion de l’extrémisme, illustré par l’apparition de groupes tels que les Al-Shabab en Somalie, Ansar Dine au Mali, et Boko Haram au Nigéria.
Boko Haram, dont le nom haoussa signifie «l’éducation occidentale est un péché », a commis de nombreuses atrocités contre des écoles et collèges au cours d’insurrections dans le nord du Nigéria. La tragédie la plus récente, fin septembre 2013, a vu l’assassinat de 50 étudiants alors que ces derniers dormaient dans un dortoir du Collège de l’Agriculture, dans la province de Yobe.
Les solutions à long terme aux problèmes liés au terrorisme dans le Sahel ont commencé à se concentrer sur la lutte contre la pauvreté et les pénuries alimentaires chroniques qui poussent certains jeunes à l’extrémisme religieux.
En août dernier, 187 étudiants, principalement des Somaliens basés dans les camps de réfugiés de Dadaab au Kenya, ont commencé à étudier sous l’égide du programme Borderless Higher Education for Refugees (BHER), programme visant à inciter les jeunes Somaliens à créer et saisir les opportunités proposées, pour eux-mêmes de même que pour d’autres réfugiés.
A travers l’ensemble du Sahel, le problème de l’insécurité est traité à un niveau bien plus fondamental ; la «Grande Muraille Verte», un projet de reboisement, aspire à planter des acacias du Sénégal jusqu’à Djibouti. Ce vaste programme a été imaginé dès les années 1980, lorsque Yacouba Sawadogo a commencé à enseigner ses techniques de reboisement à ses compatriotes burkinabés.
Critiques et défis
L’éducation en Afrique reste confrontée à de nombreux défis. En Afrique du Sud, un rapport publié en août dernier par le Conseil de l’Enseignement Supérieur a souligné l’inquiétante persistance des effets de l’apartheid : les étudiants blancs connaissent un taux de réussite finale supérieur de plus de 50 % supérieur à celui des élèves noirs.
L’enseignement a également essuyé les critiques fournies de l’ancien ministre des Affaires étrangères sous l’apartheid, Pik Botha, dont l’allégation non étayée selon laquelle l’éducation en Afrique du Sud est « la pire d’Afrique », a causé un certain émoi en septembre dernier. Bien que rejetée comme un simple coup politique d’où filtrait la frustration, cette remarque n’en a pas moins suscité un débat sur le système qui, à la vérité, nécessite de nombreuses améliorations et qui affiche constamment des taux d’alphabétisation et d’accès à l’enseignement bien inférieurs à ceux de pays tels que le Kenya ou le Swaziland qui consacrent pourtant un pourcentage beaucoup plus faible de leur budget à l’éducation.
Un passé turbulent peut laisser certaines cicatrices qu’il est difficile de soigner. L’ex-président du Liberia, Charles Taylor, a certes été condamné le 30 mai dernier pour crimes de guerre, mais le pays lui-même ne se remet que douloureusement de la guerre civile des années 90.
En août 2013, le ministre de l’éducation du Libéria s’est montré choqué à l’annonce faite que tous les postulants ayant demandé à être admis à l’Université du Libéria avaient été recalés à l’examen d’admission ; un signe patent de l’influence persistante de plus d’une décennie d’interruption de l’enseignement supérieur.
Dans le même temps, en Tunisie, les taux d’échecs scolaires ont augmenté de 30 % depuis la révolution. Une tendance inquiétante à laquelle le gouvernement a rapidement répondu.
Il s’agit là néanmoins de défis et critiques que les Africains peuvent surmonter. Au Mali, pays récemment sauvé de la guerre civile et de l’oppression extrémiste, le soutien international permet de reconstruire lentement le pays. Le Maroc a quant à lui signé un accord en vue de former 500 imams maliens dans l’optique d’endiguer le fondamentalisme propagé par les islamistes récemment expulsés.
En Libye, le gouvernement est allé à l’encontre de la volonté de nombreux citoyens en refusant de séparer hommes et femmes dans le système éducatif, mesure coûteuse qui aurait provoqué d’énormes dégâts dans ce pays d’Afrique du Nord où la plupart des enseignants sont des femmes et où l’argent manque pour aménager les établissements scolaires.
Et concernant d’autres nouvelles…
Les habitants du Burundi prétendent généralement qu’ils désirent avoir quatre enfants. Toutefois le manque d’éducation, les tabous inamovibles et les préjugés font que ce pays enclavé a aujourd’hui le septième taux mondial de natalité. Comment prodiguer des conseils sur le planning familial accessible à tous les Burundais ? Un groupe américain, la Segal Family Foundation, pense détenir la réponse : il s’invite sur les ondes et diffuse un feuilleton-radio plein de passions, de jalousies, de trahisons, le tout accompagné d’informations précises sur le VIH/Sida, la contraception et les maladies infantiles.