La Semaine de l’apprentissage mobile (MLW) 2013 qui a récemment eu lieu à l’UNESCO avait pour objectif de répondre à trois questions majeures : comment les technologies mobiles peuvent-elles contribuer à améliorer le niveau d’alphabétisation des enfants et des adultes ? Dans quelle mesure les technologies mobiles peuvent-elles soutenir les enseignants et favoriser leur développement professionnel afin de garantir la qualité de l’éducation de tous les étudiants ? De quelle manière les technologies mobiles peuvent-elles contribuer à l’égalité des sexes et offrir davantage d’opportunités aux filles et aux femmes ? Une série de séminaires en ligne furent mis en place en marge de la conférence principale qui se tint à Paris en Février afin de mettre en lumière les développements mondiaux du secteur de l’apprentissage mobile et proposer des réponses provisoires aux essentielles questions. Pour vous, le service presse d’eLearning Africa s’est connecté afin d’en apprendre davantage.
Par Alicia Mitchell
L’engouement pour l’apprentissage mobile s’accroît chaque année. Dans ses conclusions sur la Semaine de l’apprentissage mobile 2013, le Chef de la Section for Sector Policy, Advice and ICT de l’UNESCO, Francesc Pedro, annoncait que l’événement avait réuni trois fois plus de participants et cinq fois plus de pays que l’an passé. Pedro a cependant pris soin de ne pas surestimer ce progrès car on ne fait encore « qu’effleurer la surface de l’apprentissage mobile » : le potentiel qu’ont les technologies mobiles d’offrir une éducation de qualité à des millions de personnes reste, selon lui, « encore à réaliser ».
Proposant différentes idées pour parvenir à garantir le succès du mouvement, Niall Winters a présenté le nouveau rapport de son équipe intitulé L’Avenir de l’apprentissage mobile : les implications pour les décideurs politiques. Dans son séminaire en ligne, Winters explique qu’il y a quatre défis majeurs que les acteurs et les chercheurs du secteur de l’apprentissage mobile doivent relever dans les quinze prochaines années : le soutien et la formation des enseignants, les partenariats plurisectoriels, l’analyse de l’apprentissage et l’enseignement aux groupes marginalisés.
Winters définit le soutien des enseignants comme la « clé absolue » de tout progrès : s’assurer que les enseignants sont équipés de solides compétences pédagogiques pour les TIC est probablement l’aspect le plus important à retenir du rapport. Des partenariats solides et plurisectoriels entre chercheurs, développeurs, programmeurs, enseignants, décideurs politiques et autres acteurs du secteur contribueraient quant à eux, déclare-t-il, à éviter que des programmes d’apprentissage mobile émergent parallèlement plutôt qu’entièrement intégrés aux systèmes éducatifs déjà existants.
Concernant l’analyse de l’apprentissage, Winters précise que le lien entre cette dernière et la théorie est capital : l’innovation technologique serait nécessaire afin de mieux comprendre comment, quand et ce qu’apprennent les étudiants utilisant les technologies mobiles. Finalement, il mis en exergue la nécessité de promouvoir l’apprentissage mobile pour tous : le potentiel de soutien à l’enseignement des groupes marginalisés, incluant les femmes et les filles ainsi que les apprenants handicapés, ne doit en aucun cas être négligé.
Bien qu’aujourd’hui le recours à l’apprentissage mobile est toujours entravé par les réticences et le manque de mises à jour, Winters explique que, si l’on parvient à travailler sur ces quatre points sérieusement, d’ici à quinze ans le terme « technologie mobile » lui-même se fondra entièrement et uniformément dans le paysage plus large de l’eLearning.
Au cours de leur séminaire en ligne présentant leurs recherches et projets de base dans le monde entier, Diane Boulay et Leila Dal Santo ont pu mettre en lumière les bénéfices promus par l’emploi d’appareils à faible technicité dans des projets innovants focalisés sur l’utilisateur pour le secteur de l’apprentissage mobile dans les pays en développement.
Diane Boulay est à la tête du projet de l’UNESCO « Développer l’alphabétisation de base par les téléphones portables – Renforcer le pouvoir d’action des femmes et des filles », qui recueille les données d’études sur le renforcement des compétences et la responsabilisation des filles et des femmes grâce à l’alphabétisation, l’apprentissage et le développement des compétences vitales dans tous les pays en développement. Parallèlement aux enjeux de durabilité des programmes, Boulay rappelait que des options high-tech comme les Smartphones peuvent complexifier la situation là où la simplicité peut au contraire fournir de meilleurs résultats.
Boulay s’est appuyé sur un projet cambodgien pour lequel Oxfam offrait aux femmes responsables de la communauté des téléphones portables qui leur permettaient d’être connectées et d’avoir accès à des informations vitales. En réponse aux craintes que les hommes se réapproprient les téléphones, Oxfam faisait en sorte que le fournisseur de téléphonie leur procure des combinés rose vif. Boulay explique qu’au sein de la société patriarcale du Cambodge, ce geste était une façon très simple d’affirmer la propriété des femmes en évitant toute confrontation.
Au sein des résultats présentés par Boulay, il apparaît clairement que, bien que les téléphones portables jouent un rôle central dans tous les projets, le succès dépend davantage d’une approche mesurée prenant en compte les étapes vitales de préparation de la recherche ainsi que leurs effets durables. Elle cite par exemple les programmes de formation des enseignants organisés avant la réception des appareils (Programmes de formation par téléphonie mobile, Pakistan) et la création de comités d’encadrement pour assurer que les programmes perdurent après que les pilotes initiaux soient menés à terme (Initiative Jokko, Sénégal).
Dans son séminaire en ligne sur l’Initiative Dab Iyo Dahab (DIDI), Leila Dal Santo de Souktel, présentait solution à faible technicité élaborée pour les jeunes de régions somaliennes. Faisant usage de cours audio préenregistrés et d’un service d’appel gratuit automatisé, DIDI est parvenue à enseigner les bases de la finance à de jeunes somaliens sans formation. Le système développé par Souktel permet aux étudiants d’interagir avec le contenu, de répondre à des questionnaires en s’aidant du clavier numérique mais aussi de stocker les résultats au centre de contrôle.
Dal Santo précise que DIDI a nécessité une infrastructure absolument minimale. La seule chose requise était des téléphones portables basiques, partagés entre des classes d’une vingtaine d’élèves. Le contenu fut fourni par EDC, qui donna ensuite les droits de licence à des ONG locales, une fois le projet pilote abouti. Les téléphones portables furent également prêtés aux autres jeunes de la communauté, élargissant l’impact du projet bien au-delà des 500 étudiants qui complétaient le programme pilote.
Tout comme Niall Winters, Dal Santo conclut en soulignant la nécessité d’une coopération efficace entre les réseaux mobiles, les décideurs politiques et les secteurs privés mais aussi publics. Cela semble en effet essentiel pour le succès futur de projets similaires.
Ainsi, il apparaît que l’obstacle principal à l’apprentissage mobile n’est pas la technologie elle-même. Des projets tels que DIDI et Pink Phone Initiative utilisent des outils qui existent depuis des années : des téléphones portables classiques avec lesquels on peut simplement appeler et écrire. Le changement doit se produire grâce aux idées, à l’imagination et à l’enthousiasme de figures tels que Winters, Boulay et Dal Santo afin qu’une évolution positive puisse être le résultat de programmes d’apprentissage mobile adaptés et efficaces.
Lectures additionnelles :
- Principes de l’apprentissage mobile
http://unesdoc.unesco.org/images/0021/002196/219641E.pdf
- Rapport UNESCO MLW 2013
http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/ED/ICT/pdf/MLW_Report.pdf