Ces réseaux de geeks – experts IT pas cinglés du tout (1) qui construisent, partagent, instruisent et innovent – leur objectif : polliniser le continent en savoirs numériques (2) – sans forcément attendre que les ressources des grands projets gouvernementaux et/ou autres organisations internationales soient disponibles!
Par Philippe Royer
Le continent africain est en effervescence constante en matière de développement numérique et de projets innovants – Bien sûr, il y a d’énormes chantiers en marche pour combler les fossés et atteindre les objectifs du millénaire, ceci en développant les capacités du continent – surtout en matière d’éducation, de développement d’infrastructures et de transfert de technologies.
Mais peut-être plus, ou autrement, que sur les autres continents – face aux enjeux sociaux et à l’urgence, on a ici su mettre en valeur – à partir d´initiatives « ouvertes » – les avantages offerts par les media sociaux et les nouvelles pratiques collaboratives engendrées par le web 2.0 et la fulgurante avancée des applications en téléphonie mobile. Il faut ajouter à ceci, l’influence d´une diaspora engagée, transculturelle, multilingue, aux excellentes compétences high-tech, et très active au sein des entreprises IT du village globale (l’exemple de Coders4Africa) (3), puis une nouvelle prise de conscience de la position géopolitique multipolaire des pays africains (cf. l’expérience culturelle de l’équipe d’Akirachic au Kenya) (4)
Même pas en retard, bien au contraire.
Les barcamps en Afrique, sources de projets collaboratifs et innovants – espaces d’émergence de nouveaux hubs et Living Labs.
Pratiquement en même temps que sur les autres continents, des barcamps ont été régulièrement organisés, dès 2007 dans différents pays africains (Kenya, Zimbadwe, Tanzanie, Cameroun, Ghana, Ethiopie, Nigéria, Sénégal, Ouganda, Bénin, Tunisie, Mali, Afrique du Sud, etc.) et la tendance actuelle est toujours à la croissance !
En rappel, un Barcamp (Bar = beyond All Recognition) est pas une conférence normale ; ce n’est – en principe – pas organisé et géré par une institution ou une entreprise, mais par une communauté ouverte et informelle de personnes ayant les mêmes intérêts. Le programme n’est pas préétabli ; toute proposition d’intervention est planifiée et coordonnée sur un wiki ou sur d’autres outils en ligne. Chacun peut y donner ses idées, mais s’engage à un titre ou à un autre à participer activement à l’événement. L’objectif est avant tout de partager des projets et si possible, de produire quelque chose ensemble : des spécifications, un meilleur projet, des perspectives de partenariat, des capacités de financement, du code…c’est aussi un moment convivial d’échange sur le principe « pas de spectateur », « tous participants » ! (5)
Les thèmes se diversifient de plus en plus comme les formats des événements qui y prennent racines en rhizomes. Ainsi, on a par exemple des barcamps dédiés aux TICE, à la santé, au e-commerce ou encore souvent aux pratiques innovantes au sein des media sociaux. (6) (7)
Les barcamps donnent naissance dans la durée à de nombreux projets collaboratifs (cf. Jokkolabs) (8), font surgir d’autres formats de rencontres ou de compétitions technologiques (Kidcodecamp/ Akirachic au Kenya) (4), ou de living labs (co-creation hub Nigeria) (9). Si le coût d’organisation d’un barcamp peut être très peu élevé, il y est fait souvent appel aux dons sous forme de crowdfunding – Des grandes entreprises du numérique, de la téléphonie mobile et des réseaux sociaux ainsi que des fondations et institutions internationales d’aide au développement y apportent de plus en plus un soutien conséquent, car ce sont là de merveilleux endroits pour y faire de la veille aussi bien vers les projets émergeants qu’en ressources humaines. (10)
Des lieux d´innovation et de pollinisation numérique.
Les hubs geeks se multiplient sur l’ensemble du continent africain, surtout sur ses pourtours, là où les infrastructures TIC sont en plein développement – Essaimages (spin-off) de centres techniques universitaires ou d’e-communautés, souvent initiés par des agents libres, ils sont autant de lieux où se rencontrent pour innover et se former différentes parties prenantes, facilitatrices de développement d’écosystèmes numériques. Qui sont-ils, qui s´y rencontre ? Autour des Geeks et des créatifs, des universitaires et des chercheurs, des inventeurs, il y a les investisseurs, les agences publiques pour le développement de l’innovation, les grandes compagnies TIC, des formateurs et des coachs, enfin de l’espace pour créer l’événement et la communication.
BongoHive(11), basé à Lusaka en Zambie se veut une plateforme de rencontre de la communauté etech, un lieu de partage d’expériences, de formation, de réseautage et producteur d’hackathon. BongoHive a lancé, en crowdsourcing, une remarquable initiative de géolocalisation des différents Hubs sur le continent, qui nous donne une bonne représentation du dynamisme des geeks africains. On peut ainsi déjà y identifier et prendre contact avec quelques 91 hubs toutes catégories, 73 hubs TIC, 63 incubateurs d’affaires, 13 Labs universitaires et 18 Hacklabs. (12)
Coders4Africa (3)
Des geeks de la diaspora africaine s’engagent pour la formation informatique des jeunes du pays !
Ils sont cinq programmateurs formés et travaillant pour la plupart d’entre eux aux USA pour des majors de l´informatique. Leur objectif : former des développeurs de logiciels africains pour assurer le futur numérique du continent. Après de nombreuses années d’engagement informel, ils ont créé l’association et le site Coders4Africa. Leur ambition : former 1000 programmeurs d’ici 2016 afin que l’Afrique crée son propre « écosystème informatique » – Ils recrutent et sélectionnent des jeunes au Sénégal, au Mali, au Ghana et même au Kenya. Pour l’instant, l’association ne fonctionne que sur fonds propres, mais la démarche de recherche de soutien financier semble être en bonne voie et des partenaires comme Oracle ou Microsoft sont déjà de la partie. La philosophie des initiateurs n’est pas d’attendre que les ressources soient disponibles, mais d´utiliser leurs compétences et leurs réseaux, d’agir pour les acquérir en gardant le cap sur l’objectif de formation.
Akirachix – les nanas (chick) geeks de Nairobi sont en première ligne. (4)
À l’iHub de Nairobi, une pépinière d’initiatives et d’innovations qui irradie une bonne partie de l’Afrique, Akirachix est un groupe de geeks kenyans qui entend démontrer que les technologies ne sont pas le territoire des seuls hommes. Leur initiative est de fédérer un réseau de développeuses et d’actrices du numérique autour d’un hub d’entreprises et de projets informatiques et d’applications mobiles… elles sont déjà plus de 200 à s’être fédérées dans un monde professionnel dominé à 85 % par les hommes. Elles vont donc bien en amont et préparent déjà l´avenir numérique en initiant les petites filles aux outils numériques, en organisant des camps de programmation d’une ou deux semaines (Akirachix Kids Kode Camp) où de jeunes adolescentes de 13 ans apprennent à créer par exemple leur propre site ou à mieux pratiquer les outils numériques.
Ce que nous constatons, c’est que les initiatives libres d´échanges de savoirs et de formation augmentent considérablement le potentiel de développement des capacités numériques en Afrique – que ces écosystèmes numériques doivent être autant d’espaces physiques que virtuels. Nous n’avons choisi que quelques exemples pour illustrer ce billet, mais en surfant sur les différents sites et hubs, que nous vous proposons, c’est une moisson d’informations et de suggestions de coopération que vous allez pouvoir utiliser comme un carrefour des possibles en Afrique.
1) http://fr.wikipedia.org/wiki/Geek
2) http://www.thanh-nghiem.fr/tiki-index.php?page=des+abeilles+et+des+hommes
3) http://www.coders4africa.org/
5) http://fr.wikipedia.org/wiki/BarCamp
6) http://www.thenexties.com/barcamp-carrefour-numerice-a-kenitra-5683-20121224
7) http://www.oafrica.com/web/barcamp-benin-brings-together-tech-minds-in-cotonou/
10) http://www.orange.com/fr/innovation
12) https://africahubs.crowdmap.com/