Le Rwanda a rejoint le programme One Laptop per Child (Un Ordinateur Portable par Enfant – OLPC) en Janvier 2007. Richard Niyonkuru a été nommé par le Ministère de l’Education pour coordonner le déploiement du programme. Nous l’avons joint pour lui demander où en est le projet, comment les enfants et les enseignants accueillent l’arrivée des ordinateurs. Richard Nyonkuru nous a parlé des défis qui restent à relever pour faire un succès de ce programme mais aussi de l’engouement des élèves et de l’engagement des enseignants. L’interview fut menée par Christine Cayre; reporter pour eLA en Afrique du Sud.
eLA: Quels sont les facteurs déterminants qui ont décidé le Rwanda à adopter le projet OLPC ?
Richard Niyonkuru: Nous avons trouvé qu’OLPC s’intégrait parfaitement dans notre vision de développement pour le Rwanda. Nous avons appelé «Vision 2020» notre ambition, à l’objectif 2020, de faire accéder notre pays à une économie à revenus moyen, de transformer notre société et notre économie en une société et une économie du savoir et de la connaissance par l’utilisation des TIC. Nous sommes convaincus que l’éducation est à la base de ce processus de transformation de notre société.
eLA: Quels sont vos principaux partenaires ?
Richard Niyonkuru: Pour le moment, c’est un projet à 100 pour cent piloté et financé par le gouvernement du Rwanda. Dans un premier temps, nous avons bénéficié d’une donation de 10 000 ordinateurs dans le cadre du programme G1G1 (Get one Give one) de la part de OLPC. Le gouvernement s’est également engagé à grande échelle et a commandé 50000 ordinateurs pour 2009. D’ici à 2020, nous avons l’ambition d’équiper tous les élèves scolarisés en classes primaires, c’est-à-dire qui ont entre 6 et 12 ans, ce qui représente 2200000 enfants. Cela se fera par paliers successifs. Le projet est basé au Ministère de l’Education mais nous travaillons avec le Ministère de l’Infrastructure notamment pour ce qui concerne l’électrification des écoles dans les régions et avec le Ministère à la Présidence de la République chargé de la Science, de la Technologie et de la recherche.
eLA: Que s’est-il passé depuis l’annonce de cette décision en Janvier 2007, quelles étapes avez-vous franchies ?
Richard Niyonkuru: Au mois de Novembre 2007, nous avons fait un essai pilote a petit échelle de 107 OLPC dans une école de la Province de l’Est. Nous avons testé la version B2 et B4 dans l’école Primaire de Rwamagana B ou seulement les élèves de la 5ème année ont eu a utiliser ces ordinateurs portables. Au courant de l’année 2008, le Ministère de l’Education a mis en place un comité de pilotage du projet.
Au mois de Juillet, nous avons reçu 5000 ordinateurs et nous les avons affectés à trois écoles primaires après avoir formé tous les enseignants de ces écoles. Nous avons retenu ces établissements parce qu’ils étaient démunis mais toutefois équipés de l’électricité. Il s’agit des écoles de Rwamagana, Kagugu et Nonko.
eLA: Comment les ordinateurs ont-ils été accueillis?
Richard Niyonkuru: Comme vous pouvez l’imaginer, avec un grand enthousiasme! Les élèves dansaient, c’était la fête! Aujourd’hui nous recevons des appels des parents qui veulent que leurs enfants bénéficient de ces ordinateurs portables. Il y en a même, les plus fortunés, qui demandent à acheter eux-mêmes ces ordinateurs pour leurs enfants. Ces ordinateurs portables ont eu vraiment un accueil très encourageant dans notre pays.
eLA: Quelles sont vos premières impressions quant au matériel?
Richard Niyonkuru: Quand nous avions testé le matériel dans sa version B2 et B4, nous avons expérimenté des problèmes techniques et des pannes. Nous en avons fait part à OLPC. Les ordinateurs que nous venons de recevoir sont une nouvelle version, MP, et ces problèmes semblent avoir été corrigés. Pour le moment les premiers retours sont bons mais la courbe d’expérience est encore jeune. En ce qui concerne la capacité de stockage des ordinateurs, nous savons qu’elle est faible et que les écoles devront à terme être équipées de serveurs ou de plate-formes Internet où les élèves pourront se connecter pour accéder à plus de contenu.
eLA: Et en ce qui concerne le logiciel?
Richard Niyonkuru: Pour le moment, nous sommes satisfaits de ce qui est proposé en standard sur les ordinateurs (Système d’exploitation Linux et Open source). En parallèle, nous évaluons des contenus éducatifs existants à l’étranger (Afrique du Sud, Angleterre et Inde) afin de trouver puis d’adapter les solutions qui conviendront le mieux aux programmes pédagogiques du Rwanda.
eLA: En tant qu’utilisateur, que pensez-vous du débat Linux versus Microsoft dans le cadre de OLPC?
Richard Niyonkuru: Comme je vous l’ai dit, pour le moment, ce qui est proposé en standard nous convient. Mais nous réalisons déjà que certains contenus qui pourraient nous intéresser sont uniquement disponibles sous Windows. Nous savons qu’il y a des problèmes de coût mais nous ferons remonter nos observations et nos besoins.
eLA: Quelles difficultés rencontrez-vous ou pressentez vous?
Richard Niyonkuru: Les challenges se situent sur deux plans: celui de l’infrastructure et celui de la formation des enseignants. Toutes nos écoles ne sont pas électrifiées et nous travaillons à cela. La solution passera certainement dans certains cas par l’installation de panneaux solaires. L’équipement des écoles en serveurs ou en plate-formes Internet est aussi un point important que nous devons intégrer dans notre planification. En ce qui concerne les professeurs, ils ont à la fois un vif désir de se former pour adapter leur pédagogie en intégrant les TIC mais ceux des écoles déjà équipées nous ont fait part de leur anxiété. Ils voient que les élèves vont parfois très vite et ils ont peur d’être dépassés! Nous avons en effet adopté le processus de dissémination: les élèves peuvent emporter les ordinateurs chez eux, cela permettra un rayonnement de la technologie dans leur entourage. Mais certains reviennent à l’école en ayant découvert de nouvelles applications que leurs professeurs ne maîtrisent pas encore.
Nous avons mis en place un programme de formation des maîtres, qui pourront à leur tour former ensuite d’autres enseignants. Ils sont motivés et nous allons les aider à renforcer leurs connaissances.
eLA: Monsieur Niyonkuru, merci de nous avoir consacré un peu de votre temps.