Rédaction : tous nos remerciements à Adebola Adedugbe qui a accepté de répondre à nos questions malgré une coupure d’électricité interminable à Abuja !
Les jeunes Africains énergiques et pleins de ressources forment près de 50 % de la population du continent. Leur nombre croissant va de pair avec une diminution de la main-d’œuvre agricole. En effet, des vagues entières de jeunes gens migrent des zones rurales vers les secteurs urbains à la recherche d’emplois de bureau et de meilleurs salaires. Pourquoi s’astreindre à manier la houe dans des conditions difficiles pour un salaire de misère (moins de 1 USD par jour) quand les lumières de la ville vous font les yeux doux ?
par Pauline Bugler
Les innovateurs dans le domaine des TIC sont peu à peu en train d’éroder cette image démodée de l’agriculture grâce aux médias sociaux, aux blogs et aux téléphones portables. Dans la plupart des pays africains, l’agriculture est à la fois le pivot de l’économie et un des plus gros pourvoyeurs de travail puisqu’elle emploie près de 90 % de la population rurale du continent. L’agriculture compte pour 40 % dans les recettes d’exportation et couvre plus de 50 % des besoins et des revenus des foyers.
En 2012, Adebola Adedugbe, de Bonifab Nigeria Ltd., a lancé un projet TIC destiné à diffuser des informations sur les opportun d’emploi dans le secteur agricole. Ce programme de formation vise à la fois les diplômés universitaires et les jeunes sans diplôme, ce qui permet de répondre au mix des offres disponibles.
Quelques 300 jeunes ont déjà été formés directement et 800 par l’intermédiaire de la chaîne de valeur agricole. Les jeunes et les organisations de jeunes du Nigéria sont maintenant fortement impliqués dans l’agriculture grâce à des plates-formes informatiques.
« Il faut absolument insister sur l’importance de l’éducation si l’on veut redorer l’image de l’agriculture en tant que choix de carrière compétitif », explique M. Adedugbe. Le secteur est porteur de millions d’emplois pour les jeunes. Les TIC sont en train de devenir un outil éducatif et une stratégie de promotion de l’entrepreneuriat, grâce à la quantité et à la diversité des informations disponibles en ligne. En effet, les médias sociaux apportent aux jeunes des informations crédibles et fiables sur le renforcement des capacités, les formations et l’accès au financement, mais aussi sur la création d’entreprises agricoles. Cela encourage les jeunes qui travaillent dans des PME à lutter contre la pauvreté en créant des emplois et des richesses et à mener une concurrence saine et efficace, ajoute M. Adedugbe.
D’abord lancé en Afrique de l’Ouest et au Nigéria, le programme octroie des subventions aux agriculteurs pour l’achat d’engrais par l’intermédiaire d’un système basé sur les téléphones portables qui envoie des bons d’achat électroniques. À ce jour, il a permis d’atteindre 1,5 million d’agriculteurs, auxquels s’ajoutent 7,5 millions autres acteurs du secteur agricole qui ont ressenti l’impact du programme au cours de sa première année d’existence. L’objectif est d’atteindre 20 millions d’agriculteurs d’ici à 2015, sachant que 10 millions d’entre eux se sont déjà inscrits.
Le programme s’adresse à de multiples pratiques agricoles, qui vont de l’élevage de poissons et d’escargots au Nigéria à la production animale en Ouganda. Mais, quels que soient le lieu et l’activité, son impact est dû, en grande partie, à l’engagement des jeunes. Férus de technologie, ils saisissent toutes les opportunités que leur offrent les médias sociaux pour transmettre des informations, partager leur expérience et s’initier à la facette commerciale de l’agriculture.
« Bon nombre de ces jeunes sont des blogueurs et des coordinateurs de réseaux sociaux… Dans le pays, un nombre croissant d’entre eux sont membres de l’organisation Young Professionals in Agriculture Development (YPARD) », indique M. Adedugbe.
Pourtant, la production agricole de l’Afrique reste relativement faible par rapport à celle d’autres pays, ce qui pose la question de la viabilité. Si l’Afrique veut atteindre son objectif, c’est-à-dire parvenir à nourrir une population en constante augmentation par des méthodes durables, elle ne doit pas traiter l’agriculture comme un élément isolé. Les TIC sont là pour faire le lien entre les agriculteurs, les marchés, les chaînes de valeur et autres réseaux. L’échange d’informations est crucial pour améliorer les performances, la productivité et la compétitivité économique, que ce soit sur les marchés locaux ou internationaux.
Il existe pourtant des obstacles à ce développement, l’un d’entre eux, et non le moindre, étant le problème de l’électricité. Le manque de fiabilité des réseaux, l’absence d’infrastructures et les coûts élevés entravent l’utilisation d’Internet en Afrique. Et la connectivité est souvent bien meilleure dans les villes, ce qui n’est d’aucune aide pour les agriculteurs des régions isolées qui souhaitent, par exemple, suivre de près l’évolution du cours de leurs bananes plantain. Il revient donc aux jeunes de trouver eux-mêmes des solutions.
Or, les politiques et pratiques existantes des gouvernements ne sont pas toujours favorables à l’implication des jeunes dans l’agriculture et dans les secteurs et chaînes de valeur associés. Conscient que le gouvernement du Nigéria n’est pas très généreux dans l’aide financière apportée, M. Adedugbe, soutenu par sa famille, organise des ateliers de formation gratuits pour les jeunes. Pour éliminer ce genre de pratique et parvenir à saisir toutes les opportunités qu’offrent les TIC, il va falloir que le gouvernement et le secteur privé s’attellent à renforcer les capacités de toutes les parties concernées afin de favoriser la mise en place d’une agriculture durable.
Pour en savoir plus sur l’e-agriculture, rendez-vous à l’édition 2014 d’eLearning Africa où vous pourrez assister à une présentation d’Adebola Adebiyi Adedugbe dans le cadre d’une session intitulée « Fructifiez là où vous êtes installé : les TIC au service de l’agriculture ». Consultez le programme pour plus d’informations