En janvier 2013, le Service Actualités d’eLearning Africa publiait un rapport sur les progrès réalisés dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Il soulignait en effet la tendance préoccupante qui privilégie la quantité plutôt que la qualité concernant les efforts pour universaliser l’enseignement primaire d’ici à 2015. Les nouvelles technologies de l’eLearning offrent la remarquable possibilité de diffuser un enseignement de haute qualité dans les pays en développement. Cela pourrait être une réponse au problème, même s’il ne s’agira pas simplement de se contenter « d’accumuler des TICs ».
Par Alicia Mitchell
Dans son discours inaugural lors de la conférence ONLINE EDUCA BERLIN 2012, Michael Trucano, spécialiste des politiques éducatives auprès de la Banque Mondiale, soulignait la tendance dangereuse des décideurs à « simplement distribuer du matériel dans les écoles en espérant que la magie opère ». Les projets consistant en un simple « dump and walk » ne sont pas qu’une perte de temps, d’argent et de ressources ; ils sont également décevants, car ils tendent à délaisser les autres expériences relatives aux TICs dans le champ éducatif.
Le « dumping » technologique n’est pas un simple mal propre aux pays en voie de développement. Dans un rapport détaillé sur les politiques en matière de TICs, Robert B. Kozma souligne « les limites dans lesquelles le paradigme des technologies de l’information a été intégré dans les systèmes éducatifs à travers le monde ».[i] Kozma cite une étude révélant qu’en 2006 presque toutes les écoles des pays de l’OCDE sondés étaient équipées d’ordinateurs mais que seuls les deux tiers des enseignants les avaient réellement utilisés avec leurs élèves l’année précédente. De plus leur utilisation consistait principalement en un affichage de présentations préparées à l’avance. Ainsi, malgré la technologie existante, il n’y a guère eu de révolution des pratiques pédagogiques.
Se concentrer essentiellement sur l’équipement est manifestement insuffisant et la « formation des enseignants » n’est souvent qu’une solution réflexe répondant à la sous-utilisation des TICs. Néanmoins, les dispositifs proposant des licences de drivers informatiques et des programmes d’alphabétisation pourraient apporter aux éducateurs les bases pour se familiariser avec les ordinateurs, même si cela constitue qu’un point de départ. L‘obsolescence des connaissances se produit aussi vite que les nouveaux courants technologiques qui envahissent le secteur. Preuve en est avec l’importance accordée aux ordinateurs portables bon marché qui donnèrent naissance à des projets tels que « Un ordinateur portable par enfant » (une mesure-clé des initiatives dump-and-walk) et qui sont désormais remplacés par les tablettes PC et les eBooks.[ii] Dans cette optique, les cours sur la manière de se servir d’un ordinateur ne sont pas uniquement limités dans leur utilité ; ils constituent potentiellement un immense fardeau financier fournissant des résultats négligeables.
Le problème ne réside pas seulement dans le fait que les enseignants ignorent comment utiliser les nouvelles technologies. Ce qui questionne davantage, c’est plutôt les modes d’enseignement traditionnels qui n’ont pas évolué, ne laissant alors aucune place à la réflexion quant à la manière d’intégrer efficacement les TICs dans le développement de nouvelles pédagogies.
L’UNESCO a joué un rôle essentiel grâce à ses recherches et recommandations sur le déploiement efficace des TICs dans l’éducation à travers le développement professionnel de l’enseignant. En 2008, et à nouveau en 2011, l’UNESCO publiait ICT Competency Framework for Teachers (ICT CFT), en collaboration avec de puissantes multinationales spécialisées dans les technologies telles qu’Intel et Microsoft. Puis en 2012, l’International Institute for Capacity Building in Africa (IICBA) de l’UNESCO édita ICT-enhanced Teacher Standards for Africa (ICTeTSA), « une tentative visant à replacer dans son contexte le cadre et les standards de l’UNESCO en s’appuyant sur les besoins et contextes spécifiques exprimés par les décideurs éducatifs à travers l’Afrique ».[iii]
Par ailleurs, en février 2013, l’International Network for Education in Emergencies (INEE) a lancé un forum en ligne de trois mois qui aborde l’actuelle crise du développement professionnel des enseignants. Les TICs furent le deuxième sujet de discussion mené par James Lawrie, conseiller en éducation auprès de l’organisation caritative War Child. Dans sa contribution au forum, Lawrie rappelle l’usage innovant des Ressources éducatives Libres (REL), des supports éducatifs audio, vidéo, du matériel didactique sous forme de textes, des cours enregistrés à des fins personnelles, des revus professionnels et des systèmes d’évaluation informatiques pour les élèves. Toutes ces initiatives sont autant de moyens pouvant permettre aux TICs de renforcer le développement professionnel de l’enseignant.
En somme, fixer les lignes directrices sur la manière dont les TICs devraient être implémentées dans le cursus ne représente qu’une infime partie de l’enjeu. L’impact de ces cadres et standards, si tant est qu’ils existent, n’est pas encore visible et il existe de nombreux autres facteurs qui doivent entrer en jeu si les enseignants doivent être capables d’utiliser efficacement et de manière imaginative les technologies numériques dans leurs classes.
En dépit ces réserves, il n’en reste pas moins pertinent d’intégrer les TICs dans la formation et le processus de développement continu des enseignants. Lorsqu’ils font l’expérience de l’impact positif des technologies numériques sur leurs pratiques personnelles, ils ne sont alors pas seulement capables de transmettre leurs connaissances aux élèves ; ils peuvent aussi participer avec enthousiasme au développement d’une nouvelle réflexion pédagogique.
Grâce à un soutien tout au long de leur carrière et en s’enrichissant d’une expérience personnelle, les enseignants pourront sans aucun doute se doter de compétences et d’assurance pour s’assurer que les TICs ne sont pas négligées. Au contraire, ces dernières peuvent faciliter un apprentissage approfondi et de qualité pour les professeurs et les élèves.
[i] The Technological, Economic and Social Contexts for Educational ICT Policy’, Robert B. Kozma, in Transforming Education: the power of ICT policies. UNESCO. 2011. p.16.
[ii] Ten trends in technology use in education in developing countries that you may not have heard about. Michael Trucano et al. EduTech, 26.06.2012.
[iii] Developing ICT Skills in African Teachers. Michael Trucano. EduTech, 06.07.2012. Developing ICT Skills in African Teachers. Michael Trucano. EduTech, 06.07.2012.