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Accroître le potentiel d’apprentissage mobile pour les femmes et jeunes filles en Afrique : considérations sur le long terme

Lors des cinq dernières années, pas moins de cinq grandes initiatives d’apprentissage mobile directement destinées aux femmes et aux jeunes filles ont été mises en place en Afrique ; ou du moins les initiatives comprenaient-elles un certain nombre de femmes et jeunes filles et fournissaient à ces dernières des avantages certains. L’Initiative Jokko (Sénégal), le projet ABC (Niger), le Somali Youth Livelihoods Project (Somalie), Nokia Life Tools (Nigeria), et M4Girls (Afrique du Sud) sont autant de programmes se servant de technologies mobiles appuyant l’alphabétisation et l’enseignement des mathématiques, les compétences nécessaires à l’employabilité, qui fournissent en somme des opportunités d’apprentissage aux personnes (souvent et principalement les femmes et jeunes filles) qui, sans ce soutien, n’auraient pas la chance d’accéder à cette instruction. Bien que le potentiel offert par la téléphonie mobile à des fins éducatives chez les femmes et les jeunes filles ait déjà été démontré, des défis subsistent en vue de faire de ces opportunités des solutions durables.

Par Ronda Zelezny-Green (Son site; Son compte Twitter)

En décembre 2012, l’UNESCO a organisé un atelier de consultation régionale intitulé « L’alphabétisation par téléphone mobile : autonomisation des femmes et des filles », principalement axé sur l’Afrique. Outre le projet M4Girls, l’ensemble des projets ci-dessus mentionnés ont été présentés lors de l’événement par des personnes s’étant directement impliquées dans la mise en œuvre du projet. Chaque exécutant était visiblement passionné par son projet – et pour cause, ces projets ont permis l’obtention de résultats probants auprès des bénéficiaires ciblés. Cependant, les points de vue les plus intéressants furent soulevés par les invités présents au nom d’organisations œuvrant pour la promotion de l’éducation des femmes et jeunes filles et de l’usage des technologies de l’information et de la communication (TIC), plus particulièrement le Forum des Educatrices Africaines (FAWE) et les femmes de l’Ouganda Network (Women of Uganda Network -WOUGNET).

Si la plupart des participants firent part de leur enthousiasme quant au potentiel offert aux femmes et jeunes filles par l’enseignement mobile, il fut également largement souligné que de nombreux efforts étaient encore à réaliser, au niveau des communautés, en vue de pleinement bénéficier de l’usage, par les femmes et les jeunes filles, des technologies mobiles à des fins éducatives. Le boom des dispositifs mobiles a eu beau être phénoménal sur le continent Africain, il n’en demeure pas moins qu’un large fossé subsiste au niveau de l’acquisition des technologies en soi, en grande partie pour des raisons financières. Même si une femme ou une jeune fille possède un appareil mobile, avoir les moyens de payer l’électricité pour recharger le téléphone, acheter du crédit pour les communications et SMS, ou encore accéder à Internet sur le mobile peuvent avoir un profond impact sur la poursuite de projets d’apprentissage mobile basés sur le genre ne disposant pas d’un soutien financier extérieur. En outre, plusieurs situations compromettantes ont été reportées dans lesquelles la nécessité de posséder un téléphone portable a transformé la technologie en outil de manipulation. Des femmes et jeunes filles Africaines peuvent ainsi être entraînées dans des relations nuisant à leur réputation dans la communauté, elles peuvent subir harcèlement et violence, du fait que certaines personnes « offrent » un téléphone mobile dont le coût social et personnel est bien plus élevé que ce qui est initialement compris par les personnes qui les reçoivent.

L’un des plus importants sujets ayant émergé des discussions est la nécessité d’impliquer plus encore les hommes dans les activités d’apprentissage mobile destinées aux femmes et aux jeunes filles. Les projets d’apprentissage mobile axés sur le genre se concentrent parfois exclusivement sur le soutien accordé aux femmes et aux jeunes filles, souvent au détriment de la viabilité du projet, si une sensibilisation n’est pas mise en œuvre auprès des hommes et des jeunes vivant dans les collectivités où les projets sont créés. L’Initiative Jokko propose plusieurs exemples de participation masculine : les femmes et les filles qui ont participé au projet ont formé leurs homologues masculins sur les connaissances qu’elles ont acquises (y compris sur la façon d’utiliser les téléphones mobiles), elles ont également transmis d’importants messages relatifs à la communauté que les hommes et jeunes ont reçus par SMS.

L’atelier de l’UNESCO fut un rassemblement de personnes issues de la société civile, du gouvernement, du milieu universitaire et de l’industrie et qui ont pour point commun la volonté de renforcer l’apprentissage mobile pour les femmes et les jeunes filles en Afrique. Attendu que de plus en plus d’opportunités éducatives mobiles axées sur la spécificité des genres sont développées sur le continent, les femmes et les filles doivent non seulement être consultées dès les prémices sur la conception du projet et les résultats escomptés, mais les conversations doivent également se tenir sur la façon de permettre aux technologies et aux services mobiles de devenir plus abordables pour les populations économiquement défavorisées. L’accent doit aussi être mis sur les rôles que les hommes et les garçons peuvent endosser en vue de profiter au maximum des avantages accordés par l’apprentissage mobile.

Les questions relatives au genre et à l’apprentissage mobile seront particulièrement importantes dans les discussions portant sur les changements éduactifs africains. Elles serviront également à analyser plus en profondeur les facteurs socioéconomiques et culturels.

 

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