Tandis que l’Afrique poursuit ses programmes de transformation, il devient urgent de combler les lacunes qui existent dans de nombreux pays et secteurs en matière de connaissances et de capacités. Toute société qui souhaite atteindre un niveau raisonnable de développement durable doit planifier soigneusement l’intégration des technologies. Pour ce faire, l’Afrique va devoir se doter de processus innovants non seulement au niveau de l’acquisition ou du développement de nouvelles technologies, mais aussi au niveau de leur diffusion afin qu’elles finissent par trouver des applications sociales et économiques dans l’ensemble du système.
Par Foster Ofosu, spécialiste du développement des capacités au sein du Groupe de la Banque Africaine de Développement
Alors que les pays développés ont exploité leurs capacités d’innovation pour développer de nouvelles technologies et améliorer les plus anciennes, dans le cas de l’Afrique, le développement technologique a procédé par étapes : acquisition, utilisation, adoption et (espérons-le) diffusion. Pour parvenir à une inclusion sociale et économique, il faut déjà commencer par reconnaître le rôle que tient la connaissance dans la réalisation des objectifs ultimes que sont la réduction de la pauvreté et le développement durable. Ainsi, en se dotant d’une bonne compréhension du contexte socioculturel africain et en l’appliquant aux politiques de développement, il devrait être possible d’avoir un impact à long terme sur les sociétés africaines.
Après avoir ouvert la voie au renforcement des capacités et des compétences ces 10 dernières années, le développement des TIC en Afrique est actuellement en train d’apporter au continent les outils nécessaires pour passer outre la trajectoire habituelle de développement en passant directement à l’adoption de technologies appropriées. Ayant pris conscience de cette évolution, les décideurs politiques, les entrepreneurs, les universitaires, les praticiens et les chercheurs ont commencé à discuter de la mise en place de solutions collaboratives en faveur du développement de l’innovation au niveau national. Ces discussions ont donné naissance à une prolifération de modèles tels que les pôles d’innovation et les systèmes nationaux d’innovation. Ces modèles sont tous axés sur le développement des capacités d’innovation des organisations au sein de concentrations nationales et parfois régionales. Même si certains de ces modèles ont trouvé une application pratique, par exemple, dans l’explosion du nombre de centres d’excellence pour les TIC, les liens qui existent entre les différents acteurs créent un consensus et une finalité commune.
Il existe aujourd’hui plus de 200 centres technologiques en Afrique qui visent à promouvoir l’« entreprenariat technologique ». Les individus et les petites start-up qui réussissent et qui font ensuite la une des journaux pour leurs applications mobiles sont extraordinaires. Je félicite tous les jeunes « techno-entrepreneurs » qui sont en train de donner toute sa place à l’Afrique sur la carte mondiale de l’innovation et de la technologie. Mais ce n’est qu’une facette de l’histoire. Les innovations réussies ne se limitent pas à une question de créativité.
L’autre facette de l’histoire concerne l’utilisation et l’adoption de ces technologies au sein même des sociétés dans lesquelles elles ont été développées. Certaines technologies made in Africa ont été commercialisées avec succès. Parmi elles, M-Pesa qui a révolutionné le développement des prestations de services financiers en Afrique grâce à une utilisation innovante des téléphones portables. Dans le secteur de la santé, mPedigree, une entreprise technologique ghanéenne, est en train d’avoir un impact significatif sur la lutte contre les contrefaçons de médicaments. Nous n’avons toutefois pas encore enregistré l’arrivée de technologies à grande échelle dans le secteur de l’éducation et de la formation.
Le changement technologique est au cœur de la transformation sociale et économique, surtout dans la société de la connaissance qui est la nôtre aujourd’hui. Contrairement aux technologies industrielles, l’économie de la connaissance a besoin de technologies à la fois comme point de départ et comme résultat de la création de valeur. Le développement des TIC ne doit pas se limiter à une question de créativité, mais permettre l’adoption et la diffusion de technologies made in Africa dans l’ensemble de la société. Comment y parvenir ?
Pour que les TIC réussissent à avoir un impact positif sur la croissance inclusive et le développement durable, il va falloir transformer le contexte actuel, au sein duquel les différents acteurs travaillent de manière indépendante (au niveau national ou international), pour passer à un système plus collaboratif d’innovations transsectorielles. L’Afrique doit trouver de nouveaux moyens de favoriser l’innovation technologique. Elle va devoir créer un environnement favorable aux initiatives locales, nationales et internationales qui visent à développer de nouvelles technologies pour lutter contre les nombreux problèmes socio-économiques du continent. Le développement durable a également besoin de technologies durables qui soient également économiquement viables, socialement nécessaires, pertinentes et acceptées.
Même si les techno-entrepreneurs individuels et le secteur privé resteront évidemment la principale source d’innovation technologique, il est important que les sociétés africaines mettent en place un système de liens au niveau des organes politiques (gouvernements), des organisations internationales, des universités, des institutions de recherche et de la société civile afin de créer, d’appliquer et de diffuser des TIC pour le développement des compétences et le renforcement des capacités en Afrique.