Aperçus de la conférence

La société numérique devant un dilemme : que voulons-nous obtenir : des apprenants ou des consommateurs ?

Mark Surman
Mark Surman

La culture numérique est tout aussi importante que la lecture, l’écriture et le calcul. C’est le message que la Fondation Mozilla (organisation à but non lucratif qui soutient les projets open source) veut faire passer en s’efforçant d’apporter aux gens un Internet responsabilisant et éducatif. « Nous n’y arriverons pas seuls », ajoute-t-elle.

Par Annika Burgess

« Nous nous trouvons à une charnière de l’évolution de la société numérique. Nous allons devoir choisir entre un outil qui responsabilise et éduque les populations et un outil qui transforme les gens en simples consommateurs. Notamment, en Afrique, un continent où les habitants deviennent les consommateurs de produits offerts uniquement ou principalement par des entreprises étrangères », note Mark Surman, directeur de la Fondation Mozilla, qui participera à la conférence eLearning Africa au mois de mai.

Le nombre de personnes ayant accès à Internet dépasse toutes les prévisions. En 2015, le nombre d’utilisateurs d’Internet à travers le monde devrait franchir la barre des 3 milliards, dont deux tiers provenant des pays en développement. D’ici à 2018, près de la moitié de la population mondiale aura régulièrement accès au Web. Mais sans formation de base à l’utilisation de ce média, que pourront en tirer ces millions de nouveaux utilisateurs ?

« L’important n’est pas que nous puissions tous avoir accès à Internet, l’important c’est que nous sachions comment nous en servir. Comment l’utiliser pour déverrouiller l’emploi, déverrouiller la créativité et déverrouiller l’apprentissage – c’est exactement ce qu’Internet peut faire pour nous. Pour cela, nous devons absolument apprendre comment manier Internet et savoir ce que le Web peut faire pour nous », ajoute Mark Surman.

Mozilla a cherché des moyens de résoudre ce problème au fil des années en concevant différentes activités pour encourager les gens à « enseigner le Web ». La Fondation a notamment créé la campagne mondiale Maker Party, qui rassemble des enseignants, des organisations et des utilisateurs d’Internet pour « fabriquer » le Web à l’occasion d’événements communautaires organisés dans le monde entier. À ce jour, 2 513 événements ont été organisés dans 450 villes de 86 pays.

« Nous avons réalisé que si nous voulions que les gens aient toute la puissance d’Internet entre les mains et sachent en tirer profit, il nous fallait quelque chose de créatif et de grande ampleur, les écoles à elles seules n’auraient pas suffit. Nous avons donc démarré avec cette approche locale, en incitant les gens à se former mutuellement ou en mettant l’accent sur ce que nous appelons une approche « concrète », par laquelle nous incitons les gens à commencer par créer des choses sur Internet, avant de leur donner la possibilité de se former », explique Mark Surman.

« Des groupes de jeunes émergent partout en Afrique et se lancent dans des activités concrètes et innovantes qui leur permettent de se former seuls, mais lorsqu’il est possible de les rassembler à l’occasion d’un événement comme une Maker Party, cela donne naissance à une communauté mondiale de jeunes qui est alors capable d’œuvrer au développement de tout le continent », explique Ariam Mogos, directeur de la recherche et des nouvelles initiatives à GMin au Kenya à propos de son expérience des Maker Party.

Outre les réseaux d’apprentissage, il existe une application baptisée Webmaker. Elle contient une série d’outils open source en ligne qui permettent aux gens de créer à peu près n’importe quoi : applications, pages Web pour leur petite entreprise ou vidéos en ligne. L’idée est de commencer à développer quelque chose de simple, de le partager, puis, par le biais de cet engagement social, d’assimiler de nouvelles connaissances.

« Avec Webmaker, nous espérons prendre en main les millions de nouveaux utilisateurs mobiles du Web, leur permettre de créer quelque chose rapidement, puis les embarquer dans un voyage de créativité et d’apprentissage, explique Mark Surman. L’idée est qu’ils acquièrent des connaissances sur le tas en apprenant chaque jour un peu plus, avant que nous n’abordions la théorie dans le cadre d’un module social d’assistance en ligne permettant à tous de s’entraider (peer learning). À partir de là, une fois qu’ils seront vraiment intéressés, nous pourrons les guider vers nos formations en face-à-face. »

Mozilla espère que Webmaker permettra aux utilisateurs de réaliser combien il est facile de modifier du contenu. Et en modifiant le contenu, ils pourront le rendre plus pertinent. « Environ 70 % d’Internet est en anglais, ce qui n’est pas représentatif des langues qui sont majoritairement parlées sur la planète. Internet ouvre les possibilités et, ce que nous faisons avec Webmaker, c’est d’inciter les gens à utiliser leurs langues traditionnelles sur le Web », explique Mark Surman.

« Règle numéro un, les gens n’adopteront pas Internet en Afrique ou dans beaucoup d’autres régions s’ils ne trouvent pas de contenu local. Règle numéro deux, il n’y aura pas de contenu local si les gens ne le créent pas eux-mêmes. »

La nouvelle application Webmaker est actuellement en phase beta, mais les résultats semblent prometteurs. Toutefois, comme l’admet Mark Surman, malgré les efforts lancés par la société pour améliorer la culture numérique mondiale par des moyens innovants, il faudrait « beaucoup, beaucoup plus que cela ».

« Nous avons besoin d’un raz-de-marée de personnes capables d’avoir un impact sur l’avenir d’Internet, sur ce qu’Internet va devenir, avec des outils concrets et axés sur le monde de l’entreprise. Que peut faire l’industrie, que peuvent faire les gouvernements pour inciter, avec créativité, les Africains à comprendre la puissance d’Internet et à l’utiliser pour améliorer leur propre vie et celle de la société ? Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est que les gouvernements et les entreprises se rassemblent derrière l’idée d’une culture numérique de masse. Nous n’y parviendrons jamais seuls. »

Mark Surman sera présent à la conférence eLearning Africa, qui aura lieu du 20 au 22 mai 2015 à Addis-Abeba en Éthiopie.

 

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*