Comme d’autres territoires arides et semi-arides, Turkana possède l’un des plus faibles indicateurs de développement économique et social du Kenya, les jeunes et les femmes étant les groupes les plus touchés. Dans tout le pays, les jeunes sont confrontés non seulement à des obstacles structurels au travail, mais aussi à des blocages sociaux et culturels. Cela concerne autant les femmes que les réfugiés nouvellement arrivés. Différents obstacles empêchent l’absorption des jeunes et d’autres groupes vulnérables dans le marché du travail local, notamment les problèmes d’acquisition de compétences et l’accès limité aux services financiers qui sont dus à la barrière de la langue, à l’absence d’historique de crédit et aux faibles niveaux d’alphabétisation. Il est donc crucial d’éliminer ces obstacles pour faciliter l’intégration sociale des jeunes dans la communauté et pour les aider à trouver leur place sur le marché du travail. La population du comté de Turkana s’élève à environ 1 427 797 individus, dont 31,78 % de jeunes âgés de 15 à 29 ans. Le territoire abrite le camp de réfugiés de Kakuma et la colonie intégrée de Kalobeyei qui regroupent environ 185 449 réfugiés et demandeurs d’asile de 21 nationalités.
Le projet Promoting Life Skills and Livelihoods, souvent appelé Skills 4 Life, est financé par l’Agence suisse pour le développement et la coopération (SDC) et géré par Swisscontact depuis 2013. Il en est actuellement à sa deuxième phase d’implantation qui se terminera en juin 2019 et cible à la fois les membres de la communauté hôte et les réfugiés qui vivent dans le camp de réfugiés de Kakuma et dans la colonie intégrée de Kalobeyei. Le projet a pour but de renforcer les capacités de production de revenus de 2 500 jeunes âgés de 16 à 25 ans en améliorant l’accès à des formations sur des thèmes tels que les compétences techniques et financières, les aptitudes à la vie quotidienne, la lecture et le calcul utilisant un mélange de méthodes conventionnelles et numériques afin d’améliorer leurs moyens de subsistance.
Le portail numérique a-ACADEMY Basic Skills a été créé par la fondation Avallain Foundation qui s’est associée à Swisscontact pour tester la capacité de la plateforme à offrir aux bénéficiaires du projet une formation à la lecture et au calcul, des compétences essentielles au XXIe siècle. La phase pilote s’est déroulée d’avril à décembre 2017 avec la mise en œuvre d’une solution d’apprentissage numérique accessible dans n’importe quel environnement d’apprentissage mixte. Le portail en ligne était composé de deux parties distinctes ; une pour la lecture et l’autre pour le calcul. Les plates-formes regorgent d’activités motivantes et interactives qui englobent de multiples éléments multimédias tels qu’un cursus localisé, des visuels de la monnaie locale, des aliments et des lieux locaux, des animations et d’autres images et sons soigneusement choisis et personnalisés, qui sont connus des apprenants.
Lecture et calcul en tant que stratégie d’inclusion sociale
Le portail numérique a-ACADEMY Basic Skills est adapté aux conditions d’apprentissage de la communauté hôte et de la communauté des réfugiés. Il s’appuie sur une approche pédagogique et utilise le récit comme composante d’alphabétisation des adultes. Les apprenants peuvent ainsi faire usage de leurs connaissances existantes comme d’un outil d’apprentissage transférable à leurs différentes situations de vie.
On estime actuellement que le niveau d’alphabétisation au sein de la population adulte du comté de Turkana atteint à peine 20 %. Cela contribue à exclure la communauté hôte du marché du travail, renforçant ainsi la vulnérabilité des foyers. Le faible niveau d’éducation, la barrière de la langue et les opportunités limitées freinent également l’intégration socio-économique des communautés de réfugiés. Il est clair que les individus qui savent lire ont généralement davantage confiance en eux et ont plus de chance d’être en bonne santé et d’avoir un meilleur emploi et un salaire plus élevé que ceux qui ne maîtrisent pas la lecture.
Le projet Skills 4 Life intègre les TIC pour favoriser l’acquisition des compétences et l’échange d’informations dans le cadre de sa stratégie d’apprentissage mixte. La plate-forme a-ACADEMY Basic Skills a reçu un accueil enthousiaste de la part de la communauté hôte et des réfugiés, les apprenants affichant une nette préférence pour les méthodes d’apprentissage numériques par rapport aux méthodes conventionnelles. « Lorsque les bénéficiaires utilisaient la plate-forme a-ACADEMY, l’apprentissage était plus rapide et plus simple que lors des sessions conventionnelles au tableau. Même les débutants comprenaient le contenu facilement car la plate-forme utilisait des outils audiovisuels qui favorisaient la compréhension. Par exemple, lorsqu’un bénéficiaire apprenait les fruits, il écoutait la prononciation, notait l’orthographe et faisait le lien avec l’image du fruit qui apparaissait à l’écran. Cela facilitait grandement la mémorisation », explique Rose Chelia, formatrice en lecture et en calcul auprès de Skills 4 Life.
Il apparaît clairement que le modèle d’apprentissage de l’a-ACADEMY basé sur les TIC est capable de favoriser et d’accélérer l’inclusion sociale des membres marginalisés des communautés hôtes et des réfugiés dans l’ensemble du pays. C’est ce qu’a confirmé Musembwa Hamisi Jacques, un Congolais de 29 ans qui, deux mois après avoir terminé les cours d’alphabétisation, a été embauché en tant qu’assistant de terrain auprès de Solidarity and Advocacy with Vulnerable Individuals in Crisis (SAVIC), une organisation non-gouvernementale dirigée par les réfugiés qui œuvre dans le camp. « Quand je me suis inscrit au cours, je parlais à peine l’anglais. Grâce aux enseignants et aux cours numériques, l’apprentissage est devenu amusant, concret et motivant. J’ai acquis des compétences utiles et j’ai même pu obtenir un emploi décent. Je peux maintenant interagir et parler avec d’autres nationalités dans le camp, ce qui me facilite grandement la vie. »
La plate-forme a-ACADEMY ICT
L’apprentissage virtuel aide à dépasser des difficultés telles que la distance, le nombre limité de lieux d’apprentissage, la pénurie d’enseignants, les classes trop nombreuses, l’absence de ressources d’apprentissage et le taux élevé de rotation des enseignants. Le contenu interactif élaboré pour les jeunes de Kakuma et qui cible à la fois les locaux et les réfugiés est basé sur le cursus d’alphabétisation pour adultes du Kenya et comprend des contenus financiers adaptés au contexte de Kakuma. Le programme d’apprentissage numérique utilise des technologies existantes qui peuvent facilement être personnalisées et adaptées à différents contextes, emplois et niveaux d’éducation.
La plate-forme a-ACADEMY, dont le contenu et la conception visent à répondre aux besoins d’alphabétisation de base et à fournir différents niveaux de connaissances aux bénéficiaires du projet, contient des options de formation flexibles. Elle fonctionne à la fois en ligne et hors ligne et est accessible sur tablette, ordinateur portable et téléphone portable. Elle contient également un cahier d’autoévaluation qui permet aux apprenants de suivre leurs progrès.
Le contenu s’adapte au rythme et aux besoins d’apprentissage des différents apprenants et leur offre la possibilité d’acquérir des compétences de lecture et de calcul à leur propre rythme par le biais de sessions d’apprentissage mixtes dans des groupes d’apprentissage ou sur des supports d’apprentissage autonomes. La fondation Avallain Foundation utilise les cursus existants et d’autres supports d’alphabétisation pour adultes (tels que la formation kényane de base pour adulte – ABET 1) pour guider les thèmes et l’ordre des concepts abordés dans les modules.
Témoignage
Il y a six ans, Abbas Habib Adam (42 ans) a fui l’Éthiopie avec sa famille pour chercher refuge au Kenya. N’ayant reçu qu’une éducation primaire, enseignée en Amharic et en Oromia, son installation au camp de réfugiés de Kakuma s’est avérée particulièrement compliquée. Son incapacité à parler l’anglais ou le swahili l’empêchait non seulement d’interagir avec les autres nationalités du camp, mais aussi de participer à des activités productives.
Habib, qui gère actuellement un petit restaurant au centre Kakuma II, a entendu parler d’une formation d’alphabétisation de trois mois organisée à l’école primaire Fuji et s’y est rapidement inscrit. « Suivre ce cours a été l’une des meilleures décisions que j’ai jamais prises car j’ai pu améliorer fortement mes compétences de communication. Je peux maintenant parler à mes clients en toute confiance, ce qui m’a permis de développer mon activité. J’ai bien aimé utiliser les ordinateurs portables pour me former à la nutrition et au calcul. Je sais maintenant allumer et éteindre un ordinateur portable. J’espère pouvoir économiser suffisamment d’argent pour pouvoir m’acheter mon propre ordinateur bientôt », explique Habib.
Au départ, Habib s’était inscrit à un programme d’alphabétisation de six mois dans un établissement local de formation pour adultes, mais a dû arrêter en raison de l’éloignement et des horaires fixes. « Contrairement au programme précédent, le programme a-ACADEMY Basic Skills est court, flexible et basé sur l’apprentissage numérique. Le nombre d’apprenants était suffisamment limité pour que l’enseignant puisse interagir individuellement avec chaque étudiant. »
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