Lorsque Stephen Downes et George Siemens, deux chercheurs canadiens, ont entamé la conception du premier cours en ligne ouvert et massif (MOOC) au monde en 2008, ils ne s’attendaient pas vraiment à un succès retentissant.
« Nous pensions que peut-être une vingtaine de personnes y prendraient part », m’a confié récemment Downes.
Au final, c’est une importante masse, estimée à environ 2200 étudiants virtuels, qui y pris part. Heureusement, ce module centré sur la théorie connectiviste de l’apprentissage a pu prendre en charge l’afflux de participants, car il avait été conçu sous forme de « réseau distribué de ressources interconnectées ».
« Le fait de l’avoir conçu de façon décentralisée a permis d’accueillir aisément 2200 participants », affirme Downes. Le contenu formel de ce cours a été propulsé par Moodle, un module Wiki adapté à la conception de produits de connaissances, ainsi que Grasshopper, conçu par Downes comme agrégateur, système de gestion de contenus et liste de diffusion.
Aujourd’hui, bien sûr, d’autres technologies entrent en jeu dans la conception réussie d’un MOOC, et Downes en explorera plusieurs lors du prochain atelier qu’il animera pendant la conférence eLearning Africa prévue le mois prochain en Côte d’Ivoire. Prolifique commentateur de tout ce qui touche aux technologies et à l’éducation, Downes présente les dernières innovations dans son bulletin d’information OLDaily. Il s’intéresse à l’éventuelle révolution de l’apprentissage sous l’impulsion de nouvelles technologies, notamment l’IA, la chaîne de blocs et la technologie Cloud.
L’IA est un exemple patent. Non seulement cette technologie recommande des contenus aux apprenants selon leurs besoins, dit-il, mais elle peut aussi créer à la volée des ressources, notamment rédiger un article destiné aux étudiants ou un manuel d’instructions à suivre.
De même, la chaîne de blocs garantit aux institutions éducatives une valeur unique : la cryptographie n’autorisant aucune forme de modification, elle est idéale pour créer les titres de qualification des étudiants. Lorsque Downes a animé cette année un MOOC pour le compte du Conseil national de la recherche, il a décerné des badges numériques aux étudiants selon l’achèvement des neuf modules de son cours en ligne, puis sauvegardé ces badges dans une chaîne de blocs sécurisée. « Cette approche a l’avantage de garantir une plus grande crédibilité », dit-il. « Personne ne peut modifier ces données ».
Un tel niveau de sécurité peut s’avérer essentiel pour des pays en développement, où la vérification des qualifications est encore plus importante, affirme Downes.
En fait, toutes les technologies amorcées pour révolutionner l’éducation peuvent impacter spécifiquement les domaines peu fournis en ressources. En développant des technologies Cloud locales (pour réduire les coûts liés à la bande passante internationale) ou en utilisant des données ouvertes (pour réduire les coûts liés aux supports pédagogiques), les gouvernements et institutions de recherche d’Afrique peuvent atteindre et dépasser leurs objectifs en matière d’éducation et de formation sans se ruiner, en adoptant les dernières technologies numériques.
À plusieurs égards, c’était le but du premier MOOC de Downes qui, en insistant sur le caractère « ouvert », voulait démocratiser l’apprentissage. Étant donné que des organisations telles que Coursera et EdX ont voulu monétiser leurs offres, cette philosophie a été quelque peu diluée.
« Dans le reste du monde, le modèle est plus similaire aux MOOC connectivistes d’origine », affirme-t-il. « Sans vouloir reproduire un cours conventionnel, il s’agit de créer une communauté capable d’effectuer ses propres recherches sur une discipline ou un champ d’étude. »
Quoique sonnant comme un terme à la mode à la Silicon Valley, le connectivisme est une théorie de l’éducation où les connaissances sont distribuées au sein d’un réseau de nœuds humains et non-humains. Selon un article publié dans Slate, dans un mode d’éducation connectiviste, la réussite désigne la capacité à « naviguer à travers ce réseau, à lier des champs disparates et à contribuer à la compréhension d’autres personnes ».
« C’est essentiellement un modèle moins formel et axé sur l’apprenant, tel qu’on le voit actuellement à l’échelle mondiale », affirme Downes.
C’est aussi un moyen de penser l’avenir de l’éducation, qui nécessite constamment une dose de nouvelles technologies pour conserver sa fraîcheur et son intérêt. Les concepteurs de MOOC peuvent doper la pertinence de leurs cours en y associant des technologies disparates.
« C’est avantageux en termes de réduction des coûts et, évidemment, d’employabilité, de créativité, d’entrepreneuriat, etc. En guise d’exemple, l’Inde a développé sa propre industrie de technologies en offrant aux gens l’accès aux ressources d’apprentissage ouvertes, au moyen de cette approche très informelle et libre. »
Downes est ravi de partager ces études de cas avec une nouvelle audience en Afrique ; il précise qu’il présentera, mais sans prescrire aux différentes communautés ce qu’elles doivent faire, car n’étant « pas qualifié » pour cela. En définitive, pour lui, eLearning Africa sera une opportunité d’entendre des voix qui « ne sont pas représentées en Europe et en Amérique du Nord ».
« Toutes les infrastructures que nous prenons pour argent comptant ici au Canada peuvent représenter un défi lorsqu’on travaille en Afrique : de la disponibilité de l’électricité à l’accès Internet en passant par la sécurité physique et cybernétique, tout y passe. Il n’est donc pas question d’y aller pour dire faites ceci ou cela : ce n’est pas mon but. Je voudrais juste dire : voici des choses nouvelles et intéressantes qui se passent dans le monde et voici comment elles pourraient avoir une incidence sur l’avenir de l’éducation. »
Joignez-vous au spécialiste de renommée internationale Stephen Downes, pour explorer le paysage de la prochaine génération de technologies d’apprentissage : son atelier pré-conférence Technologies de formation à distance et apprentissage en ligne nouvelle génération se tiendra le mercredi 23 octobre.
Jetez un coup d’œil à la suite du programme de eLearning Africa 2019 ici.