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De ‘Kinky Boots’ à Kigali : comment un producteur de Broadway replace le ‘récit’ au coeur de l’apprentissage

Certaines professions semblent liées au monde de la scène, même si le lien n’existe que dans le cerveau de ceux qui les pratiquent. La politique, par exemple, a été décrite comme le « monde du spectacle des personnes laides ». Le secteur du droit regorge d’orateurs qui auraient été aussi à l’aise sur scène que sous la perruque et la toge. La profession d’enseignant abrite, elle aussi, quelques excentriques qui sont une source de distraction permanente pour leurs élèves. Il n’est donc pas si surprenant que l’un des grands noms de la technologie de l’apprentissage soit également producteur à Broadway, avec de nombreux succès à son actif parmi lesquels « Kinky Boots » et « Bob l’éponge ».

Par Harold Elletson

Elliott Masie est l’exception à la règle de Bette Davis selon laquelle « la seule raison qui pousse les gens vers Broadway c’est qu’ils n’ont pas trouvé de travail dans l’industrie du cinéma ». Pour lui, le succès a été au rendez-vous bien avant que les lumières de Broadway ne l’attirent. Grand nom du monde de l’eLearning, il a même atteint, l’année dernière, la première place sur la liste des personnalités les plus dynamiques du secteur.

Principalement connu pour ses travaux sur la formation en entreprise et les performances organisationnelles, il est l’auteur d’un ouvrage influent : « Learning TRENDS by Elliott Masie ». Il est également président du Learning Consortium et fondateur du Masie Center, un think-tank qui étudie la nature changeante de l’emploi et les besoins d’apprentissage et de formation des travailleurs de demain. Le centre comprend un « laboratoire d’apprentissage » de 1 000 m² (valeur : 2 millions de dollars) à Saratoga Springs dans le nord de l’État de New York, qui est utilisé pour « la recherche, l’innovation et l’étude comparative dans le domaine de l’apprentissage ».

Lieu d’expérimentation actif, ce centre est équipé d’une gamme complète d’outils d’apprentissage, de studios d’enseignement virtuels, d’appareils mobiles, de matériel d’enregistrement vidéo, de robots, d’imprimantes 3D, de dispositifs portables, d’iBeacons, etc. Cette véritable caverne d’Ali Baba de l’edTech est un lieu rêvé pour les techniciens et les enseignants.

Le Learning consortium d’Elliott Masie est à l’avant-garde d’une réflexion innovante sur l’apprentissage au travail et sur ce que les entreprises peuvent faire pour aider leurs salariés à apprendre et à se former. Il est soutenu par certains des plus grands noms du monde de l’entreprise aux États-Unis, tels que Walmart, CNN, American Express et General Electric. Elliott Masie les a amenés à réfléchir sur la nature changeante du travail et de l’éducation et à coopérer non seulement avec lui mais entre eux sur l’évolution des nouvelles stratégies d’apprentissage et sur le développement de modèles capables d’accélérer la diffusion des connaissances et la collaboration dans les entreprises.

Tout cela peut sembler bien éloigné de Broadway, mais un lien existe pourtant et Elliott Masie est convaincu que ce lien est de plus en plus important.

« Nous voulons remettre le récit au cœur de l’apprentissage », explique-t-il.

Le divertissement et le récit sont de plus en plus reconnus comme des composantes importantes du processus d’apprentissage, tout comme le jeu. Elliott Masie parle de la nécessité de « faire tomber les silos » et son expérience l’a convaincu que l’apprentissage est intimement connecté au récit et au divertissement. Il en a notamment pris clairement conscience en Afrique, où lui et sa femme Cathy participent, depuis une dizaine d’années, à des initiatives qui utilisent l’eLearning pour lutter contre la propagation du paludisme et du VIH/SIDA.

« Une bonne partie de l’apprentissage se fait par le récit, explique-t-il. Nous étions au Sénégal et au Mali. Nous parlions à des conseillers en prévention du SIDA de ce qu’il est possible de faire pour inciter les travailleurs du sexe à se protéger. Nous nous demandions quel serait le meilleur moyen de les former. Mais nous avons soudain réalisé que la véritable question était de trouver le meilleur moyen de leur raconter une histoire. Et tout a changé. »

Ces remarques reflètent la pensée globale d’Elliott Masie qui estime non seulement que le récit tient une place importante dans l’éducation (« Nous devons trouver le moyen de remettre le récit au cœur de l’apprentissage ») mais que l’enseignement doit être adaptable. Il n’est pas possible d’imposer un apprentissage mondial sans tenir compte des contextes locaux. Elliott Masie considère l’apprentissage mondial comme quelque chose d’à la fois universel et local.

« Ceux qui croient en l’apprentissage mondial ne doivent pas se contenter de diffuser l’apprentissage dans le monde entier, ils doivent étudier l’ADN local de l’apprentissage », indique-t-il. En Afrique, le récit fait encore partie intégrante du processus d’apprentissage.

Cette vision devrait trouver un large écho parmi l’audience du 26 septembre à la conférence eLearning Africa où Elliott Masie présidera une série d’intervenants de haut niveau du monde de l’edTech. Les éducateurs, les managers et les leaders politiques africains se battent depuis longtemps pour dire qu’il est impossible d’imposer des programmes d’apprentissage mondiaux sans tenir compte de la culture, des traditions, des langues ou des contextes locaux. Le point de vue d’Elliott Masie selon lequel, pour être efficace, l’apprentissage mondial doit également être local ravira les acteurs africains.

Elliott Masie est un éternel optimiste, que ce soit au sujet des pays africains, qui présentent de « merveilleuses opportunités », ou des bienfaits que la technologie peut apporter à l’éducation africaine. Il n’est cependant pas un inconditionnel de la technologie. Il ne défend pas l’idée selon laquelle tout peut être résolu par la technologie, qui serait une sorte de panacée à tous les maux de l’humanité. Les Africains sont souvent réticents à l’idée d’abandonner les méthodes traditionnelles et, en dépit de tout le potentiel des nouvelles technologies, Elliott Masie estime lui aussi qu’il ne faut pas rejeter les méthodes qui ont fait leurs preuves mais les adapter.

« L’apprentissage n’est pas une activité d’édition, mais une activité d’expérience… Je pense que l’apprentissage fait partie de l’expérience humaine et que les gens veulent apprendre à travers l’expérience. »

Il estime ainsi que, quels que soient les nouveaux développements de la technologie, l’enseignant, sous une forme ou une autre, restera irremplaçable.

« Nous n’avons jamais envisager de faire disparaître l’enseignant, explique-t-il. Les enseignants disparaîtront peut-être de la salle de classe, mais il faudra toujours avoir une contribution numérique de ce que l’enseignant fait… Il est crucial de préserver la nature même de l’enseignement. »

Expert de premier plan en théorie et en pratique de l’éducation à une époque de changements technologiques rapides, Elliott Masie est à la fois stimulant, rassurant, déstabilisant et réfléchi.

À la conférence eLearning Africa, le producteur de Broadway sera sur le devant de la scène et probablement même la star de l’événement.

FIN

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